Chapitre 20

71 8 2
                                    

Une vision d'horreur nous accueillit. De nombreuses tentes étaient en flammes, déchirant l'obscurité de la nuit, jetant une lueur infernale sur le camp. Partout, des hommes se battaient, à pied ou à cheval pour ceux qui avaient eu le temps de courir à leur monture. Les cris des hommes, les hennissements des chevaux, le fracas des lames assourdissaient les oreilles. Les Anglais, bien plus nombreux, avaient déjà pénétré dans la ville. Je m'y ruai. Je devais apprendre plus tard que les assaillants s'étaient introduits dans l'enceinte fortifiée par une porte dont les franco-bretons avaient négligé la fermeture.

Partout dans les rues, les épées au clair renvoyaient la lueur des torches, brandies haut et fort, rougissant du sang de leurs victimes. Les habitants courraient dans tous les sens, paniqués, cherchant vainement un endroit où se cacher, tandis que les soldats se battaient avec rage contre les assaillants. Les combats se déroulaient dans chaque recoin de la ville, les hommes grouillaient dans les rues, se poursuivant, hurlant sans cesse. Il était impossible d'y échapper.

Bien que dramatiquement inférieurs en nombre, les chevaliers français et bretons refusaient de se rendre sans combattre, tâchant de causer le plus de pertes possibles dans les rangs ennemis. Partout ce n'étaient que mêlées et corps à corps, entrecoupés parfois d'hommes qui s'enfuyaient en courant.

Je poussai sans hésiter Rousig au milieu des combats, droit vers mon logement où se trouvait mon épée. À mon grand soulagement, il n'avait pas été envahi. Bondir à l'intérieur et m'emparer de mon arme ne me prirent que quelques secondes, puis je talonnai ma jument vers le logement d'Arthur.

La panique me dévorait le cœur en songeant au jeune prince. À ceux qui firent mine de m'arrêter, je fonçais sur eux en hurlant, brandissant mon épée et éperonnant de plus belle ma jument. Je renversai plusieurs hommes sur mon passage, mais réussis tant bien que mal à apercevoir la demeure ducale... ou du moins ce qu'il en restait, car on pouvait voir de l'extérieur des hommes la piller de fond en comble. Je regardai frénétiquement autour de moi, mais mon jeune frère n'était nulle part en vue.

J'allais talonner Rousig pour partir à sa recherche à travers les rues, quand le tranchant d'une épée s'abattit violemment dans mon dos, me pliant en avant, le souffle coupé. Un robuste chevalier anglais m'attrapa à bras-le-corps et me jeta à terre, sans que je pusse réagir, étourdie par la douleur. L'épaisseur de ma tunique et de mon manteau n'avaient absorbé qu'une faible partie du choc. Je tentai de me relever, mais la douleur me vrilla le dos, me rejetant à genoux. Le chevalier anglais sauta à terre à son tour et m'attrapa les poings, me menaçant de son épée.

Come! me cria-t-il pour couvrir le tumulte.

Il m'entraîna sur quelques pas puis me jeta brusquement à terre, près d'autres prisonniers. Le choc me tirailla à nouveau le dos et je ne pus retenir un cri. Outre la douleur, la panique paralysait mon cerveau, empêchant toute réflexion. Quand je voulus me relever, le soldat qui nous surveillait me menaça de sa pique, hurlant un furieux « Don't move! ». Je restai à genoux, terrifiée. J'ignorais ce qu'étaient devenus Aubin, Étienne, Vitré et Rousig aussi.

Je jetais des regards désespérés autour de moi, mais les combats s'achevaient déjà. Les chevaliers français et bretons survivants étaient réunis en petits groupes comme le mien, serrant les poings, levant le menton avec fierté, mais bels et bien prisonniers.

Je fus emmenée avec mon groupe contre un mur de la grande rue principale où l'on regroupait tout le monde. Avec un soulagement indicible, j'aperçus André de Vitré et Étienne un peu plus loin. Ils ne semblaient pas avoir trop souffert...

Puis les Anglais s'écartèrent pour faire place à leurs commandants qui s'avançaient, à cheval, à la lueur des torches. Avec un haut-le-corps, je reconnus parmi eux mon oncle Bertrand.

La Dernière chevauchée, Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant