Chapitre 14

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— Yanna, puis-je te poser une question un peu... personnelle ? me demanda Aubin un soir, après de tendres ébats dans ma chambre.

Nous reposions au milieu des fourrures du lit à baldaquin, éclairés par le petit chandelier posé sur une table de chevet.

— Bien sûr..., ronronnai-je, blottie contre lui.

— Ne crains-tu pas de tomber enceinte ? Une relation hors mariage peut se dissimuler, mais une grossesse, en revanche...

Je me tendis soudainement. Je laissai passer plusieurs secondes, hésitant à lui révéler mon secret. Il le faudrait bien, pourtant, si je voulais continuer à le fréquenter... Aubin attendait anxieusement, espérant ne pas avoir été maladroit ou indiscret.

— Eh bien, en réalité j'ai pris mes dispositions pour que cela n'arrive pas, annonçai-je gravement en me relevant pour m'asseoir sur les fourrures du lit. Tu as raison de me le demander, j'aurais dû t'en parler plus tôt.

— Que veux-tu dire ? demanda le jeune homme, intrigué, en s'asseyant de même.

— Il y a quelques années – en fait au moment où a débuté ma relation avec Loeiz –, Claudine m'a donné la composition d'une poudre à base de plantes qui permet d'empêcher les grossesses.

— Et ça fonctionne ? fit-il, surpris.

— Jusqu'à présent, oui...

Aubin me regarda d'un air songeur. Ses prunelles brunes me fixaient comme s'il me découvrait sous un autre jour.

— Je suis soulagé, je l'avoue..., dit-il doucement. Je me demandais pourquoi toi et Loeiz n'aviez jamais eu d'enfant, en deux années de... Enfin bref, je pensais que l'un d'entre vous ne le pouvait pas.

Je lui adressai un triste sourire.

— Je pourrai en avoir – du moins je le suppose –, mais seulement quand je l'aurai décidé, assurai-je.

Aubin hocha la tête et se rallongea, une certaine tristesse dans le regard. Aurait-il aimé me voir enceinte ? Mais pourquoi, s'il ne comptait pas m'épouser ?

Le jeune homme restait silencieux, étendu sur le dos, plongé dans ses pensées. Je ne pouvais pas m'endormir en laissant l'incertitude me ronger.

— Aubin, à quoi penses-tu ? l'implorai-je. Quelque chose te préoccupe, je t'en prie, dis-moi ce que c'est...

Il soupira, ferma brièvement les yeux, avant de se relever soudainement pour s'asseoir de nouveau.

— Très bien ! lança-t-il avec résolution. Je ne peux pas m'endormir sans savoir. Yanna, je t'aime plus que tout. Tu m'attirais déjà lors des premiers temps de notre rencontre, mais depuis nos retrouvailles il y a quelques semaines, j'ai compris que je ne pourrai plus me passer de toi. Je sais que je ne suis qu'un simple paysan, et toi la fille de la duchesse de Bretagne, mais... veux-tu m'épouser ?

Je le regardai en ouvrant de grands yeux, touchée en plein cœur. Ma gorge se noua, l'humidité monta à mes yeux... Aubin détourna le regard, ne supportant pas la cruelle attente.

— Oh, Aubin..., murmurai-je enfin, profondément émue. Peu m'importe notre différence de rang ! Je t'aime tellement... Oui je veux t'épouser, bien sûr !

Il me regarda avec surprise, stupéfait.

— Vraiment ?

— Mais... oui, en doutais-tu ? demandai-je, surprise à mon tour – et un peu blessée.

— Eh bien, hésita le jeune homme, je pensais que tu n'avais jamais épousé Loeiz à cause de votre différence de rang, justement... En quoi serait-ce différent maintenant ?

La Dernière chevauchée, Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant