Les Derniers Veilleurs, Tome 2 : Les Joyaux Mortels.

Chapitre 47

Point de vue de Will :

Comme le reste de la foule, je mets un certain temps à réaliser ce qu'il vient de se passer. Nous n'avions pas pu venir en aide à Hayleen et Caleb, sous peine de déclencher un massacre. Je m'étais donc résolu à regarder mes amis se faire massacrer. Lydia ne cessait de me demander ce qu'il se passait. Hayleen et Caleb sur le sol, à moitié inconscient, à la merci d'un homme armé d'une épée ensanglantée. Comment lui expliquer ? J'avais regardé Hayleen se faire transpercer l'abdomen. Son corps avait réagi à l'attaque, d'un léger soubresaut. Un silence atroce s'en était suivi. Et puis, le geste inespéré était arrivé. Une exclamation. Un cri. Un jeune homme au-dessus des règles. Un fantôme. D'une flèche dans la gorge, il avait éliminé Nhaundar. La cape dorée du chef des waräans était restée un instant debout, puis elle avait succombé, tout comme son propriétaire. Dès lors, Oria toute entière avait recommencé à respirer. À cet instant, les waräans, réalisant leur position, commencent lentement à s'agiter. Un mouvement de foule suit le silence qui s'était installé. Les waräans courent vers l'extérieur de la ville. Je les regarde faire, encore sous le choc de tous ces événements. Heureusement, Enoria réagit rapidement. Je l'entends hurler depuis l'endroit où je me trouve.

-Bloquer la ville ! Personne ne sort !

Une dizaine de veilleurs s'attrapent les mains. Une énorme vague, plus grande encore que la ville se forme, encerclant les bâtisses. Les douves se remplissent d'eau fumante. D'autres veilleurs se réveillent et une prison de lianes, de branches, de racines recouvre la cité, laissant passer quelques rayons du soleil levant. L'obscurité nous permet de mieux reconnaître les waräans, qui arborent des yeux lumineux. J'entends le portail de la ville se refermer avec violence. La panique de la foule est terrible, mais les veilleurs savent comment prendre le dessus, désormais. Les waräans ont peur. Tant mieux.

-Lydia, va te mettre en sécurité avec Drew. Je vais m'occuper des deux héros du jour.

Elle acquiesce, tandis que je m'octroie un bain de foule des plus violents. Je traverse la cohue jusqu'à me retrouver face aux deux corps de mes amis. Caleb a toujours les yeux ouverts. Il s'est rapproché d'Hayleen, et lui murmure quelque chose à l'oreille. Je m'accroupis à leurs côtés. Caleb lève des yeux emplis de larmes vers moi. Je m'approche d'Hayleen et pose deux doigts sur son cou. Le pouls de la jeune fille ralentit de plus en plus. Il est presque indétectable.

-Tu dois l'emmener, me supplie Caleb. Elle peut encore être sauvée..

-C'est trop tard..

-Non. Je lui ai donné toute mon énergie. Vas-y. Je vais me débrouiller.

J'hésite encore un quart de seconde, puis je prends Hayleen dans mes bras. Je cours jusqu'à la maison la plus proche. En chemin, Reyna et le père d'Hayleen me rejoignent. Reyna vérifie elle aussi le pouls de la jeune fille, tout ça en courant. Son père ouvre la porte d'une petite maison, et je me précipite à l'intérieur. Un homme et une femme tiennent leur petite fille devant eux, effrayés.

-On réquisitionne, je les informe, malgré l'évidence. Débarrasser la table.

Devant leur manque de réaction, Reyna passe ses bras sur la table, faisant voler le repas qui s'y trouvait une seconde plus tôt. Je pose Hayleen sur la surface lisse et retire son haut. La coupure est vraiment horrible, et très profonde. Le sang s'écoule en abondance. La plaie qu'elle avait déjà sur la droite de son abdomen s'est rouverte, par la même occasion. Je réprime un haut le cœur, et, heureusement pour moi, Reyna et Marc ont beaucoup plus de sang froid. La petite blonde fouille dans les placards, balançant ce qui ne lui sert pas. Elle attrape une bouteille d'alcool. Ou de vinaigre ? Je ne saurais dire. Satisfaite, elle s'empare un torchon et verse la totalité du flacon sur le ventre d'Hayleen. La veilleuse blanche est d'une pâleur extrême, mais son visage se crispe tout de même au contact du liquide. Je lui attrape la main, et prie pour qu'elle ouvre les yeux. Après tout ce qu'elle a vécu, ce qu'elle a accompli, elle mérite de voir ce à quoi ses sacrifices ont aboutis.