Chapitre 12

89 9 8
                                    

En vérité, il ne restait plus grand-chose de l'édifice. On devinait qu'il s'agissait d'une chapelle à la forme des fenêtres et à la disposition des murs, mais c'était bien tout ce qu'il en subsistait. Les fenêtres étaient vides et les murs, en partie effondrés, ne soutenaient plus aucun toit. L'herbe avait complètement envahi l'intérieur, à ciel ouvert, et plusieurs pierres jonchaient le sol, à l'intérieur comme à l'extérieur. Sans doute une autre chapelle avait-elle été construite plus près du village, reléguant celle-ci au rôle de carrière pour les villageois...

Aubin et moi nous tenions immobiles de l'autre côté des murs, jusqu'à entendre trois ou quatre chevaux passer au galop sur la route. Nous retînmes notre souffle, le cœur battant. Ils passèrent sans s'arrêter. Quand le bruit se fut éteint au loin, nous respirâmes à nouveau. Il nous fallait encore attendre leur retour. L'attente fébrile, insupportable, dura vingt bonnes minutes.

Enfin, les gardes bredouilles repassèrent devant les ruines pour prendre la route du retour. Pas plus qu'à l'aller ils ne s'y arrêtèrent, découragés d'avoir perdu notre trace au village.

Les battements de mon cœur enfin calmés, je revins vers l'entrée – ou du moins ce qu'il en restait, toute la façade de l'édifice ayant été détruite. Nous attachâmes nos chevaux aux branches d'un arbuste qui avait poussé à l'intérieur, puis essuyâmes comme nous le pûmes leurs robes luisantes de sueur. Les bouches des chevaux arrachaient déjà l'herbe qui poussait en abondance, tandis qu'ils reprenaient doucement leur souffle. Après l'avoir séchée, je caressai une dernière fois ma jument puis allai m'asseoir sur une pierre – m'écrouler serait plus juste.

— Restons ici pour la nuit, proposa Aubin en venant s'asseoir sur une autre pierre près de moi. Nous devrions être tranquilles, mais nous monterons la garde, au cas où.

Je hochai la tête en signe d'accord. Un silence s'installa entre nous, que nous n'étions pas pressés de rompre. Il nous enveloppait doucement, comme l'air frais de la nuit. Échauffés par la course, nous étendîmes nos manteaux sur l'herbe, prêts à nous recevoir pour la nuit. Les murs qui nous entouraient nous protégeaient suffisamment du vent pour ne pas craindre un trop grand froid, en cette soirée d'été...

— Voilà une bonne chose de faite, murmurai-je finalement en m'asseyant sur mon manteau.

— Oui, lâcha Aubin, cet homme ne viendra plus nous menacer, et surtout nous serons vengés...

Mon cœur s'emballa à ces mots. Je posai sur lui un regard douloureux.

— Oh, Aubin, je suis tellement désolée ! Tout cela est de ma faute ! déclarai-je soudain, déversant les remords que je portais sur la conscience. C'est à cause de moi si Odet...

— Yanna..., dit-il doucement avec un geste apaisant. Tu n'y es pour rien, je t'assure...

— Si, c'est en me sauvant qu'il s'est fait...

Je ne pus achever, envahie par l'horrible souvenir et la culpabilité qui l'accompagnait. Aubin soupira à nouveau, avant de reprendre :

— Yanna, je ne t'en ai jamais voulu. Je reconnais que plus d'une fois tu nous as fourrés dans de dangereuses situations qui m'ont mises en colère... Mais à la réflexion, je sais que tu n'avais pas le choix. Sans toi, il nous serait sans doute arrivé pire que de traverser une meute de loup ! Nous serions peut-être tous morts, à l'heure qu'il est, dit-il gravement.

— Et pourtant... Odet..., murmurai-je, la gorge nouée.

— C'est grâce à lui si tu es là aujourd'hui, coupa le jeune homme. Il n'est pas mort en vain. Dieu sait si mon frère m'était cher, mais... je tiens aussi énormément à toi...

La Dernière chevauchée, Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant