Chapitre 4 (corrigé)

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La voiture filait à toute allure dans les ruelles de Helldown. Heilin fixait le paysage, installée sur le siège passager. Le silence dans l'habitacle la mettait mal à l'aise. Il était lourd et explosif. Elle soupira et observa les immeubles en ruine. Maintenant qu'elle connaissait l'existence des Sources, elle pouvait voir ces dernières grignoter les immeubles, la terre et la verdure pour tenter de s'ancrer dans le monde physique. C'était un spectacle désolant.

Son coeur manqua un battement. Elle ferma les yeux quelques secondes. Une forme de douleur diffuse et lointaine tel un souvenir trop vieux pour être saisi la parcourait à nouveau. Quand elle reprit le contrôle d'elle-même, elle avisa le temps grisâtre sur la ville et le fait qu'il n'y ait pas âmes qui vivent sur des kilomètres. Comme une ville fantôme. Ça lui donnait froid dans le dos. Autant que de savoir que tout cela était en partie sa faute.

Les vies d'hommes et de femmes dévoués balayées d'un seul coup comme si de rien n'était. Tout cela pour la cupidité et l'intolérance d'un seul homme au sommet.

Si elle avait été plus lucide, la situation serait, sans doute, bien différente. Mais à bien y penser : l'Academy démantelée, les wastes pouvaient vivre en sécurité.

Pour un temps, du moins.

Malgré la trahison de Coles et de toutes ses croyances, la détermination de Heilin ne faiblissait plus. Elle était bien décidée à protéger le plus de gens possibles des machinations humaines. Elle ne revivrait plus d'instants aussi atroces que la presque mort de River et l'enfermement de son frère. Heilin réprima sa colère et se concentra sur le trajet.

Ils approchaient du Panthéon, elle le sentait jusque dans ses os. La Bifröst s'agita en elle. Affamée. Elle craignait et s'impatientait de revoir les habitants de ce lieu.

Dès qu'elle posa les pieds par terre, ses jambes tremblotèrent, encore trop peu habituée à bouger. La Bifröst tournoya autour de ses pieds et réchauffa son corps et son cœur. Une douce chaleur lui souffla un « bon retour parmi nous » qui calma ses angoisses. Elle put sentir toutes les âmes présentes dans le Panthéon. Seule celle de Dageus resta inaccessible comme à son habitude.

— Veux-tu voir les blessés ?

— Y en a-t-il beaucoup ? s'inquiéta-t-elle.

— Juste deux.

Valérie s'approcha d'elle pour lui offrir son bras. Un peu honteuse, Heilin s'y agrippa pour monter les trop nombreuses marches vers l'entrée du manoir. Elle se figea quand elle se rendit compte que le guépard ne les suivait pas.

– Tu restes ici ?

Le visage crispé, la bouche tendue, son regard resta insondable tandis qu'il les rejoignait.

Heilin repensa aux mots de la louve en chef. Celle-ci pensait que la visite du Kronidès au Panthéon serait mal venue. Selon elle, Rhett se servait de l'inconscience de la Vanadis pour empêcher l'Odin d'entrer sur son territoire. De nombreuses disputes tenaient les wastes en haleine quant à découvrir lequel prendrait le dessus et surtout, la finalité d'un possible combat.

Un combat de coqs stupides ! songea-t-elle.

La Vanadis fronça les sourcils. La mort flottait dans le hall. Elle porta une main à son nez, incapable de supporter l'odeur du sang et de la chair en putréfaction. Les yeux du guépard en chef brillèrent de colère. Il la tira vers l'ascenseur dans lequel il les enferma refusant d'attendre River et Valérie. Au deuxième étage, il les mena vers la dernière porte au bout du couloir blanc cassé. Heilin inspira. Le parfum de douleur et d'antiseptique raviva son trouble. Elle serra sa chemise au niveau de son ventre noué par l'anxiété. Elle se força à entrer dans l'infirmerie, aidée par la main plus douce de Rhett dans son dos.

Helldown #2 - Ville de glaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant