Les Derniers Veilleurs, Tome 2 : Les Joyaux Mortels.

Chapitre 33

Point de vue d'Hayleen, une demi heure plus tôt :

-Impressionnant, répéta-t-il, en étendant son sourire.

-Quoi donc ? Ma fuite face à Nhaundar, ou le fait que, pour une fois, je ne me laisserais pas berner par tes mots doux ou je ne sais quel discours que tu as soigneusement préparé pour que je me rallie à toi ?

-Tout.

Il s'approche lentement et caresse mes cheveux délicatement.

-Jolis yeux, remarque-t-il.

Je me crispe, mon poignard toujours relevé, prêt à s'enfoncer dans sa poitrine. Il relâche mes cheveux et penche la tête sur le côté.

-Tu ne le feras pas. Tu ne me blesseras pas.

-Donne moi une seule bonne raison, Keydjin.

-La première est que mon ravissant sourire te manquerait trop. La seconde est que j'ai tout fait pour vous faciliter la tâche, ajoute-t-il face à mes sourcils froncés.

-Comment t'y es-tu pris ?

-Facile. Le serviteur de Nhaundar est un idiot fini. Je lui ai envoûté l'esprit pour qu'il donne des ordres contraires aux waräans du château, qui sont partis faire des rondes ailleurs. Et ensuite, j'ai attendu que la voie soit libre pour apporter toutes les armes que j'ai pu trouver dans la forge. Ils n'ont absolument rien compris, dit-il en rigolant. Pour finir, j'ai lancé des rumeurs qui parlaient d'un groupe de veilleurs assoiffés de sang, tu aurais dû voir leur tête !

Je lui attrape le bras droit et le pousse contre le mur, appuyant ma lame contre sa gorge. Il déglutit, son sourire assuré flanchant enfin. Bizarrement, son manque d'assurance actuel me fait plaisir. Il perd petit à petit son contrôle sur moi, et je ne peux que savourer ce moment.

-Qu'est-ce que tu fais ? Demande-t-il, la gorge nouée. Je viens de te dire que je vous avais aidé !

-Pourquoi je te croirais ? Qui me dit que ce n'est pas une autre de tes trahisons ? Je réponds sèchement. Si je te tue maintenant, je n'aurais plus de problèmes avec toi, et j'irai beaucoup mieux.

En disant cela, je réalise que c'est faux. Je me sentirais coupable, d'avoir tué un proche, aussi horrible soit-il. Je me sentirais coupable face à son père, et j'irais mal. Encore plus que maintenant. De plus, je ne sais même pas si je le déteste vraiment. Je déteste ce qu'il a fait, mais lui ? Je ne pourrais le dire. Malgré mes efforts pour faire le tri dans mes sentiments, j'en reviens toujours au même point. Qu'est-ce que je ressens vraiment ? En grandissant, je me rends compte que je ne pourrais jamais répondre nettement à cette question. La seule manière d'arrêter de toujours me questionner, c'est de me jeter à l'eau, en dépit de mes incertitudes. De ne plus hésiter, et de faire ce en quoi je crois, pendant l'instant présent. Mais exprimer ses sentiments les plus profonds est une des choses qui me terrifient le plus. Pour l'instant, je reste en surface, priant pour ne jamais avoir à admettre à quel point je suis perdue face à certaines personnes. Une, en particulier. C'est vrai que..

-... Hayleen ?

Je relève la tête, et me rends compte que Keydjin me parlait pendant que j'étais perdue dans mes pensées. Je resserre mon emprise sur son coup avant de lui répondre :

-Quoi ?

-Tu n'as pas écouté un mot de ce que je viens de dire ?

-Non.

-J'essaie de racheter mes erreurs.

-Tu ne rachèteras jamais le meurtre de Lydia, ni celui de Maïru.