Chapitre 37

34 7 3
                                    

Point de vue de Keydjin :

-N'oublie pas, Keydjin. Ici, tu es l'ennemi. Et tu es tout seul. N'essaie surtout pas de jouer au plus malin, me murmure Hayleen.

Elle a raison. Je suis passé dans le camp ennemi, car c'était la meilleure solution pour moi. J'ai bien compris que Nhaundar n'en avait plus longtemps, qu'Hayleen et sa bande finiront bien par en venir à bout. Autant être du côté des vainqueurs. Et puis, il y a un autre sacré avantage à être revenu. La fille. Je baisse les yeux vers elle et souris.

-Essaierais-tu de me protéger ? Je demande tandis qu'Enoria me retire, sans délicatesse, ce ridicule bandeau.

Hayleen me sourit, me faisant presque oublier la douleur dans mon bras et ma main. Lorsque mes yeux se sont réhabitués à la lumière, je contemple toutes les personnes dans la salle. Certains se sont levés, d'autres ont posé une main sur leur arme. Ces dégénérés m'amusent. Je n'ai pas peur d'eux. Ils ne me feront rien. La seule raison pour laquelle je les ai aidés, c'est parce que je veux bénéficier d'un traitement de faveur lorsque tous les waräans seront jugés. Hayleen y est peut-être aussi pour quelque chose. Sa façon de froncer un seul de ses sourcils lorsqu'elle est confuse, et les deux quand elle est énervée. Sa manière de porter le monde à elle toute seule.. Je sais que tant qu'elle sera de mon côté, je serais en sécurité. Enfin, de mon côté.. Tant qu'elle n'aura pas décidé que je dois mourir. Car lorsqu'elle est arrivée au château ce matin, j'ai vu que quelque chose avait changé. Son regard, sa posture, même ses cheveux avaient évolué. Même si l'admettre me tue, la Hayleen qui tenait vraiment à moi est partie. Peut-être trouverais-je un moyen de me faire pardonner. Elle est la seule personne dont je souhaite obtenir le pardon. Peut-être que nous redeviendrons amis, un jour... Mais je ne sais que trop bien que tant que Caleb fera partie de sa vie, je ne pourrais jamais rivaliser. J'ai pu être témoin de ce qu'était le véritable amour, et, malheureusement, c'est exactement ce dont il s'agit. Leur façon de se regarder, de se détester dès que l'autre s'éloigne.. Ce petit prétentieux ne mérite pas que quelqu'un comme Hayleen le regarde ! Quand je l'ai croisé tout à l'heure en m'échappant, j'ai bien pensé à mettre fin à sa misérable vie, mais je ne sais pas si j'aurais supporter de voir Hayleen souffrir encore plus. Je ne le vois pas dans la salle, mes prières auraient-elles été exaucées ? Non, sinon Hayleen n'irait pas si bien. Mais il s'est passé quelque chose. Je le sens dans leur comportement à tous. Ils sont d'autant plus tendus en me voyant. Avant que l'un d'eux ne se jette sur moi, Hayleen lève les mains et prend la parole d'une voix étonnamment assurée :

-Tout va bien ! Il est avec nous.

-Depuis quand ? S'exclame une jeune blonde dont je me rappelle vaguement avoir éliminé la mère il y a quelques temps.

-C'est une longue histoire. Je pense que nous pouvons le laisser vivre ici en attendant de trouver comment le punir. J'ai ses bijoux. Jusqu'à ce que nous trouvions une solution stable, Keydjin devra bénéficier d'une garde perpétuelle. Est-ce que quelqu'un se porte volontaire pour le premier tour ? Nous changerons à intervalles réguliers.

Je souris. Tant de précautions alors que je me suis presque rendu. Je leur ai même donné de quoi me retirer l'intégralité de mes pouvoirs. Quelle blague. Au moins, je pourrais attendre sagement que tout se finisse, puis je ferais face à mes actes etc, etc.. Quoi ? Bien sûr que je regrette certaines de mes actions. La plupart, en fait. Mais si je commence à faire une liste, je vais devenir un de ces héros de roman qui s'apitoient sur leur sort et ne font rien naître de bien. Oui, j'ai beaucoup lu dans mon enfance. Et j'ai appris que la seule façon de se sortir d'une situation qui nous déplaît, c'est d'agir. Tout cela pour dire que j'avais mes raisons pour tout ce que j'ai fait. La plupart du temps, ces raisons étaient égoïste, je le sais, mais si elles me menaient où je voulais, qu'est-ce que j'en avais à faire ? Peut-être qu'avec le temps, je commence à comprendre ce que c'est que de se soucier des autres. Peut-être que je commence sérieusement à me sentir seul, et que je ne sais pas comment y remédier. M'excuser ? J'ai tué et torturé ! M'excuser ne changera rien. Et puis, j'ai une fierté. J'ai fait ce que j'ai fait, point. Si m'excuser ne changera rien, autant ne pas le faire. Le seul moyen serait de me racheter par des actions non égoïstes. Essayons. Je n'ai rien à perdre.

Les Derniers Veilleurs, Tome 2 : Les Joyaux Mortels.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant