Pdv Camila
Ça faisait bien trente minutes que M.Baskard parlait sans s'arrêter ni même prendre de pause, déblaterant l'habituel discours de début d'année d'une traite. Le pauvre monsieur qui servait la même soupe de mots depuis au moins vingt ans finissait de dicter quelques règles sans entrain et avec une voix molle alors que les trois quarts des élèves, si ce n'est plus, ne prêtaient plus aucune attention à ses paroles et dormaient pour certains. Je faisais de mon mieux pour ne pas piquer du nez et ainsi imiter Dinah qui n'avait même pas réussi à rester éveillée dix minutes. Il fallait dire que la polynésienne avait la mauvaise habitude de se coucher à des heures pas possible pour se réveiller assez tôt le matin. Elle devait aider ses parents à s'occuper de ses frères et soeurs et comme ça lui demandait pas mal de temps, toutes les horaires étaient déréglées chez elle. Elle était donc toujours crevée aux heures des premiers cours et n'hésitait pas à s'octroyer un supplément de sommeil, ce qu'on essayait de couvrir du mieux qu'on le pouvait avec les filles. Finalement, après de longues minutes à monologuer dans le vide, le vieux professeur tapa dans ses mains pour tenter de récupérer l'attention des dissipés.
-Bon, on va faire les présentations les enfants. commença t-il d'une voix fatiguée avant de toussoter légèrement .
Beaucoup grognèrent de mécontentement ou soufflèrent, jugeant à juste titre que sa demande était une perte de temps inutile. Cet enseignant nous connaissait tous, nous ayant pour la plupart eu une année au moins. Mais il ne l'entendit pas de cette oreille et, fidèle à ses petites habitudes, il obligea ceux qui se trouvaient dans les premiers rangs de se présenter. Pour lui, une classe soudée était une classe qui se connaissait or c'était bien tout ce qu'il souhaitait. Il n'avait pas tort sur ce point là mais nous avions tout le temps d'apprendre à nous connaître hors des cours, sans compter que je doutais que les maigres informations qu'on expédiait vite fait pour nous débarrasser de cette tare permettent à une quelconque complicité de se développer. Mais ce n'était que mon avis après tout. En voyant que cela allait bientôt être notre tour, nous tentâmes de réveiller la polynésienne qui était plongée dans un profond sommeil, sans succès au début. Au final, ce ne fut même pas nous qui la réveillâmes mais le cauchemar qu'elle faisait semblerait-il puisqu'elle tomba de sa chaise après s'être écriée :
-Pas la moulinette, pas la moulinette !
Tout le monde regarda dans sa direction bien évidemment et rares étaient ceux qui ne rigolaient pas du comportement de la jeune femme. Cette dernière se remit vite sur pied, complètement indifférente des moqueries de certains. Elle ne prêtait jamais attention aux avis des autres, sauf quand ceux-ci parvenaient des gens en qui elle avait confiance et qu'elle aimait. Et puis, elle avait l'habitude d'être raillée, c'était un vrai clown ambulant, toujours à faire ou à raconter des bêtises. Elle se rassit à sa place en se plaignait de sa chute et de son rêve tout en nous disputant pour ne pas l'avoir réveillé d'une meilleure manière. Le vieil homme remonta ses lunettes sur son nez d'un geste de paume de main, façon étrange de procéder au passage, et souffla d'une voix monotone et teintée d'ironie :
-Dinah Jane Hansen, quel plaisir de vous retrouver, vous m'aviez tellement manquée ...
-Ça ne m'étonne pas, c'est compliqué de se passer de la Queen D une fois qu'on l'a rencontré. assura notre amie avec un petit sourire.
-Plus que deux ans avant la retraite, tiens bon Pascal ... murmura le professeur à lui même, déjà exaspéré par le comportement de mon amie.
