Azzaro

c.32: Etats de santé

Beaucoup de monde aime la routine des matins habituels chaleureux, mais pas moi. Avoir une vie qui bouge, ça, je sais faire. Pourtant, aujourd'hui a été la même journée qu'hier. J'y pense parce que nous en sommes au dessert du dîner, et qu'à part le menu, rien n'a changé. Adrien et moi parlons de demain. Demain, nous allons devoir mettre nos sentiments de côté et opter pour le jeu d'acteur auprès de Tyler et Lou. Mon plan diabolique de vengeance bouille avec mon petit diable sur l'épaule.

Le repas fini, nous montons dans nos chambres. Pendant que je me douche, je sens mon nez se remplir et je ne peux plus respirer, par réflexe je renifle, mais c'est un désagréable goût de sang qui rempli ma gorge. Brutalement je crache et souffle fort, pire qu'avec mes règles, une énorme vague de sang parcours mon corps avec l'eau et s'évacue dans le trou. Rebelote, ce cinéma dure pendant les quatre dernières minutes de ma douche, après laquelle je sors en me précipitant sur l'évier, en continuant de souffler, haletant.

Des trois heures pendant lesquelles mon nez a de nouveau saigné, je n'ai pas entendu Adrien. Si bien que j'ai décidé d'aller voir dans sa chambre si il était là. J'ai entrouvert tout doucement, et effectivement, il n'y était pas. Je suis alors allée voir Boy, toujours pas endormi à cause de Jackpot...

- Salut, tu sais où est Adrien, il n'est pas dans chambre?

Le garçon en face de moi fait mine de réfléchir, puis me répond:

- Il m'a dit qu'il rentrerait vers deux heures du mat, que je ne devais pas m'inquiéter au cas où il ne rentrerait pas de la nuit. Mais non, je ne sais pas où il est!

Je le remercie et referme la porte, au nez du chiot enragé. Je file à pas de velours dans le couloir et rentre dans ma chambre discrètement. Ma petite chienne m'accueille avec sa queue décrivant des ronds et je la prends dans mes bras en lui faisant un câlin, celui qu'elle me réclamait pendant toutes ses heures où mon nez n'a pas arrêté son cinéma. Vu l'heure, il est largement temps que je me couche, si je veux pouvoir me réveiller demain, de bonne humeur précisément. Je fais quand-même un dernier effort pour sortir la petite boule de poils faire faire ses besoins avant d'aller me coucher. Mais avant d'éteindre la lumière qui éclaire faiblement le petit corps endormi de Scoub dans son panier, j'envoie un message à Adrien.

" Tu peux crever pour que je fasse les corvées à ta place demain, sur ce, bonne baise! "

Je ferme mon téléphone après avoir relu le dernier message de Lou pour m'assurer de l'heure demain et m'endors. RDV jeudi à la place de Quimp Chez Rémi à 12h. Adrien n'a rien à faire chez sa copine, le soir même où il doit être en forme pour le lendemain, je suis sadique. Oui, je compte bien lui en faire baver toute la journée, et ce, parce qu'il n'a pas normalement le droit de faire le mur, au moins je ne l'aurai pas dans mes pattes les prochaines nuits! Hahahaha...

C'est le grincement d'une porte qui me réveille, la lumière du jour est déjà levée, et quand je regarde l'heure, je m'aperçois que j'ai loupé le réveil. Je me dépêche de m'habiller avant de visiter les notifications de mon téléphone, j'ai un message.

De: Adrien: " Salope, moi je l'ai fait hier matin! Ne dis rien s'il te plaît, j'ai pas très envie de me faire virer :( "

En tant normal je me serai faite une joie de le dire à Olivier ou à Anne, mais je dois me mettre à l'évidence, sans lui, je m'ennuierais à mourir, et ce à longueur de journées. Tiens, tant que j'y pense, dans une semaine, c'est la rentrée des classes pour Lou, mais moi je ne suis plus scolarisée depuis un an, depuis ma dépression. Ce serait chouette de voir Boy faire sa rentrée, le proviseur l'appellerait par son vrai nom, quoi que, oh et puis, je ne sais pas. Je finis de me brosser les cheveux, les attache et descends aux écuries, accompagnée de Scoub. J'ai déjà l'impression qu'elle grandit, c'est affreux, j'aimerais la garder bébé toute sa vie! Dans la salle à manger, j'y retrouve Adrien, qui buvait son habituel café accompagné d'un peu de lait en bouquinant tranquillement un magasine dans lequel posait son actrice préférée, c'est en voyant deux trois photos d'elle, très dénudée, dans sa chambre la dernière fois, que j'avais compris.

- Salut.

Il m'a parlé sans même détacher un centième de secondes son regard du bouquin, sympathique.

- Salut.

- A onze heures trente je t'attendrai à la voiture, OK?

Cette fois, il l'avait posé et maintenait sa tasse bouillante dans sa paume gauche avant d'avaler une gorgée. Je hoche la tête sans même prendre le temps de répondre et m'assois pour manger mes tartines en silence. Lui non-plus ne parlait pas, et ce silence m'agaçait. Alors j'ai décidé de prendre la parole.

- J'ai vu ta "copine" hier, très sympa le personnage.

Je ne sais pas pourquoi mais le "très sympa le personnage" avait été rajouté exprès pour l'inciter à me parler, ou même répondre.

- Cool.

Moi aussi je t'adores, tu pourrais juste me dire si tu lui a dit pourquoi je n'avais été sélectionnée aussi, tu sais. De toute manière, si tu lui as dit, je t'écrase la tête sous le sabot d'Azzaro. Faut que j'arrête avec mes menaces pourries. Iris, refait l'inventaire, et vite!

- Elle t'a...

- Invité dans son lit? Ouai.

Son ton était sec, l'air de vouloir me dire "ferme la", mais je ne compte pas lâcher l'affaire.

- Non ça je sais, merci. Je te parle d'une question sur moi.

- Ah, tu veux dire le truc avec mon père là? Ouai, mais je ne la laisserai pas côtoyer mon père, hors de question qu'elle le découvre.

Le sablier du sang froid se retournes et je prends une grande inspiration, l'air de dire que ce n'est toujours pas ça, je continue, plus clairement.

- Mais non mais tu comprends rien! Elle m'a menacée de te faire dire pourquoi je n'avais pas été sélectionnée, pour une partie au lit.

- Oh la pute.

Ça pour le coup, tu peux le dire! Ta petite amie a l'air d'être une pute de première, mais pas que!

- Dis-moi que tu ne le lui a pas dit...

Il affiche une tête horrifiée, gênée et à la fois réfléchie.

- Désolé Iris, je suis vraiment trop con...

- Quoi?!

J'ai limite crié, de stupeur, je rêve où il est clairement en train de me dire qu'il m'a trahie? Peu étonnant, de toute façon, il est et restera un connard. Tellement infidèle qu'il est impossible de pouvoir compter sur lui. Moi aussi, je pourrais bien lui dire à cette jolie blonde qui était son père, elle en serait très heureuse!

- Mais non je ne lui ai pas dit on se détend! Par contre, la prochaine, évite de crier partout dans le manoir.

Très drôle, bravo pour la blague Adrien, je suis morte de rire. Tu devrais te lancer dans l'humour, vraiment. Bouffon. Il se fou de ma gueule en plus! Bouffon. Il est actuellement en train de rire, ce bouffon. Ça va que son café est extrêmement bouillant parce qu'autrement il aurai atterrit sur son t-shirt et son pantalon, voire ses cheveux bien coiffés.

- Bon, reprend-il, je crois que je peux faire semblant de sortir avec toi, vu mes talents!

C'est la seule que j'ai faite:

- Va te faire foutre!

J'ai peut-être tapé un peu fort dans son épaule, parce qu'il se malaxe.

- Hey! Je ne te trahis pas et la seule chose que tu fais pour me remercier c'est de me frapper! Pas très sympa! Je voudrais plutôt un bisou!

Je lève un sourcil, l'air de dire qu'il aille plutôt le réclamer à sa copine.

- Même pas en rêve.

- Aller, pour s'entraîner.

Ah la blague, il n'a pas trouvé mieux comme excuse?

- Va t'entraîner sur ta pute. Mmm, fais-je en léchant ma cuillère, j'espère qu'elle n'a pas pété de câble en apprenant la nouvelle?

J'enfile en vitesse ma dernière bouchée de tartine pour ne pas avoir à lui répondre.

- Non mais nous! Et... Elle n'est pas au courant.

- Mmm.

J'affichais une tête qui voulait dire la même chose que la dernière fois que j'avais ouvert la bouche, il laisse donc tomber son bisou. Puis en plus, si c'était pour tourner la tête au dernier moment comme hier, même pas en rêve!