Les Derniers Veilleurs, Tome 2 : Les Joyaux Mortels.

Chapitre 9

Nous descendons les deux étages main dans la main. Mon corps tout entier tremble sous le coup de l'émotion. En arrivant dans le hall d'entrée, je sens le poids des espoirs de mes parents sur mes épaules. Jamais il ne m'était venu à l'idée que tant de personnes pouvaient compter sur nous, compter sur moi. C'est pour cela que je me dois de garder la tête haute. Pour mes parents, pour les habitants de Faelhon, et même pour moi. Je me dois de tout mettre en œuvre pour réussir, ou je ne me le pardonnerais jamais. Lorsque nous arrivons devant la grande porte en bois de la bibliothèque, j'inspire profondément et pousse la poignée. Cette pièce est de loin la plus belle de l'hôtel. Des bibliothèques en bois tapissent les murs, du sol au plafond. Quatre ou cinq échelles sont attachées à des rampes au plafond, ici et là. Des lustres de cristal illuminent la salle. Une mezzanine se dresse devant moi, au fond. J'aperçois sur celle-ci des tables de travail, et toujours plus d'étagères pleines à craquer d'ouvrages, du plus ancien au plus récent. Au rez de chaussée, une bonne dizaine de fauteuil en velours rouge attendent patiemment que quelqu'un ne s'y installent. La moquette rouge et noire sous mes pieds ne fait qu'ajouter au charme de cette pièce. Personne n'est encore là. Je parcoure les rangs de livres en compagnie de Caleb, faisant passer mes doigts sur les tranches. J'adore les bibliothèques. Depuis toujours, l'aspect apaisant et le côté sage, empli de connaissances, m'ont toujours passionnée. J'inspire un grand coup, comme pour m'imprégner de l'ambiance et inspirer les lignes des ouvrages.

-C'est fou tout ce qu'il y a, je dis. Des romans, des livres de comptes, des légendes, des livres d'histoire..

Un livre attire mon attention. Le livre des conseillers. Je le tire et me dirige jusqu'à un fauteuil. Caleb se place debout derrière moi et met ses mains sur mes épaules. Les conseillers sont élus tous les cinq ans. Apparemment, mes parents en étaient à leur deuxième mandat consécutif. Seuls les veilleurs ont le droit de vote pour les conseillers. Les ermums votent pour leurs propres conseillers. Il n'y en a que quatre, mais ils sont très effacés. Je me demande ce qui leur est arrivé. Dans ce livre, les conseillers sont classés par couleur de pierre. Je me rends à la page qui m'intéresse. Kathleen et Aaron. Une photo. Ils sont assis sur un banc, main dans la main, tout sourire. Ma mère porte une magnifique robe beige qui me fait penser à une déesse grecque. Ses cheveux brun bouclés sont lâchés en cascade sur ses épaules, une fois encore. Elle est rayonnante. Mon père porte un costume beige, lui aussi, mais il ne regarde pas l'objectif. Sa tête est tourné vers sa femme, qu'il regarde tendrement. Son bras passe sur les reins de Kathleen. Ils étaient si heureux, épanouis, et ils se battaient pour l'égalité des ermums et des veilleurs. Je fais le vœu de continuer leur combat. Les veilleurs ayant tous officiellement disparus, nous nous devons de rétablir l'équilibre et faire en sorte que les prochains enfants naissant veilleurs ne soient pas massacrés ou emprisonnés. Et, si, comme l'a insinué Alaïne, la mère de Nhaundar, certains veilleurs sont toujours en vie, prisonniers du château, alors nous devons les sauver. Nous devons réussir, il le faut. Nous sommes le dernier espoir de Faelhon.

La porte s'ouvre.

-Salut vous deux, dit le nouvel arrivant.

Je me retourne pour découvrir Keydjin, marchant tranquillement vers un fauteuil. Mon ventre se noue. Je ne sais pas si je dois dire à Caleb ce qu'il s'est passé entre nous. J'ai peur de le perdre une nouvelle fois. D'un autre côté, si je ne lui dis pas, la vérité finira forcément par ressurgir et elle blessera encore plus. Mon partenaire va s'asseoir en face de moi, juste à côté de Keydjin. Mon regard passe de l'un à l'autre, sans que je n'arrive à me décider sur ce que je vais faire. Keydjin semble attendre que je le dise à Caleb, tandis que celui-ci m'interroge du regard. Oh, et puis tant pis, je me jette à l'eau.

-Caleb...

-Oui ?

-Je...