Son air désespéré attira à nouveau les rires de quelques jeunes dont ceux de Normani et Dinah qui se tapèrent dans la main. C'était leur activité préférée d'embêter les enseignants et elles étaient très douées à ce petit jeu là. Quand ce n'était pas la polynésienne qui rendait les profs fous, Mani s'en occupait à sa place et inversement. J'étais sûre que si elles ne bossaient pas sérieusement et n'étaient pas aussi sympathiques du propre avis des enseignants, elles seraient détestées par ces derniers. De mon côté, j'essayais de réprimer un petit rire quand, alors que je tournais vivement la tête pour ne plus apercevoir la tête de déterré de M.Baskard qui était à plaidre, mon regard buta sur la même inconnue de tout à l'heure que j'avais presque oublié. Cette dernière avait la tête tournée vers les fenêtres, les yeux scrutant attentivement l'extérieur, les bras fermement croisés et les jambes poursuivant le mouvement perpetuel de balancement qu'elle effectuait avec sa chaise. Ses pensées semblaient totalement l'accaparer et le monde l'entourant était bien loin de ses préoccupations. Elle ne prêta même pas attention à mes yeux fixement accrochés sur elle et ainsi, j'avais la possibilité de la détailler quelque peu sans que la violence de son regard ne me frappe à nouveau. Son visage était dur, des traits tirés l'habillant. Ses doigts tapotaient en rythme sur sa veste qu'elle n'avait pas enlevé malgré la chaleur perdurant dans la salle. Ses yeux pensaient, se perdaient dans le bleu du ciel pour trouver une réponse à une de ses pensées pour retomber invariablement sur son bureau, formant une boucle, c'était comme ça que je voyais les choses en tout cas. À vrai dire, à la voir comme ça, elle ne semblait pas bien dans sa peau. Je n'avais pas remarqué tout à l'heure mais elle avait constamment un air inébranlable, insensible et franchement mécontent cependant ses yeux racontaient une autre histoire. Sa neutralité, la brutalité qui semblaient inscrits définitivement sur son visage n'existaient pas dans ses orbes aux douces nuances. Se lisait l'exact opposé de ce qu'elle faisait ressortir d'elle. Je n'avais pas vraiment eu le temps de soutenir son regard mais du peu que j'en avais vu et de ce que je constatais actuellement, il s'y reflétait une douceur et une sensibilité enfouies comme si c'était un mal affreux. Lorsqu'elle ne prenait pas la peine de les durcir, ses yeux étaient rassurants. Et je vous jure qu'elle semblait sympa, gentille voire attentionnée lorsqu'on se fiait uniquement à son regard et non pas à l'image qu'elle donnait d'elle. Et j'avais l'habitude de dire que rien n'est plus parlant et honnête qu'un regard. Impossible pour ce dernier de mentir, il transmettra toujours les véritables ressentis de la personne même avec tous les efforts du monde pour l'en empêcher. Alors c'était peut-être et même sûrement naïf, mais rien qu'en tentant d'interpréter ce que ses yeux disaient, je sentais que l'inconnue froide, désagréable et solitaire ne montrait pas son vrai visage pour une raison que je ne connaissais pas bien évidemment. J'étais persuadée de l'humeur agréable qu'elle pouvait avoir et je me verrais bien devenir amie avec elle. Après peut-être que je partais dans des théories trop poussées et que cette femme n'était qu'une peau de vache, dans ce cas là, je devais simplement me rendre à l'évidence et éviter de la fréquenter. Bah on verra bien, j'irais à sa rencontre tout à l'heure, espérons juste que sa mauvaise humeur était juste causée par sa rentrée dans un nouvel établissement.
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Between heaven and hell
FanfictionElle vit l'enfer sans que personne ne le sache. Elle n'a jamais rien dit en espérant un changement prochain. Elle essaye d'entretenir la flamme d'un espoir déjà mort. Elle est à bout... Mais il y a cette fille. Cette fille qui va lui redonner confi...