Chapitre 19.

1.2K 64 11
                                    

Pdv Camila

-Encore vous, toujours vous. C'est véritablement prodigieux de constater que, depuis le début d'année, vous avez engendré pratiquement la totalité des rixes et, pour ne pas arranger votre cas, avez participé activement à chacune d'entre elles. N'êtes-vous donc douée qu'à braver les règles et à ravaler la face de vos petits camarades Jauregui ?

Lauren, contrairement à ce que l'on pourrait attendre d'elle, ne proposa aucune réponse sarcastique ou provoquante à ces accusations, faisant très clairement profil bas face au proviseur. Tout au plus exprima t-elle son désaccord avec un petit "tss" vite tû. Bien qu'en surface, elle paraissait avoir recouvert son calme, elle me semblait encore grandement menaçante, notamment parce que ses poings ne s'étaient point desserrés depuis sa violente altercation avec Austin et que la crispation durçissait son visage et son expression. Tapotant frénétiquement du pied par terre, zieutant régulièrement l'horloge sur le mur, elle était à n'en point douter pressée de quitter ce bureau, ce qui était normal et ce que je comprenais étant donné que j'étais dans le même cas de figure qu'elle. Qui aimerait rester coincé avec un principal lui faisant mille et une remontrances ? Enfin, on aurait dû s'attendre à se faire convoquer après le grabuge qu'on avait provoqué ou plutôt que ma copine avait provoqué. Je ne voyais pas pourquoi Mahone aurait couvert les actes de Lern, il était plus judicieux pour lui de nous dénoncer et c'était bien évidemment ce qu'il avait fait. Ma brune récoltait ce qu'elle avait semé en tabassant le texan, qui était salement amoché, et moi, étant un temoin occulaire de la scène tout en étant celle qui avait stoppé le massacre, j'avais été mêlée bien malgré moi à l'affaire. Sans étonnement, il avait par contre pris grand soin d'occulter ses responsabilités, omettant volontairement d'expliquer qu'il avait nargué ouvertement la jeune femme et qu'il y avait pris un malin plaisir. Je faisais de mon mieux pour restaurer la vérité, et accessoirement pour blanchir ma cubaine qui ne méritait pas d'être punie vu les circonstances, puisque j'étais désormais la seule à en être capable mais hélas, mon père était convaincu à cent pour cent de sa culpabilité et ne s'embêtait même plus à m'écouter. Il me soupçonnait sûrement de raconter des bobards, ce qui était une ineptie. Certes, j'édulcorais parfois l'implication de Lau' dans mes discours mais globalement, je ne racontais que la vérité, ce que mon paternel ne comprenait visiblement pas. Ce dernier, par ailleurs, reprit la parole après s'être levé de son vieux fauteuil en cuir, joignant ses mains dans son dos :

-Vous êtes insupportable, invivable, vous rendez-vous compte de ça ?

À nouveau, ma compadre n'ajouta pas un mot, se murant dans un silence complet. Elle se contenta juste de baisser la tête, évitant le moindre contact visuel avec mon géniteur ou même avec moi. Elle était désemparée, ça se voyait. Si elle voulait contester les affirmations de mon père, elle savait qu'elle aggraverait sa situation dès lors qu'elle aurait déniché le zèle de répliquer et de lui tenir tête. À côté, assise malhabilement sur ma chaise, je ne pouvais qu'observer leur confrontation sans pouvoir agir et constater que la femme que j'aimais ne possèdait plus la moindre combativité, ou tout du moins elle n'en usait plus dans le cas contraire. On ne pouvait pas dire qu'elle essayait de se défendre, ce qui était d'autant plus étonnant de sa part. Je n'arrivais pas à lire sur son visage si elle regrettait ses gestes envers le blondinet mais j'étais plus que sûre qu'elle se remettait en question. La voir ainsi me peinait, voir ce en quoi elle se transformait jour après jour me peinait plus encore, ça me déprimait presque. Je m'étais accoutumée à une Lauren blagueuse, joyeuse, vivante, qu'on pourrait même qualifier de souriante et d'avenante mais désormais ... Elle déclinait de jour en jour, j'avais l'impression qu'elle se mourait intérieurement, qu'elle devenait vide de toute vie comme si elle avait perdu le sens de celle-ci. Actuellement, soit elle était déprimée, effacée et apeurée, soit elle pétait littéralement un câble en s'en prenant verbalement et physiquement au monde entier, en devenant aigrie et infréquentable. Il n'y avait pas d'alternative à ces sentiments semblerait-il, il n'y avait même pas de juste milieu entre eux deux. J'aimerais tant l'aider, comprendre ce qui la plonge au plus bas pour ensuite l'aider à se relever. Je ne supportais plus d'être complètement ignorante et de n'être que simple spectatrice de sa chute, sa dégringolade. Mais je n'osais pas. Je n'osais pas m'imposer dans notre relation et de ce fait, je ne parvenais pas non plus à m'imposer auprès d'elle. Mes mots rentraient dans une oreille et ressortaient par l'autre tandis que mes actions résultaient soit en une dispute soit en absolument rien. Et ça me chagrinait, réellement, ça me déchirait ...

Between heaven and hellOù les histoires vivent. Découvrez maintenant