Chapitre 7

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J'arrivai enfin à Paris par ce petit matin radieux, mais incapable de me réconforter.

— Dame Yanna, enfin vous voilà ! s'exclama Arthur quand je parus devant lui. Mais quelle mine avez-vous là ? Pourquoi cet air si sombre ? Auriez-vous... échoué ?

— Nous point, Messire, répondis-je laconiquement, d'une voix atone. Tout risque d'empoisonnement est écarté. Du moins venant de mon oncle.

— Vous m'en voyez bien soulagé ! Mais alors pourquoi cet air lugubre ?

— Messire, mon ami, Loeiz Karnelez, ainsi qu'un autre de mes amis, ont perdu la vie au cours de cette mission.

— Oh, j'en suis navré... Allez vous reposer, Madame, vous l'avez bien mérité.

Le jeune garçon m'adressa un signe de tête pour signifier que l'entretient était fini. Je saluai distraitement, peu sensible à cette contrition qui relevait davantage de la politesse que de la sincérité. Arthur était surtout soulagé de la destruction des poisons, et la mort de deux personnes qu'il ne connaissait pas ou à peine ne le touchait guère. Je ne m'en formalisai pas et retrouvai ma chambre où je pus m'isoler et pleurer à mon aise. Je me sentais si seule, à présent, au milieu de cette cour où tout me semblait étranger !

Je repris ma place dans l'entourage d'Arthur, mais je ne souriais pratiquement plus, ne riais jamais, et portais sur toute chose un regard désabusé et empli de tristesse. Arthur se lassa vite de cette douleur qui faisait de moi un piètre compagnon de distraction. Je me tenais le plus souvent à l'écart, l'air maussade et peu intéressé par ce qui se passait. On se sentait presque gêné de rire en ma présence. Cela amena bientôt le jeune prince à me demander de ne plus me joindre à sa suite. J'eus bien un petit pincement au cœur, mais je comprenais parfaitement. Je préférais d'ailleurs me murer dans ma solitude plutôt que de supporter les rires de la cour.

Assise sur Rousig ou marchant à ses côtés dans la campagne environnante, je pouvais ressasser tout à loisir ma peine pour mon amour perdu et laisser échapper autant de larmes que je le voulais. Il me semblait que jamais je ne me remettrais vraiment de la mort de Loeiz.

Heureusement, mon moral évolua peu à peu au cours des semaines suivantes, grâce à la présence de plusieurs seigneurs bretons qui arrivèrent à Paris pour soutenir leur duc. Ils avaient pour noms , , ou encore André de Vitré, et restaient principalement entre eux sans guère se mêler à la cour. Je les avais déjà plus ou moins croisés à la cour de Nantes.

Le premier à me reconnaître fut André de Vitré, jeune homme sensiblement de mon âge. Il m'invita joyeusement à me joindre à leur petite compagnie, ce que je finis par accepter après de longues hésitations. Mais après tout, ces nouveaux venus me rappelaient tant mon pays ! Et dieu que la Bretagne me manquait ! Mais surtout, ils étaient les seuls à ne me manifester aucune hostilité ou mépris, déjà habitués à me voir évoluer dans mon accoutrement à Nantes.

Je me laissai donc convaincre de les rejoindre, et retrouvai quelque peu le sourire en compagnie de ces bons vivants, loin des lourdeurs et des pompes de la cour. Je participais à la plupart de leurs divertissements : chasses, passes d'arme – où je leur prouvai mon talent d'escrimeuse –, jeux de cartes et autres. En retour, ces fiers seigneurs me traitaient comme leur égale, ce qui était bien la première fois – le fait de m'habiller en homme y était certainement pour beaucoup !

Vitré en particulier s'était rapidement pris de curiosité, puis d'amitié, pour cette jeune femme aussi atypique. Nous liâmes rapidement une sincère amitié qui recouvrit quelque peu mes peines d'un baume apaisant. Je me surpris ainsi à rire parfois aussi librement qu'avant, en compagnie de ces joyeux compagnons qui faisaient moins de cas des bonnes manières.

La Dernière chevauchée, Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant