c.9: Un vrai Don Juan

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Je suis restée discuter plusieurs minutes auprès du petit étalon noir. J'ai eu le temps d'examiner profondément l'affreuse blessure qu'il a sous l'œil. Elle...

La corne retenti. Me dépêchant alors subitement de sortir mon téléphone de la petite poche qui le retient, j'ouvre l'icône "Appareil photo". A la lueur, je sourie face à la caméra et mémorise ce petit instant dans la carte mémoire de l'appareil. C'est la première photo que je fais! Je dépose un baiser sur son naseau avant de m'enfuir discrètement.

C'était mon jeu dans les rue avec les copines. Vu qu'on connaissait les quartiers comme nos poches, on s'amusait à raser les murs et faire semblant de se tirer dessus. Souvent, on avait des petites bandes, nous étions des espions et agents secrets chacun notre tour. Aussitôt après s'être jetées par terre car on avait reçu une fausse balle, on se relevait et recommençait à jouer dans le camp adverse. Mme Russel croyait bien finir par faire une dépression, lorsqu'il fallait nous appeler à travers la ville pour manger. Alors la plupart du temps, on sautait les repas dégoûtants que son mari nous cuisinait. Vous savez, les vieilles pâtées immondes.

A cette idée, la faim me vient, j'accélère le pas pour atteindre la salle à manger. Une délicieuse odeur de curry rempli mes narines dès que j'ai passé le seuil de la porte.

Parfois, je préférerai même recommencer un des repas dégoûtants de Monsieur Russel en rigolant avec mes amies que de passer un délicieux mais silencieux repas ici.

Anne a la bouche pleine, elle fixe Olivier, interrogative. J'ai bien remarqué qu'Adrien ne me lâchai pas des yeux. Je m'en amuse d'ailleurs de temps en temps, et je crois bien qu'il l'a remarqué. Je fais des gestes bizarres pour occuper son esprit, on aurait dit une psychopathe. Mais le simple fait de savoir que ça l'énerve me contente. C'est une manière de lui faire comprendre que je sais qu'il me fixe. Tiens, je lève majoritairement mon doigt d'honneur et le fixe m'essuyant le coin de la lèvre avec. Cette fois-ci, c'est celle de trop, il fait claquer sa fourchette contre son assiette et souffle exagérément.

- Tu as fini oui?

- Presque, plus que deux bouchées, et toi?

Prendre la peine de sourire sadiquement serait inutile, je savoure déjà énormément. Mon fort intérieur me félicite de la manière dont je viens de remballer. Je ne suis pas loin de me décerner une médaille.

- Je parlais de ton petit jeu, coupe-t-il sèchement.

- Je te retourne la question.

Je le souligne du regard, avant de piquer dans ma viande et l'enfourcher dans ma bouche. Rester la plus stoïque possible. Aucun des deux époux n'intervient, mais ils se doutent bien que ça ne va pas. Adrien ne répond pas, et se charge de s'excuser avant de replier sa serviette, la déposer sur la table, et monte à l'étage . Je reste de marbre, puis fini mon assiette.

Je le croise dans le couloir en remontant, il est bien habillé. Étrange: c'est la première fois que je le vois ainsi apprêté! Mais ce n'est qu'un abruti de première classe. S'il sort, tant mieux. Je n'aurais pas à le supporter le reste de la soirée. Quelques minutes plus tard, les fards d'une voiture s'allument et le moteur rugit. 


         Deux heures du matin: un bruit affreux dans le couloir me réveille, quelqu'un met réellement le bordel. Ah! Il n'y en a qu'un pour la faire, forcément...

Purée, il ne peut pas s'empêcher de frapper aussi fort des pieds? Une fille ricane à côté. Je rabats violemment ma couette au dessus de moi tandis que je tente de me rendormir en maugréant. Ils ne vont tout de même pas faire cela... juste à côté de moi?

Visiblement si... La voix féminine retenti partout dans l'étage, j'en suis presque sûre. Au moins, si le personnel est également réveillé, je ne serais pas la seule à pouvoir me plaindre. J'espère  sincèrement que ça ne va pas durer longtemps!

        Qu'ai-je dis... Une heure que les bruitages continuent à travers les bouchons à oreille que j'ai mis... Enfin, les deux heureux s'arrêtent, la respiration forte. N'osant même pas les imaginer, et j'échafaude tous les plans du monde pour faire payer à Adrien ce que je viens de vivre. Je lui ferai payer, et ça commence maintenant... Oh oui, je vais rire...

- Qu'une heure? Et ben...

Veillant à ce que ma voix sorte dans un son parfait, elle est sortie pile comme je le voulais. J'entends la fille chuchoter, mais la cloison est bien trop fine chérie...

- Il y a une autre fille derrière ce putain de mur?

- Oui oui, je suis bel et bien là, coupais-je.

Je me retiens de rire, tellement fière.

- Bouge pas, je vais régler ça.

Adrien n'a pas sa voix normale, je ne le reconnais presque pas. Ma porte de chambre s'ouvre en grand, et je le regarde en reprenant mon sérieux. Il ne prononce pas un mot qu'il s'approche de moi à vitesse affolante. Je suis malicieusement assise en tailleur sur mes draps. Mes yeux ne croisent pas son regard, mais sa main croise ma joue. C'est la surprise, qui transperce mon expression. Il repart aussi vite qu'il est venu, sans plus de jérémiades. Je porte ma main à ma joue, elle chauffe. Bon, d'accord, je l'ai peut-être méritée... M'enfin, de là à poser la main sur moi... Horriblement vexée, je n'arrive pas à m'endormir. Je ne peux tout simplement pas concevoir qu'il réagisse de cette manière.

FLASHBACK

  « - Ne t'inquiète pas, viens dans mes bras, on va surmonter ça ensemble.

- Mais c'est de ma faute! M'étais-je écriée en pleurant. »


Je chasse violemment ce douloureux souvenir et me lève après une heure de plus sans sommeil. A quoi cela sert de se forcer à dormir? Je sors dehors. L'air frais rempli sereinement mes poumons et libère un petit poids de mes épaules. Mécaniquement, je me dirige vers les écuries.

- Pssst, Azzaro!

Je ne vois rien, si ce n'est le reflet de son œil à la lueur de la nuit. Il ne me répond pas, sait-il seulement que moi, et moi seule peut entendre ce qu'il me dit? Le loquet neuf coulisse agréablement sous ma main.

" Je n'arrive pas à dormir, et toi? "

" Tu me réveilles. "

" Désolée, je peux dormir avec toi? "

" Oui, mais je vais me coucher pour éviter de te faire mal si je bouge. "

Il se laisse aller sur la paille. Je me blottis contre son corps tout chaud, cette sensation me fais un bien fou. Mes doigts décrivent des allers-retours sur son encolure calmement. j'ai l'impression de faire un bon en arrière de quelques années.

" Je ne comprends pas Adrien, il est bizarre. "

" Et toi tu parles à un cheval. " Se moque-t-il.

" C'est vrai, mais moi, je ne suis pas lunatique. "

La discussion dure, longtemps encore. Si bien que je finis par m'endormir, paisiblement.


    Des bruits extérieurs me réveillent, le soleil m'aveugle. Cependant, il réchauffe ma peau. Une ombre ne bouge pas à l'entrée de la porte. Je suis obligée de détourner le regard pour que mes yeux s'habituent à la forte luminosité. Mes frêles jambes sont presque nues, mon très grand t-shirt recouvre la moitié de mes cuisses. Je frissonne désagréablement, un petit courant d'air vient de passer.

- Bien dormi?

- Dégage.

- Il y a déjà quelques personnes dans les écuries, je te conseille de revenir à ta chambre avant que ça s'empire.

Je râle, mais ne daigne pas bouger. J'ai envie de lui balancer un "Rien à foutre" au visage, mais.. je ne suis pas assez bien réveillée pour mener la bataille maintenant. Il me fixe, depuis quelques minutes sûrement déjà. Premièrement, il m'agace, et deuxièmement, ça m'agace.

AzzaroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant