Chapitre 7 (Partie 1)

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Pdv Camila

Seule dans les couloirs de mon lycée, j'avançais avec une lenteur extrême pour rentrer chez moi, ne sachant guère que faire d'autre. Mon cours d'espagnol avait été annulé car la prof avait fait une intoxication alimentaire dans la journée et n'était donc pas du tout apte à nous enseigner quoique ce soit. Bien que j'étais un brin inquiéte de l'état de cette femme que j'appréciais bien autant dans sa façon de travailler que dans sa manière d'être générale, le fait de pouvoir finir plus tôt m'enthousiasmait. Cependant, la nouvelle m'aurait fait encore plus plaisir si j'avais pu me retrouver en compagnie de mes amies, ce qui n'était  malheureusement pas le cas. Ally était rentrée chez elle il y a deux heures, finissant à onze heures le mercredi, et recevait de la famille chez elle, Normani ne faisait pas espagnol mais italien et Dinah avait été exemptée de sa dernière heure de cours ce matin, devant participer cet après-midi à un tournoi de basket important qui se déroulait à au moins deux heures de route de notre ville. Je regrettais presque d'avoir plaider en la faveur de mon amie auprès de mon père pour qu'elle puisse obtenir l'autorisation exceptionnelle de rater une heure sans s'attirer d'ennuis après. Avec l'aide de la polynésienne, nous l'avions convaincues que la jeune sportive rattraperait son retard avec mon aide, qu'elle se débrouillait suffisamment bien dans cette langue pour boycotter un minuscule cours, que cette demande ne se reproduira plus ... Au final, mon paternel avait fini par céder à notre insistance et avait fait une fleur à mon amie, chose qu'il faisait souvent avec les musiciens et les sportifs extra-scolaires. Mais maintenant, je n'avais plus rien à faire et je n'avais personne avec qui passer mon temps. Même en rentrant à la maison, je serais seule également. Ma mère bossait, mon père aussi bien évidemment et ma soeur passait sa journée chez une amie. Et étant donné que je n'avais aucune envie de passer mon aprèm' à lire ou devant la télé, je me retrouvais comme une idiote à faire et refaire le tour de l'établissement à la recherche d'une activité qui m'occuperait l'espace de quelques heures. En quête de compagnie, j'avais même essayé d'approcher Lauren mais la jeune femme avait hélas tracé vers, je suppose, la sortie au moment même où on nous avait annoncé l'absence de notre professeur.

Ma relation avec cette jeune brune ne s'était pas dégradée depuis notre cohabitation forcée dans le local et le rapprochement qui s'était opéré durant ce laps de temps très court mais incroyablement agréable était toujours d'actualité. Je pouvais aller vers elle pour lui parler sans qu'elle ne s'enfuie en courant, qu'elle me snobe ou qu'elle mette ses écouteurs pour ne plus m'entendre. On discutait de sujets variés mais que ma camarade sélectionnait méticuleusement. Par exemple, il n'était pas concevable pour elle de détailler les raisons de sa cicatrice, ce que j'arrivais encore à comprendre, mais surtout, il n'était pas question d'aborder les questions d'ordre familial, le sujet de son comportement changeant ou ses activités hors école sinon elle se braquait et impossible de lui adresser la parole de la journée après. En fait, elle se livrait très peu sur sa vie personnelle, elle n'aimait pas étaler qui elle était et gardait sous silence les détails la concernant. Je n'étais peut-être pas forcément plus ouverte qu'elle mais j'aurais espéré qu'elle m'en dise plus sur elle. Mais qu'importe, le fait qu'elle me laisse cultiver une forme d'amitié entre nous était déjà un grand avancement et j'avais bon espoir que, bientôt, se soit elle qui vienne vers moi et non pas l'inverse, qu'on puisse se voir en dehors du lycée, qu'elle arrête de jouer un rôle ... Bref, qu'on devienne véritablement proche quoi. Mais sinon, tout allait pour le mieux entre nous hormis peut-être une chose que j'avais remarqué il y a peu et qui me chiffonnait. En effet, j'avais parfois la désagréable impression que la jeune Jauregui était mal à l'aise avec moi, qu'elle était gênée et peu rassurée en ma compagnie. Avant, elle osait me reprocher et me critiquer ouvertement et sans frein. Lorsqu'elle avait un reproche à me faire, elle le disait tout haut en se contrebalançant des répercussions. Elle ne prenait pas des pincettes avec moi et cette franchise me plaîsait, le fait qu'elle ne devienne pas mielleuse car mon père était le principal me plaîsait tout autant, même si j'aurais parfois souhaité un peu plus de délicatesse dans ses dires. Mais depuis quelques temps, j'avais l'impression qu'une certaine méfiance pesait sur moi et je n'en savais pas la raison bien évidemment. Je l'avais souvent prise sur le fait en train de m'épier lorsque j'étais avec mes amies, elle filtrait plus ses paroles et tournait plus avantageusement ses phrases, elle se montrait plus calme en ma présence, elle s'excusait souvent lorsque elle me balançait des paroles crues ... J'aimerais me dire que son nouveau comportement résultait de l'affinité qui grandissait entre nous mais je sentais qu'il y avait autre chose. Déjà rien qu'avec le reste des adolescents qui peuplait le lycée, il y avait eu de nombreux changements brusques et peu compréhensibles. Elle était d'une violence et d'une froideur inqualifiables avec le reste des lycéens et elle en avait frappé plus d'un pour des broutilles. Mais depuis un certain temps, elle évitait le plus possible les conflits et elle ne faisait plus parler d'elle, ne causait plus de remous. Même avec les profs, elle devenait un peu plus agréable. Je dis bien "un peu" puisqu'elle continuait malgré tout d'être insolente avec eux et de ne pas bosser. Tout cela m'interpellait, je ne comprenais pas la cause de sa gêne avec moi et le calme nouveau dont elle faisait preuve envers nos camarades et le personnel de la bâtisse me rendait plus perplexe encore. Lorsque je commençais un tant soit peu à la cerner, de nouvelles complications survenaient ou elle retournait sa veste pour montrer un visage totalement différent. Elle restait une énigme pour moi mais j'aimais cette attitude alambiquée qui ne se laissait pas découvrir dès le premier contact. Le fait d'explorer lentement ses facettes n'était pas un problème pour moi, elle en était même plus captivante de cette manière. Vous allez peut-être trouver la métaphore étrange mais c'est comme une gourmandise, c'est plus agréable de prendre le temps de la déguster et de distinguer les subtilités de celle-ci que de l'engloutir immédiatement. Ou une pizza. Même plus une pizza puisque j'adore cela et que j'adore la brunette, ça collait parfaitement métaphoriquement parlant.

Between heaven and hellOù les histoires vivent. Découvrez maintenant