c.30: Qui dit chiot dit bordel

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Je souffle et me relève pour lui faire un bisou, SUR LA JOUE. Il s'est baissé et me la tend en me la montrant du doigt, le sourire aux lèvres. Comme promis, je m'avance, et au moment où mes lèvres vont toucher sa joue il tourne la tête, classique. Je finis par le smacker involontairement. J'aurais dû le prévoir, celui-là. Iris, tu est une bien pauvre cruche.

- Bouffon.

Je me retourne et prends le filet dans mon casier, pour lui cacher que je souris, de gêne.

- Je croyais que je n'étais pas un bouffon, ni un innocent.

- Ok, un bel enfoiré.

J'installe le filet dans la bouche d'Azzaro et Scoub couine. Elle fini par aboyer, ah ça, non! Je passe la tête par dessus la porte examiner la petite bestiole, appuyée en hauteur, les deux pattes sur le bois de la porte. Je souffle, elle aboie encore une fois en me voyant.

C'est après deux minutes de cinéma que je la libère sous la promesse de surveillance d'Adrien.

- Merci beaucoup. Bon, j'en ai pour une demi-heure, ça t'ira?

Bien que je lui fasse confiance, Scoub est loin d'être facile à vivre, et une demi- heure pourrait se révéler être un vrai calvaire! Je monte, Scoub me suis, sous les yeux d'Adrien.

- Tu comptes faire quoi et où?

Perdue de ma concentration sur le plan de ma séance, je baisse les yeux vers l'enfoiré qu'est Adrien.

- Ça ne te regarde pas.

Il se trouve que je n'en ai parlé à personne, mais il y a quelques jours, j'ai repéré un très bon champ pour travailler tranquillement, à l'abri des regards. C'est là que j'avais prévu toutes nos futures prochaines séances afin que je revienne sur la carrière - si j'en ai le courage - en ayant l'air de quelque chose. Malgré le fait que toute l'honnêteté et toutes les qualités dont l'on me gratifiait quand j'étais sur Scoub aient disparues, il me restait encore de la fierté, chose à laquelle Iris Joy ne renoncerait jamais, c'est source de bonté et de gentillesse. Avez-vous seulement déjà vu une cavalière arriver sur une piste de concours morte de trouille, recroquevillée, sachant à peine gérer son cheval? Moi non, cela s'appelle la fierté, et ce n'est sûrement pas moi qui vais la perdre.

Je vois distraitement Adrien prendre la petite chienne dans ses bras, qui commence à s'agiter. Sur le chemin j'ai croisé Lou, elle ne m'a pas adressé la parole, elle s'est simplement contentée de me regarder m'évader.

La séance a duré quarante minutes, je suis sur le chemin du retour, Azzaro transpire beaucoup, il a donné tout ce qu'il pouvait faire, j'avais beau le laisser se reposer quelques minutes après chaque exercice, son souffle doit absolument s'améliorer rapidement. Ce qui m'inquiète le plus en ce moment, c'est comment je vais retrouver ma chienne; en vie? écrasée? fracassée? calme? Il faut dire que dû à son comportement de chiot de deux mois, je ne peux pas vraiment prédire ces quarante minutes. Je flatte une dernière fois la belle encolure luisante de mon étalon noir avant de lui souffler quelques mots doux que lui seul peut entendre. Je constate que même par la pensée, les chevaux ne sont pas très bavards, enfin Azzaro, du moins.

C'est à la douche que je retrouve Adrien, en train d'arroser un tout petit poulain. Mais c'est quand je reconnais l'animal trempé qui me saute dessus d'un coup, qu'un cri aigu sort de ma bouche, avant de reculer vivement, mouillée à mon tour.

- Scoub!!!

Je ne sais pas si je dois rire ou faire la gueule, mais quand je vois le sourire naturel du beau gosse qu'est Adrien je ne peux pas m'empêcher d'en rire. Mais attends, depuis quand cet homme me charme? Iris! Reprends-toi, et vite. Il finit par me libérer le jet, après que je me sois d'abord assurée qu'un nouveau filet d'eau ne m'arriverait pas dessus dans les dix prochaines secondes.

Je suis assise en tailleur sur mon lit et je caresse Scoub, dans mes pensées. J'allume mon téléphone pour vérifier l'heure: vingt et une heure trente sept. Je souffle, mon chiot s'est endormi sur mes jambes, et je n'ai aucunement le courage de la porter jusqu'au panier.

Scoubidou. Je revois sa bouille d'ange sortir du box au sifflement quotidien, je me revois dans le bureau de ma monitrice, réglant les arrangements de pension. L'orphelinat pourri n'avait évidement pas les moyens de me payer une pension, je m'étais démerdée pour bosser trois jours par semaine là-bas, me permettant de la garder, j'étais débrouillarde. Je la revois trotter et galoper comme une dingue avec sa meilleure copine de pré. Je me souviens de la première victoire à laquelle elle m'a fait voler au septième ciel. Ce sceau plein de bave, je le laissais tout le temps au casier par pure flemme de le laver. J'avais pour habitude de graisser mes affaires autant de fois qu'on vermifuge un cheval dans l'année, même avec trois doigts coupés, on pouvait en faire le nombre sur sa main. Ce fer qui grinçait souvent fin de ferrure, ces départs au galop de malade quand on se faisait la course avec les copines, les poils qui collent au pantalon après être monté à cru. Évidement, tous ces souvenirs remontent, je pense que j'avais appelé ma chienne comme cela pour ne pas oublier, ne pas oublier cela. Une petite larme vient descendre ma joue gentiment, puis déferlement. Je résiste au reniflement, qui pourrait attirer l'attention d'une certaine andouille. Quand je sens que ça coule au niveau du nez, à force de ne plus respirer par ici, je me lève immédiatement et m'enferme dans la salle de bain. En vitesse, je m'empresse de mettre une grande pression qui fait tout descendre dans l'évier, dégueulasse. Répugnant. On aimerait tous ne jamais avoir à parler de ce moment, mais nous l'avons à peu près tous vécue, l'histoire du nez qui coule... Sauf que là, ça semblait bien différent. Quand j'ai baissé la tête pour voir l'évier, ce n'est pas de la morve que j'ai aperçu, enfin si, mais pas que, elle était accompagnée de bien plus de sang que cette composition. Heureusement, je peux accuser la chaleur accablante qui a plombé aujourd'hui sur la région; 35 degrés, si ce n'est plus! Deux à trois claquements à la porte font que je me fige.

- Iris? Ça va?

Mon nez coule encore plus, mes larmes ont soudainement disparues, mon cerveau était à présent occupé par de toutes autres choses, dont premièrement mon nez qui coule, alors que jusqu'ici je n'avais jamais saigné du nez. La voix, c'était celle d'Adrien, même Boy ne s'inquiéterait pas pour si peu.

- Je t'ai entendue courir et claquer la porte de la salle de bain, réponds-moi!

- Oui oui, t'inquiète. Dors, je vais bien!

Un murmure "OK" atteint à peine mes oreilles avant que je ne préoccupe à nouveau de mon nez.

Soirée affreuse. Heureusement pour moi, Scoub n'a pas cherché ce soir, elle s'est étalée dans son panier comme une petite fille sage et ne s'est pas réveillée une heure après, alors que je coulais anormalement du nez. Bon sang mais quand est-ce que ça va s'arrêter?! Une heure, bordel!

Une heure quarante du matin. Mon nez vient enfin de s'arrêter de saigner! Quatre heures que ce foutu organe saigne, même si j'ai visité à peu près tous les sites internet et les saignements, aucun ne dit que c'est normal de saigner autant, je désespère.

AzzaroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant