Chapitre 2

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En deux semaines, rien n'a changé. Presque. Disons que désormais, les trois quarts des maisons sont condamnées, ou brûlées. Bon, d'accord, c'est un détail assez important. De plus, depuis la dernière fois que nous sommes venus, les waräans semblent beaucoup plus présents, de sorte que nous en croisons à chaque pas que nous faisons. Ils sont dissimulés dans l'ombre, et seuls leurs yeux luminescents ressortent dans l'obscurité. Ils sont d'autant plus angoissants que la nuit est enfin tombée. Le peu de maisons toujours debout sont très sombres, et étriquées, comme si elles essayaient, elles aussi, d'échapper à la terreur. Plus nous avançons, Caleb et moi, plus ma main serre la sienne. Petit à petit, mon dos se voûte, et j'ai du mal à respirer sous la pression des regards qui nous suivent. Je comprends enfin ce que vivent les habitants d'Oria. L'oppression et l'allure de la ville donnent juste l'envie de courir, de fuir. Un accord tactique est passé entre mon partenaire et moi. Nous ne parlons que par gestes. En suivant les instructions de Keydjin, nous avons pris la route principale, partant de l'entrée de la ville, et nous avons continué tout droit jusqu'à ce que nous arrivions à la grande place. Sur celle-ci, une fontaine trône pitoyablement. L'eau n'y coule plus, le bassin est asséché. Le personnage représenté au centre semble avoir été majestueux. Un jeune homme brandissant fièrement ce qui semble être un sublime pendentif. Son sourire est dérisoire, aujourd'hui. Lorsque je suis son regard, je remarque une seconde fontaine, disposée symétriquement à la première. Je la détaille de loin, et comprend qu'il s'agit d'une jeune fille, tenant à bout de bras un autre pendentif. Ce sont deux partenaires. Tout comme moi et Caleb. Un jour, il y a longtemps de cela, ils ont été heureux. Aujourd'hui, le sourire qu'ils affichent me paraît factice. Le seul éclairage de la lune les rend même menaçants, machiavéliques. Caleb me tire par le bras. Il a raison, nous nous sommes déjà trop attardés. Je regarde autour de moi pour être sûre que personne ne nous a remarqué, puis je reprends ma route. Je rattrape Caleb, qui s'est un peu avancé, et je reprends sa main pour me rassurer. Il me regarde tristement. Je crois qu'il a compris mes pensées. Ces deux partenaires avaient le même âge que nous, et ils étaient tellement fières de ce qu'ils étaient. Maintenant, être veilleur est synonyme de malheur. Nous devons arranger cela le plus vite possible. Comme si nous étions connectés, Caleb accélère le pas en même temps que moi. Nous prenons la rue à gauche, puis nous prenons la deuxième à droite. Nous marchons pendant une bonne dizaine de minutes avant d'arriver à l'appartement de Keydjin. Je rectifie. Le bâtiment qui se dresse devant nous n'est pas un appartement. C'est un hôtel particulier. Sans rire. L'édifice semble pouvoir toucher les nuages, et il doit s'agir de la seule façade peinte en blanc dans tout Oria. Il y a au moins une vingtaine de gigantesques fenêtres et la porte devant nous est entièrement noire, brillante. Je pousse un soupir d'admiration avant de m'avancer pour ouvrir la porte. Keydjin nous a expliqué qu'il ne fermait jamais car aucun des habitants n'étaient assez idiot pour voler et s'attirer encore plus d'ennuis. Je m'engouffre dans le couloir qui s'étend devant moi, en entraînant Caleb derrière moi. Jusque là, je n'avais pas remarqué que j'avais froid, mais en entrant à l'intérieur, mes joues et mon nez brûlent sous le coup du changement de température. Je remarque aussi que les vêtements que m'a donné Alaïne m'ont très bien protégé du froid. Nous nous avançons doucement, par peur de faire du bruit. La porte se referme derrière nous. Le sol est recouvert de marbre blanc, très élégant. Le couloir débouche sur une grande entrée. Un porte manteau se trouve à notre gauche. Face à l'immensité du reste, il est un peu ridicule. En fait, je me sens un peu comme ce porte manteau, à cet instant précis. Nous posons nos vestes et nos sacs à côté de celui-ci et nous continuons notre visite. Devant nous monte un grand escalier qui se sépare en deux pour mener vers la gauche, et vers la droite. Vous voyez de quoi je parle ? Vous savez, le cliché du grand escalier en marbre. Et bien c'est exactement cela. Je suis impressionnée. Caleb me tire vers une porte, juste en dessous des escaliers, à gauche. Il ouvre la porte et nous entrons dans une cuisine immense. Le plan de travail longe les murs, tandis qu'une grande table en bois se trouve au milieu de la pièce, avec des chaises, tout aussi grandes, rangées autour.

Les Derniers Veilleurs, Tome 2 : Les Joyaux Mortels.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant