Chapitre 27

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Je lançai un regard désespéré vers la rive, que l'eau atteignait déjà. Elle semblait si loin ! Jamais ma pauvre Rousig n'aurait la force de nous traîner jusque-là ! Cependant les vaillants animaux arrivèrent à galoper malgré tout, puisant dans leurs dernières forces. Le cheval d'Étienne dépassa peu à peu Rousig. Bien que tous les deux soient des chevaux de trait, la jument était plus légère que l'autre, donc moins forte, et de plus portait deux cavaliers. J'avais mal pour ma fidèle compagne qui n'en pouvait plus.

La détresse me faisant monter les larmes aux yeux, je me jurai que si j'en réchappais, j'étranglerais Bertrand de mes propres mains, où qu'il fût.

Puis soudain, les chevaux prirent pied sur une légère pente, qui les extirpa un peu de l'eau. Reprenant courage, ils piaffèrent à nouveau et trouvèrent l'énergie de galoper plus vite. À mesure qu'ils se rapprochaient du rivage, ils sortaient progressivement de l'eau, au point que bientôt celle-ci ne leur arriva plus qu'à mi-jambe. Les montures filèrent comme le vent, paniquées par la mer qui les entourait. Elles s'éclaboussaient mutuellement, envoyant dans les airs de grandes gerbes d'eau qui trempèrent en un instant les cavaliers. Mais aucun d'entre nous ne songea à s'en plaindre, trop heureux d'être en vie.

Enfin, nous arrivâmes au rivage et poussâmes de grands soupirs de soulagement, mais trop exténués pour dire un mot. Un cavalier se tenait sur la berge depuis quelques instants, nous faisant de grands signes avec les bras. Nous nous approchâmes et reconnûmes le sire de Vitré.

— Dieu soit loué, vous avez réussi ! s'exclama le jeune homme. Vous êtes sains et saufs, loué soit le Seigneur !

Je ne pus lui répondre, la gorge trop sèche, mais le saluai de la tête.

— Nous venons d'attraper un fuyard, nous annonça-t-il ensuite. Il filait à toute allure sur son cheval ! Comme il partait du Mont, messire de Thouars a voulu savoir qui il était. Plusieurs des nôtres l'ont poursuivi et capturé, mais il refuse depuis d'ouvrir le bec. C'est à ce moment que je me suis aperçu que vous n'étiez pas là, dame Yanna, et je suis revenu en arrière...

Nous nous lançâmes des regards ébahis, nous demandant si nous pensions tous la même chose... puis nos visages s'éclairèrent d'une joie sinistre. Nous suivîmes en silence le sire de Vitré jusqu'à l'endroit où l'armée s'était arrêtée. Soldats et seigneurs nous couvrirent de regards effarés, en nous voyant ainsi harassés et inondés de la tête aux pieds, mais nous marchâmes jusqu'au prisonnier sans leur accorder d'attention.

Comme nous nous y attendions, nous reconnûmes Bertrand, désarmé, attaché, et sévèrement gardé par deux soldats. Il regardait devant lui d'un air fier, mais sa pâleur trahissait la peur qui l'habitait. Je comprenais qu'il restât muet : si on apprenait qui il était, il était mort.

Aucune des personnes présentes ici ne l'avait reconnu. Il faut dire qu'il ne fréquentait plus la cour ducale depuis plusieurs années ! Il me revenait donc le sinistre privilège de le dénoncer. Aubin et Étienne me regardèrent en haussant un sourcil...

Je n'hésitai pas une seconde. Le cœur rempli de haine, je me tournai lentement vers le sire de Vitré :

— Cet homme est le sire de Menezher, grondai-je.

— Quoi ? Le traître... ?!

J'acquiesçai en silence.

— Je vais de ce pas en informer messire de Thouars. Dame Yanna... ça va aller ? demanda-t-il doucement.

— Pourquoi ?

— C'est votre parent...

Je jetai un coup d'œil à Aubin, toujours à cheval derrière moi, puis me rappelai les multiples tentatives d'assassinat de Bertrand. Et Loeiz. Mon regard revint sur Vitré.

La Dernière chevauchée, Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant