-Cherchons ces broches, dit Enoria.
-Tu ne trouves pas ça trop facile ? Demande Chris. Je veux dire, un seul garde et on arrive à entrer comme ça.
-Pourquoi ce ne serait pas facile pour une fois ? Je réplique.
Nous nous mettons à fouiller la pièce, laissant les meubles sans dessus dessous. Nous ouvrons les tiroirs, les armoires, nous soulevons les coussins de la banquette, regardons derrière chaque livres de la bibliothèque. Rien du tout.
-Essayons les autres pièces, dit Enoria.
-D'accord, on se sépare, répond Chris.
Je me rends dans une salle d'eau et commence à regarder un peu partout. La pièce n'est pas très grande. Je cherche sur les étagères pleines de flacons. Je regarde sous les tapis, toujours rien.
-J'ai quelque chose ! S'exclame Enoria.
Je me dirige vers la sortie quand la porte se claque violemment, me faisant reculer. J'appuie sur la poignée mais celle-ci est bloquée. Je tente de pousser la porte avec mon épaule, sans succès. Je me jette contre celle-ci mais je sens bien que quelque chose bloque de l'autre côté. Je m'acharne sur l'obstacle mais je finis par me résigner. La fenêtre est condamnée par des barreaux en métal et un arbre cache la vue.
-Merde, je souffle.
Je passe ma bague à mon doigt et tente des attaques contre la porte de bois. Elle ne fait que trembler légèrement. Quelque chose de magique la retient. J'entends des voix étouffées de l'autre côté du mur. Je frappe sur la paroi et appelle mais rien n'y fait. Je suis coincée dans cette petite pièce. Je pense à envoyer un signal aux autres mais je ne sais pas où cette fenêtre donne et je ne veux pas révéler à d'autres waräans où nous sommes. Je me tourne vers le miroir et tente de réfléchir. Je ne peux rien faire. Le mur est trop épais et la fenêtre est sans issue. La porte est protégée par je ne sais quoi et rien dans cette salle de bain ne peut m'aider à m'échapper. Je m'assieds sur le rebord de la baignoire ancienne et ferme les yeux pour me concentrer. Je perçois les bruits du combat qui fait rage, hors de ma portée. Je me frotte le visage et pose mon regard sur mon reflet. Comment en suis-je arrivée là ? Je ne suis pas faite pour ce genre de choses. Katniss l'est, ou Hermione, ou je ne sais quel personnage féminin assez fort mentalement pour contrer des méchants dépourvus de nez ou toujours tirés à quatre épingles. Je n'ai rien à faire là. Je fais semblant mais je n'ai pas ma place dans tout ce bordel. C'est trop gros pour une pauvre fille comme moi. Nous sommes partis de la maison depuis moins d'un mois et je suis déjà destinée à mourir. Je ne survivrai pas à ça. Physiquement peut-être. À ce moment précis, assise sur mon rebord de baignoire, à me contempler dans la glace, je me sens toute petite, et seule. J'ai tellement insisté pour venir, pour ne pas abandonner Enoria et Chris, pourtant me voilà complètement inutile. Si j'ai insisté plus tôt c'est que je ne supporte pas l'idée d'être écartée de la mission qui nous a été confiée. En fait, je me sens responsable de chacun. Je porte sur mes épaules la vie de Will, celle de Caleb, Enoria, Chris, et aussi Lydia. Je sais que ce n'est pas à moi de m'en occuper, mais si je ne le fais pas, qui s'en chargera ? Je me dois de retrouver ma meilleure amie, en vie. Pour moi, parce que j'ai besoin d'elle pour garder mes idées noires éloignées, mais aussi pour Will. Il ne le montre pas, il se cache, mais j'ai conscience que si je ne lui ramène pas, il ne redeviendra jamais vraiment lui-même. Elle est une partie de lui. De vraies âmes sœurs. Lui et moi avons besoin de ce rayon de soleil dans nos vies. D'un autre côté, j'ai peur de l'état dans lequel nous allons la retrouver. Et si elle n'était plus jamais celle qu'elle a toujours été ? Je ne supporte pas l'idée. Je me force à penser à autre chose, priant pour que Chris et Enoria s'en sortent bien. Ces deux là sont bien plus forts et soudés qu'il n'y paraît. Je les pensais amis par défaut, à cause de leur statut imposé de partenaires, mais ces derniers jours, j'ai remarqué une complicité insoupçonnée. Ils sont complémentaires et semblent toujours savoir ce dont l'autre a besoin. Ils ne sont peut-être pas de véritables partenaires mais leur relation est tellement sereine. Je les envie énormément. Depuis que ma relation avec Enoria s'est améliorée, je vois enfin à quel point elle a été forte toute sa vie. En plus d'avoir perdu ses parents et son frère quand elle était enfant, elle a perdu ses parents adoptifs, sa petite amie et elle n'a que dix-sept ans. En comprenant tout cela, sa façon de gérer ses émotions, je ne peux que l'admirer. En certains points, Caleb lui ressemble vraiment. Il sait parfaitement rester calme et ne laisse jamais ses véritables sentiments remonter à la surface. Je l'ai compris dès que nous avons commencé à se fréquenter. C'est assez agaçant mais parfois on distingue une petite partie de ce qu'il ressent lorsqu'on sait lui parler. Je pense avoir compris qu'il a peur dans les endroits sombres et renfermés. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais il doit y avoir une histoire derrière. Un gars de son âge avec des abdos comme les siens n'a pas peur du noir sans raison. En revanche, je ne sais pas s'il fait confiance à quelqu'un. À moi c'est sûr que non, mais peut-être à sa jumelle. Difficile de savoir. Je pense qu'il a raison de ne pas me faire confiance. Moi même je ne me fais pas confiance. Je suis susceptible de faire une erreur à chaque seconde, pourtant je me dois d'avancer. Je sais ce qu'ils pensent tous, ce que vous pensez : je suis une garce. Je crois qu'ils ont raison. C'est ce que je me dis assez souvent, en tout cas. Je sais que je suis ridicule à toujours me laisser submerger par mes émotions, je sais que je suis naïve et stupide. Par exemple, je ne le dirai jamais à voix haute, mais je suis toujours persuadée que nous pourrons ramener Keydjin de notre côté. Qu'il y a toujours une part de bon en lui, et qu'il a juste besoin d'être entendu. Je sais que c'est insensé mais j'ai besoin de m'accrocher à cet espoir. Je n'ai plus vraiment d'autre espoir, en fait. Autre chose que je n'avouerai jamais à voix haute, surtout au principal intéressé, mais Caleb avait raison quand il disait que je n'étais qu'une gamine en quête d'attention. Mais il avait tord à propos d'une chose : Chris, Caleb et Keydjin ne sont pas des moyens d'être vue et au centre de l'attention de quelqu'un. Je les aime tous les trois, d'une manière différente. En fait, je suis carrément perdue. Je sais que Chris n'est plus qu'un ami, et sa façon de changer pour moi me montre qu'il ne veut être que cela, ce qui m'arrange bien. Keydjin m'a trahi, mais il y a toujours ce pincement au cœur quand je pense à lui. Ses cheveux blonds me manquent, ses yeux bleus, son grand sourire. Je sais que c'est mal mais je ne peux pas m'en empêcher. Et Caleb ? Je l'aime, je le sais maintenant, mais je veux me préserver et je sais que mes sentiments s'estomperont avec le temps et le recul nécessaire. Pour cela, je dois juste agir avec lui comme une alliée, une étrangère se battant à ses côtés, sans rien de plus. Et si possible, le rembarrer pour ne pas lui laisser penser que je tiens à lui. Ce qui ne sera bientôt plus le cas. En réalité, m'avouer tout cela me fait comprendre que je tiens à lui, mais que ce n'est plus aussi fort et étrange qu'avant. J'ai déjà fait la moitié du travail, il semblerait. Tout cela pour dire que je me dois de garder toutes ces personnes en vie, quitte à y laisser la mienne. Ce qui me fait peut-être le plus mal, c'est que j'ai l'impression que cette attention ne va que dans un sens. Font-ils attention à ce que, moi, je ressens ? Est-ce qu'ils ont compris que je souffrais pour eux, mais aussi pour moi ? Je veux tout arranger, tout réparer, mais qui me réparera, moi ? Si je ne survis pas, je ne m'en soucierais plus, mais je pense pouvoir croire que je vais m'en sortir. J'ai cette mince lueur d'espoir. J'ai l'impression de tout exagérer, mais si ce n'était pas le cas ? Pourquoi toutes ses questions ? Pourquoi je ne possède pas un interrupteur pour tout éteindre ? Pour dire stop à toutes ces souffrances et juste avancer sans ressentir ? Malheureusement, ça n'existe qu'à la télé ce genre de choses. Ce que je vis est réel. Ce que je ressens est réel. Je sais que j'ai déjà dit des centaines de fois que j'arrêtais de me laisser avoir par ces parasites de sentiments, mais c'est comme essayer d'escalader l'Everest, sans aucun matériel, et sans gants. Vous voyez le problème. Cependant, je suis persuadée que ce n'est pas impossible. J'y parviens petit à petit. Je prends les choses en main et j'essaie de me rendre fière, en tout premier lieu. Seulement tout ce qui va mal finit toujours par refaire surface. La seule cause de toute cette peine a un nom. Nhaundar. Je suis là pour le détruire. Je sais que ça n'effacera pas tout, et que nous serons toujours aussi brisés à l'intérieur, mais cette victoire donnera aux habitants de ce pays d'autres horizons que la peur. Les enfants grandiront en paix, les veilleurs comme les ermums. Pour cela il faudrait que je sorte d'ici. Je me lève et fais les cents pas. Assez de réflexion. Je dois agir. Je tourne en rond dans ma cage. Sous l'énervement, je frappe mon pied contre la baignoire. Je fais une grimace de douleur et retente une attaque contre la porte. Toujours rien. Je pousse un cri de rage et dans un excès de colère, je balaye l'étagère remplie de flacons de verre d'un coup de bras. Les récipients valsent et s'éclatent sur le sol avec un grand fracas. L'un d'eux explose sur le mur. Un morceau de verre entaille mon arcade. Je ne fais pas attention au picotement de la coupure car je viens d'avoir une idée. Je ferme de nouveau les yeux et me concentre sur la personne de Caleb. Si notre lien de partenaire est si fort que tout le monde le dit, alors il devrait ressentir mon appel au secours. Dans la pièce d'à côté, le combat fait toujours rage. J'imagine sa voix dans ma tête, puis son corps, son visage. Je ne pense pas que tout cela marche. Alors je me remémore notre première rencontre. La première fois où nos regards se sont croisés. Je me rappelle même de la sensation dans le creux de mon ventre, la chaleur, le bien-être. J'entends des bruits de pas sur les graviers dehors.
![](https://img.wattpad.com/cover/80224477-288-k53985.jpg)
VOUS LISEZ
Les Derniers Veilleurs, Tome 2 : Les Joyaux Mortels.
ParanormalUne quête, une simple quête. Visant à sauver tout un peuple dirigé par les ténèbres. Six veilleurs, six héros destinés à accomplir cet exploit. Aucun d'eux ne sortira indemne de cette aventure. Mentales ou physiques, les séquelles seront irrémédi...