Chapitre 8 (corrigé)

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Heilin ne dormait pas vraiment, elle voguait entre rêve et réalité. Ces moments au sein de l'Heilheim, une sorte de salle d'attente avant la véritable mort des wastes, lui permettaient de mieux comprendre les guépards, l'impact de leurs vies sur les autres wastes et l'influence des décisions prises par Rhett dans le passé.

Néanmoins, si elle se montrait honnête envers elle-même, elle avouerait que ces escapades lui permettaient d'occulter les images qui revenaient sans cesse la hanter. Il n'y avait pas que l'attaque qui l'avait fragilisée : il y avait aussi les hurlements d'agonies des malheureux que Dageus et elle-même avaient achevés, les larmes silencieuses de leurs proches et les rires moqueurs de feu son ancien directeur ainsi que la disparition de Ned, son mentor.

Sa main libre se balada dans les cheveux plus courts de Wyatt profondément endormi. Des gens l'attendaient ici et cette simple assurance suffisait à calmer quelques angoisses comme celle de comprendre pour quoi – ou plutôt pour qui – elle était encore en vie.

Heilin ferma les yeux et essaya de ne penser à rien pour se rendormir. Peine perdue. Son cerveau tournait à plein régime et les souvenirs revinrent plus gores que jamais. Ces dents qui s'enfonçaient tantôt doucement tantôt violemment dans sa peau. Ces langues râpeuses qui agressaient ses plaies à vif. Et leurs cris d'horreur qui se mélangeaient à ses propres suppliques muettes pour que la douleur cesse enfin.

Un son de porte la fit sursauter.

Elle ne se trouvait ni dans l'alcôve derrière l'Academy ni dans sa maison. Son cœur martelait sa poitrine et l'oxygène peinait à parvenir à ses poumons comprimés par la terreur. Ses yeux voyagèrent d'un meuble à l'autre pour s'arrêter sur une silhouette imposante et sombre. Elle vit son combat pour maintenir cette douce expression de son visage angulaire. Ses yeux scintillèrent de rubis avant de reprendre leur teinte émeraude. Il se livrait à elle et son cœur se calqua à sa paix apparente.

Maintenant que ses souvenirs lui revenaient, des scènes de leurs incartades dans leur monde alors qu'ils n'étaient pas plus haut que trois pommes peuplaient ses nuits entre quelques cauchemars et visites dans l'Heilheim. A cette époque, il était si lumineux, si amusant et gentil. Si loin de l'image de l'iceberg froid et coupant qu'il renvoyait à l'heure actuelle.

Elle se leva avec précaution pour ne pas déranger l'adolescent toujours endormi. Elle s'approcha de l'Odin. Il lui avait manqué. Énormément. Il lui semblait qu'elle respirait mieux à ses côtés.

– Je n'avais pas d'autre choix, tesoro, murmura-t-il d'une voix étouffée.

Les mots de reproche fusèrent aussi tôt que sa voix fendit l'atmosphère brûlante d'émotions et de non-dits.

– Je compte si peu à tes yeux, Dageus Morelli ?

La fin de sa phrase manqua de n'être qu'un hurlement de frustration qu'elle garda en elle pour ne pas réveiller Wyatt et briser toute communication avec le tigre. Il encaissa le coup avec raideur mais s'excusa malgré tout. Si sa souffrance n'avait pas été si forte, la jeune femme en aurait eu, sans aucun doute, le souffle coupé.

– Voilà qui est ironique : le puissant Odin s'excuse. Si on m'avait dit que je l'entendrais un jour, je ne l'aurais pas cru.

– Line... Mes responsabilités...

Sa tigresse feula dans son esprit pour chasser sa rage grandissante. Sa part waste refusait de le blesser plus encore. Ses ongles perforèrent ses paumes glacées pour la taire.

– Je sais, bon sang ! grogna-t-elle en gardant la tête basse. Je sais ! Mais je voulais que tu viennes ! J'avais besoin de toi... Et tu n'étais pas là !

Helldown #2 - Ville de glaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant