Chapitre 4

2K 133 65
                                    

Pdv ???

Mes yeux étaient vides de toutes pensées, du moindre sentiment qui pourraient trahir le feu qui se répandait dans mon corps à chaque fois qu'il récidivait. Je ne voulais pas lui offrir ce qu'il cherchait obstinément à avoir, je ne voulais pas m'abaisser à cela alors que j'étais déjà d'une telle bassesse. Ma faiblesse me dégoûtait, que mes poings ne puissent pas le blesser ou au moins l'arrêter me rendait honteuse. J'étais à ses pieds, littéralement. Le premier coup m'avait sonné, le second m'avait fait tomber comme si mes jambes se liquifiaient face à combien il semblait menaçant. Depuis, je n'avais pas réussi à me relever. Il n'avait pas cessé et bien que je me défendais comme je le pouvais, mes efforts demeurèrent vains. Alors, dans ces moments-là, on comprend que la bataille est perdue d'avance, qu'on ne pourra jamais s'enfuir et qu'on devait juste fermer les yeux et supporter. C'était le meilleur moyen de s'en sortir, le seul probablement aussi.

La souffrance ne devenait plus qu'un artifice. C'était une habitude avec laquelle on vivait ou plutôt survivait, on se contentait de ne plus faire de réflexions dessus, de ne même plus l'exprimer. On le savait, une plainte, même minuscule, apportait son lot de punitions, toutes destinées à nous faire pleurer, à nous faire nous plaindre pour poursuivre inlassablement le schéma. C'était un cercle vicieux dans lequel il ne fallait surtout pas rentrer. On tente donc de partir loin de tout ça, chacun son moyen pour oublier la souffrance. Moi, je m'imaginais ailleurs dans mon cerveau, j'imaginais que j'étais dans un lieu calme et agréable plutôt que dans cet endroit désastreux. Je me voyais au bord d'un lac, entourée de verdure et avec le soleil caressant subtilement et délicatement ma peau. Il n'y avait personne, j'entendais juste le gazouillis des oiseaux et ça me suffisait. Je ne voulais plus du monde, plus des gens actuellement, que m'apportait-il sinon du malheur ? La preuve, il me frappait sans cesse, il me blessait alors que jamais il ne devrait salir son rôle de cette manière. Je me pensais en train de me balader, sentant les diverses odeurs des fleurs, souriant en voyant le panorama que je pouvais contempler. Et ce sourire pourrait presque apparaître sur mes lèvres si je n'étais pas si déconnectée. Pour me protéger, j'avais séparé mon corps de mon esprit, j'avais jusqu'à oublié que j'avais une enveloppe charnelle et que celle-ci se faisait maltraiter. Mon intellect vagabondait ailleurs, il se préservait du massacre et empêchait la douleur de m'atteindre trop profondément. Les coups se multipliaient mais j'encaissais sans broncher. J'étais devenue une coquille vide, comme si les terminaisons nerveuses avaient quitté mon corps et que je ne ressentais plus les contacts violents de son pied et de mon ventre. Dans le fond, j'avais mal et je le savais mais tant que je m'enfermais dans mon monde idéal, c'était supportable, ça ne devenait plus qu'un petit pincement au fond de l'estomac. Tant que le déni me protégeait, j'allais bien. Pourquoi n'irais-je pas bien ?

Mais cela, il n'aimait pas. Mon endurance le lassait, ma résistance l'exaspérait. Il attendait juste que je le supplie d'arrêter, que je me torde sous sa violence. C'était un spectacle qu'il affectionnait tout particulièrement, la sensation d'être fort et supérieur coulait dans ses veines et il se sentait revigoré. Il aimait la faiblesse, la mienne plus particulièrement. Il ne m'avait jamais soupçonné beaucoup de force et des fois, il avait raison. Je n'arrivais pas à trouver de hargne quand ses yeux sombres de colère croisaient les miens, je sentais mes forces me quitter quand sa main s'élevait, mes jambes faillissaient au premier contact, mon cerveau ne me trouvait pas assez rapidement d'échappatoire lorsque je m'écroulais parce qu'il suivait la mesure, il tombait en miette. Alors, il cherchait à me faire craquer, il attendait impatiemment le moment où mon visage se tordra de pure souffrance, la seconde où une larme perlera au coin de mon oeil et glissera sur ma joue, la permission suprême de poursuivre son oeuvre à ses yeux. Il savait où frapper mais les années m'avaient rendues plus solides. Lorsqu'il atteignait une zone fragile, je serrais les dents et fuyais trouver du réconfort dans ma mémoire, je puisais dans mes plus beaux souvenirs et je les revivais. Je pensais aux samedis après-midi passés à se balader avec mes amis, je pensais à ma meilleure fête d'anniversaire, je pensais à ma famille, celle que j'aimais tant. Ma mère, ma petite soeur, mon père ... Trop tard, il avait décelé ma faiblesse, celle que je n'arrivais pas à contrôler. Il avait remonté ses coups, il avait frappé un peu trop fort à un endroit trop précis et trop sensible. Un cri arracha alors ma gorge et transperça mes lèvres alors que mes yeux s'entrouvrirent après l'impact, juste assez de temps pour apercevoir son sourire sadique, le sourire qui le désignait d'avance vainqueur. Si son contrôle n'était pas totale avant, le voilà devenu indiscutable. Son pied repartit en l'air et instinctivement, ma main et mon bras vinrent couvrir la zone déjà blessée. Mais il s'en foutait, pourquoi ça l'arrêtrait ? Son pied écrasa ma main et j'aurais juré avoir entendu un craquement, tout petit, presque inaudible. Un gémissement d'affreuse douleur s'étouffa de lui même avant de passer le seuil de mes lèvres et je sentis ma main brûler de tout le sang qui s'accumulait désormais dans celle-ci. Il se prépara pour un autre coup, je pus à peine distinguer ma main rougie et marquée par la semelle de ses chaussures qu'elle fut broyée à nouveau sous une puissante masse. Cette fois, un mot fut automatiquement prononcé par mes lèvres tremblantes, un simple "Arrête !" baigné de sanglots. Ça le fit rire, il avait enfin obtenu ce pour quoi il frappait, il en était heureux, peut-être même fier. Il s'était glissé entre mes failles et me voilà à sa merci. Mon armure aussi bien mentale que physique avait volé en éclat. Quand la souffrance picotait et explosait la sensibilité de chacun, on ne pouvait se focaliser plus que sur ça, c'était tout ce qui tournait en rond dans le cerveau et ça en faisait d'autant plus mal.

Between heaven and hellOù les histoires vivent. Découvrez maintenant