Vers quinze heures, un gros coup de mou me prend. Je décide donc que j'en ai assez fait pour aujourd'hui, et repars direction de la voiture, accompagnée d'Adrien, portant tous deux des tonnes de sacs. Jamais je n'aurais pensé prendre goût à Gucci, Dior ou Balenciaga.
Le trajet du retour semble plus long qu'à l'aller, sans doutes parce que je suis impatiente de tout déballer. Faire les magasins déclenche chez tout le monde cette petite euphorie, bien connue pour ses conséquences financières.
- Merci.
Alors que personne ne parlait, Adrien a rompu le silence, mais j'avoue ne pas comprendre, venant de lui. A la limite, en tant que bonne fille, j'aurais pu le remercier, mais je n'allais pas le faire, alors pourquoi lui le ferait?
- Merci pour quoi?
Au contraire, je lui en ai fait carrément baver. Je sais que les garçons détestent accompagner les filles faire du shopping.
- Pour cette journée. Sans toi, je me serais fait chier à réparer cette foutue porte et à surveiller Azzaro toute l'après-midi pour m'assurer qu'il ne fait rien à son box, ou même, j'aurai dû curer les box toute l'après-midi, ou balayer encore et encore l'écurie, sortir les chevaux, arroser la carrière, la lisser, installer les barres des obstacles... Donc merci, je ne sais que tu ne m'aimes pas particulièrement et tu as quand-même été sympa avec moi!
Chef, mission échouée: faire chier Adrien au plus au point n'a pas été accompli! Je souris tout de même en songeant à ce que je vais lui répondre narquoisement.
- Il y a deux heures tu m'assures que tu arriveras à me faire tomber amoureuse de toi, et maintenant, tu me dis que tu sais parfaitement que je ne t'apprécies pas. Il faudrait savoir!
Il rit doucement en acquiesçant. Il est bizarrement devenu doux: c'est... étrange? Le reste du trajet se fait silencieux, mais quand nous débarquons sur le parking, Anne et Olivier accourent.
- Oh mon dieu, vous êtes vivants! Adrien, je t'ai appelé une dizaine de fois et tu n'as pas répondu! J'espère qu'il ne s'est rien passé, vous avez mangé au moins? Adrien, tu as des heures de travail, je te rappelle!
Anne est dans tous ses états, et nous serre tellement fort que je ne respire plus. Quand elle me laisse reprendre mon souffle, je prends la parole.
- Nous avons mangé au restaurant quand on a vu que nous n'avons pas eu le temps de tout faire, mais j'ai acheté un téléphone et des nouveaux habits!
Je lui annonce cela comme une gamine heureuse d'avoir une nouvelle peluche. Et puis au fond, c'est bien ce que je suis un peu.
- Adrien, tu aurais quand-même pu prévenir, gronde gentiment Olivier.
Je prends la parole avant qu'il n'ait à se justifier.
- C'est moi qui aurait du prévenir, j'avais cette idée en tête. Je l'ai retenu, il n'y est pour rien.
Ce n'est qu'après lui avoir adressé un maigre sourire que je réalise la gaffe que je viens de faire: je l'ai couvert. Après tout: on est quittes, maintenant. L'affaire conclut, je monte dans ma chambre, tandis qu'il va réparer la serrure d'Azzaro. De mon côté, j'installe toutes mes nouvelles affaires dans l'armoire.
Après avoir fini mon déballage, je constate que je n'ai même pas rempli plus de la moitié. Vraiment immense, cette armoire. Je m'amuse à configurer mon téléphone un peu au hasard, cachant ma honte au fait que je n'y connaisse pas grand chose, et entre le numéro d'Anne en lui envoyant un message, elle m'avait tout écrit sur un pense-bête en ardoise pendu au mur. J'entre également le numéro d'Adrien et celui d'Olivier.
Le soir, après le dîner, une fois tout le monde couché, je descends dans la cour faire connaissance avec ce mystérieux cheval, il m'a titillé l'esprit toute la journée. Je passe donc les écuries, le manège, les carrières, pour visiter un peu, avant de m'arrêter devant son box. Il est écrit "Azzaro" sur la plaque. Alors c'est lui, le redoutable?
- Salut mon grand. Alors comme ça, tu es un infernal? Un peu comme moi, je dirais!
Je souris en voyant qu'il m'accorde son attention. Ma main caresse distraitement sa cicatrice, qu'a-t-il bien pu lui arriver? Ayant remarqué une pomme, je sors du box, en attrape une dans le pommier d'en face et en rentre à nouveau dans le box, près de lui. Au lieu de la prendre, Azzaro se plaque au mur du fond, effrayé. En examinant l'objet de plus près, je finis par me rendre compte qu'elle brille à la lumière de la lune, comme un couteau. D'un geste doux et précis, je la déplace de quelques centimètres de façon à ce que les rayons ne l'atteignent plus. Replié au fond de son box, il n'ose plus bouger. Il a peur de ma silhouette noire et de la pomme qui brille comme une lame. Ces symptômes ne montrent pas généralement un passé très heureux. A moins que je ne sois face à un grand peureux! Je croque alors dedans. Sacrément juteuse dis donc, celle-ci. Le bruit l'attire comme l'apparition de Dieu, il redresse immédiatement ses oreilles. A nouveau, je lui propose la pomme et cette fois-ci, il la prend.
- Qu'est-ce que tu fais?
Je sursaute. Un frisson parcours mon corps tout entier avant de me retourner. La silhouette d'Adrien se dessine à travers les rayons de la lune.
- J'épluche des patates. Tu m'as fait peur, bouffon!
- Oh, j'ai fait peur à madame! Je répète ma question, qu'est-ce que tu fous dans le box d'Azzaro? A 22h?
- Je te l'ai dit: j'épluche des patates.
On parlait à voix basse, comme si quelqu'un allait nous entendre. Je cogne son épaule en partant brusquement vers ma chambre, histoire de mettre les choses au clair entre nous. Et de le provoquer, aussi, j'avoue.
- Oh! Reviens!
Cette fois il crie presque, je m'immobilise et me retourne en soufflant.
- Attends-moi, ajoute-t-il.
Il fait deux pas en arrière pour refermer la porte du box, j'en profite pour filer en courant. L'avantage, c'est qu'à force d'être à la bourre au lycée et de faire mes footings tous les matins, je commence à être sévèrement bien entraînée! Une fois au premier, je marche tout doucement pour ne réveiller personne. Anne m'a confié que le personnel dormait au bout du couloir, à une cinquantaine de mètres de nous. Je ferme à double tour et souffle un coup.
Au bruit qu'il a fait, je devinais qu'il était à une dizaine de mètres derrière moi, et qu'il ne pourrait donc pas me rattraper.
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Azzaro
Fiksi UmumLes riches, non merci. Alors se faire adopter par un couple typé ultra-riche, c'est le comble. S'ajoutent à cette mascarade un garçon insupportable et un cheval... étrange. #1 dans la catégorie Chevaux, dans la catégorie Animaux et Cavalière ~ Co...