c.13: Comme un simple coucou

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Avouer mes faiblesses? Hors de question. Mais comment refuser une si belle offre correctement? Je suis minable, autant qu'Adrien en ce moment même.

- Je vais réfléchir, c'est difficile. Je n'intégrerai cette équipe qu'à une seule condition.

Toutes ces secondes de pur réfléchi tout ça pour protéger le petit intérêt personnel de madame, parfois je me sens un peu égoïste! Cependant, je ne peux pas accepter cette proposition sans savoir dans quelle crasse je mets les pieds. Adrien lâche un soupire d'exaspération afin de se faire remarquer, mais je sais très bien que cela voulait dire. Ce qu'il voulait surtout me dire. "Iris, je serais toi, je ne ferais pas ça!". Il a beau ne pas me regarder, il suit toute la conversation et je le sais très bien. Connard.

- Quelle condition ma grande?

Jusqu'ici, Philipe a paru sympathique, mais rien qu'à la façade que laisse voir Adrien de son père, j'ai cerné le type. L'image du père dur et influent, négligeant totalement son descendant. Mes parents, eux, n'étaient pas comme ça, j'en suis sûre.

- Je n'enchaînerai aucun parcours un autre dos que celui de mon cheval.

Ma phrase est ferme, dure et très claire. J'avais pile calculé mon ton et elle est sortie exactement comme je le voulais. Si Philipe n'accepte pas, alors je laisserai filer cette offre, comme un simple "coucou".

- Ah non! Rétorque le vieux personnage, impossible, tu concourras sur un cheval que je vais te prêter, déjà dressé et fait pour cela. La remise sur pied prendra moins de temps. En plus, je t'en ai fait préparer un par le groom de Pénélope Leprévost, il est magique!

Son ton n'est pas bien plus dur que celui d'avant, seulement, il me laisse clairement paraître qu'il n'acceptera pas ce que je lui impose, c'était pourtant assez clair, je l'aurai prévenu!

- Ok!

Il se satisfait de ma réponse en souriant, enfile ses mains dans ses poches. Je poursuis:

- Dans ce cas: ne comptez pas sur moi!

Le visage du père d'Adrien se glace, ses lèvres retombent immédiatement, il sort ses mains des poches. Je m'apprête à faire demi tour, mais une main bien plus costaude me retient et je retombe sur le visage de l'homme, cette fois à ma hauteur.

- Ecoute-moi, petite. C'est la chance de ta vie, saisis-la! 3000 par mois, le matériel te sera fournit, tu n'auras qu'à acheter tes propres vêtements. On te file un cheval a 70 000, tu pourras le mettre gratuitement chez tes parents, Olivier est un très bon coach. Les installations sont parfaites pour ton évolution. Tu feras ta réapparition sur des petits GP 120 au début, puis tu traceras ta route. Je me charge de tes engagements, de tous les frais, tu n'auras qu'à sourire et bien monter. Iris, tu es une cavalière qui mérite au moins ça. Les gens t'aiment, ils veulent te voir sur les podiums!

Il me secoue en serrant de plus en plus, comme pour me réveiller. Ce genre de chose a pour habitude de légèrement m'agacer, rien qu'un peu.

- Je vous ai dit non! J'ai pourtant été claire.

J'avoue, je suis une vraie tête de mule. Mais je tiens mes opinions et je ne me laisse pas si facilement marcher sur les pieds. Je fais demi tour mais la main serrant toujours plus fort sur mon biceps m'en empêche, elle commence a me faire mal. Je me retournes donc violemment et m'adresse a Philipe, sentant la colère monter et remplacer le sang froid que j'avais réussi à tenir jusqu'à présent.

- Mais lâchez-moi!

Il desserre la mâchoire et sa main en même temps, à mon grand étonnement. Je donne un méchant coup d'épaule pour bien séparer le contact et pars. Un vrai pot de colle! S'il est aussi lourd avec ses élèves qu'avec moi, je ne suis pas prête d'appartenir à son équipe.

"J'ai refusé."

Je marche, absorbée par mes pensées grossières sur ce personnage. Une nouvelle main de se pose sur mon épaule, elle me stoppe net dans mon élan et je la regarde avant de reconnaître l'odeur. Cette fois je me retourne de moi-même, ça fait du bien de commander ses mouvements, pour une fois! Je fais face à Adrien, les sourcils on-ne-peut-plus froncés. Vraiment, ce n'est pas le moment de me déranger. Surtout quand c'est la dernière personne que je désire voir au monde. Il sourit bêtement, voyant que cette technique a marché. Je lève les yeux au ciel et croise les bras en tapant nerveusement du pied.

- Je te ramène peut-être?

A mon grand soulagement, c'était exactement la phrase que j'espérai de sa part. Autrement, j'aurais explosé. Il me raccompagne donc à la voiture, je donne mon verre à un garde au passage et monte dans la voiture, encore toute contractée de ce malentendu. Premièrement, j'apprends qu'Adrien n'est pas celui que j'ai cru, et deuxièmement, je fais face à un personnage énervant.

Au bout de trente minutes sans qu'il ne cesse de sourire, je finis par exploser.

- Mais bon sang, qu'est-ce que tu as, a sourire comme ça?!

- Rien, tu m'amuses. Avec ton caractère de boudin, tu es bien la seule que je connais qui est capable de refuser une telle offre.

Son sourire m'énerve a tel point que j'ai une envie qui grandit depuis quelques minutes de le gifler. Encore deux secondes de plus de ce sourire et j'explose. Une, deux.

- Connard! Mais putain, tu vas arrêter de sourire?! Tu as vu dans quoi tu m'entraînes, avec tes conneries?! Ça fait quelques jours que tu me tapes sur le système, jamais j'aurais pensé que tu serais capable de me faire sortir de mes gonds! Je n'aime ni ton père, ni toi! Et ce baiser n'a jamais voulu rien dire! Ni pour toi, ni pour moi! Tu crois vraiment que je vais tomber sous le charme d'un débile pareil! Toi et ta famille, vous êtes tous des putains de connards!

Je n'ai pas tout vidé, mais je m'arrête, autrement, je vais en venir aux mains, et contrairement à lui, je sais contrôler mes gestes et mes nerfs. Ma tête bascule en avant d'un coup et la ceinture me retient, a deux centimètres de m'ouvrir l'arcade sourcilière. Un énorme bruit de dérapage retenti dans la nuit et Adrien me regarde droit dans les yeux. Je n'ai pas le temps de lui crier dessus qu'il me devance.

- Tu sais quoi?! Quand tu auras fini de m'insulter d'avoir voulu t'aider tu viendras t'excuser et peut-être que tu remonteras dans cette voiture! Dégage!!

Pardon?! Nous sommes en pleine autoroute et je dois "dégager" de la voiture? Mes nerfs sont tellement a fleur de peau que sans me faire prier je descends, claque la porte de toutes mes forces et passe par dessus la rambarde en fer. Si je pouvais ne pas me faire buter, ce serait pas mal. La Ferrari démarre aussitôt sur les chapeaux de roue. Je n'en ai rien à penser. Enfin si, tout. Je me mets seulement à marcher, en criant parfois de rage, en plantant un talon dans le fossé. J'ignore combien de temps de mettrai à rentrer, mais tant que je suis sans lui, ça me va. Cogiter pendant longtemps contre quelqu'un, ça, je sais faire. Mais sachant qu'il fait vraiment froid et que cette route est interminable, très vite, je le regrette. Un quart d'heure s'est écoulé et j'ai déjà mal aux pieds, l'herbe est mouillée et la bute me laisse juste la place de marcher le long de la barre de fer.  Trois voitures sont passées, mais aucune n'a songé s'arrêter. C'est vrai que de voir une fille marcher le long d'un autoroute en pleine nuit est quelque chose de banal. Je regarde mon téléphone, j'appelle Anne? Non. Je me débrouille, je ne suis pas l'idiote que je laisse apparaître.

" Azzaro? T'es réveillé?"

" Oui, quoi? "

" Adrien était tellement énervé qu'il m'a laissé sur le bord de la route, ça fait une demi-heure."

"Je t'avais dit qu'il était con sur les bords."

Je ris à gorge déployée. Venant de sa part, c'était plutôt excellent.

"Qui je serais sans toi? Rien."

"Je ferais tout pour toi Iris. J'arrive!"

" Non mais tu es malade! Non! Je vais me débrouiller. Tente une fois de t'enfuir et je ne parle plus."

Pour sa sécurité, il est bien plus préférable qu'il ne sorte pas des écuries.

Il est vingt trois heures, ça fait presque trois quarts d'heure. Autant dire et redire que je regrette de m'être emportée en voiture. Note personnelle: ne jamais laisser exploser ses nerfs en voiture. Surtout quand Adrien est au volant.

AzzaroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant