Helldown #2 - Ville de glace

Chapitre 20 (corrigé ++)

Le temps se figea.

Dageus sentit un élan de panique le saisir. Heureusement, il se maîtrisa. Avec des gestes délicats, il redressa sa compagne qui se tordait de douleur sur ses genoux. D'un mouvement ample, il éloigna la table basse et le divan pour l'allonger. Une part de lui se reprocha de ne pas avoir prévenue sa femme des conséquences réelles de leur union. Ils consolidaient bien le pouvoir du Panthéon, mais cela ne se faisait pas uniquement dans le plaisir.

Dageus frissonna.

L'énergie coula sur eux. La Bifröst entra dans son corps, le réchauffa des pieds à la tête et le transporta ailleurs. Un ailleurs dans lequel attendaient tous les wastes passés, présents et futurs. Là où se tenait l'essence même de leur existence. Un ailleurs chaud, agréable et réconfortant. Il entendit tous les seigneurs et leurs sujets pousser des cris de surprise chez certains, de souffrance chez d'autres et de soulagement encore.

Heilin se figea entre ses bras.

Le plus difficile débutait et il espérait du fond du cœur qu'elle surmonterait cette épreuve propre à son statut de Vanadis.

La première transformation n'avait été qu'une erreur amenée par le pouvoir subite de la Fontaine lorsque Vesper devait être sauvé. Cette fois, le changement s'opérait parce que le Panthéon l'exigeait. Tout comme il avait lui-même dû prouver sa valeur lorsqu'il prit le trône.

Dageus agrippa les poignets de la jeune femme qui tenta de prendre sa tête entre ses mains munies de griffes acérées. Elle se débattit en hurlant.

– Ça va aller, murmura-t-il en litanie qu'il voulait rassurante.

La peur dans ses yeux lui serra la gorge. Les émotions de sa compagne le fouettèrent de plein fouet : elle se sentait trahie et piégée. Elle n'eut pas le temps d'approfondir sa colère, une onde de douleur se propagea de la base de son dos et explosa sous son crâne. Le hurlement qu'elle poussa l'obligea à raffermir sa prise autour de ses bras. Il ne voulait pas qu'elle se blesse en se débattant contre un ennemi invisible.

– Ne combats pas la douleur, Line, lui conseilla-t-il quand son corps retomba lourdement sur la moquette. Laissa-la te submerger !

Des larmes coulèrent le long des tempes de la jeune femme, il libéra une de ses mains pour les essuyer du bout des doigts. Il ne se souvenait pas d'une souffrance aussi intense lorsqu'il prit le pouvoir sur les wastes. Bien sûr, la transformation fut longue mais pas aussi sanglante. Le changement débuta par ses pieds qui se tordirent. Le bruit de ses os qui se brisaient lui donna la nausée. Sa peau ondula sous ses doigts toujours autour de ses poignets.

La douleur qui traversa Heilin l'aveugla durant quelques secondes. Un temps précieux qui permit à la jeune femme de fuir sa prise. Quand il ouvrit les yeux, l'esprit plus clair, elle ne se trouvait plus dans l'appartement. Cette fois la peur pulvérisa sa raison.

Même s'ils se disputaient souvent, qu'elle s'était montrée butée au point de lui donner envie de lui taper le crâne contre un mur, il la voulait comme compagne. Sa mort serait l'épreuve de trop.

Il se leva d'un bond et courut dans les couloirs. Il suivit la piste de sang ignorant ses sujets inquiets sur son passage. Il ouvrit d'un geste vif les portes qui barraient son chemin. Ses pieds se figèrent avant qu'il déboule dans la pièce plongée au cœur des ténèbres. Impossible de distinguer quoi que ce soit dans cette purée de pois macabre. Il savait que cette salle recelait des ombres dont il n'avait effleuré que la surface le jour de son intronisation. Il n'en avait donc pas mesuré la profondeur à cette époque. Pourtant, il plongea, déterminé à trouver Heilin.

– Il est là...

Dageus s'arrêta aux pieds du trône, surpris par les murmures autour de lui.