c.59: Voleurs en herbe

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Affolé, Azzaro piaffe et trotte. Enfin, la fourgonnette s'arrête et j'entends le déclic de la portière du passager. C'est le moment de faire vite, très vite ! Il se colle à nouveau contre le métal et j'ouvre la porte. Savane est attaché, et un troisième homme le tient, pour l'empêcher de bouger. Quand il voit son copain, il explose les attaches et descend à côté, mais le temps presse, les hommes nous ont repérés. Les deux chevaux démarrent alors sur les chapeaux de roue, j'ai peur.

- EH!!

PAN PAN PAN !

Merde ! Ils tirent ! Vu la vitesse à laquelle les deux amis continuent, ils nous ont ratés. Oups, j'ai parlé trop vite. Aucun des deux chevaux n'est en effet touché, mais moi, mon bras droit me fait mal, pas aussi mal que quand je vois les gens se plier en deux dans les films, mais je le sens. Il y a encore quelques coups de feu après, mais aucun ne nous atteint.

"J'ai entendu qu'il y en avait un qui s'appelait Bob, si ça peut aider."

" Merci Azzaro."

Enfin, les lumières de la cour dorénavant éclairées nous accueillent. J'oblige donc Azzaro à ralentir une fois en sécurité, sur le parking. Savane trotte derrière et Scoub accoure vers nous. Boy et Anne sont dans l'écurie, blancs comme des linges.

- Mon dieu !! Vous êtes sains et saufs ! J'ai entendu les coups de feu! Scoub t'as suivie! Et c'est quoi ce désastre ? Qu'est-ce qu'il s'est passé bon sang ?

Anne tremble comme une feuille, Boy lui, récupère Savane, trempé de sueur. Je descends et explique toute la scène en détails. J'ai bien vu que pendant mon récit, son regard s'est arrêté net sur mon bras, mais elle ne m'a pas coupée. Elle acquiesce à la fin en prenant mon visage entre ses mains. Je n'ai pas manqué de réciter par cœur la plaque d'immatriculation. La sensation est bizarre.

- Sais-tu au moins quelle heure il est ?

- Non.

- Sept heures.

- Et alors ?

Je ne vois absolument pas le rapport, cette femme est bizarre, je vous l'ai déjà dit.

- Ils ont bien choisi leur heure, ces malins. Tu dis qu'il y en a un qui s'appelle Bob ?

Je passe l'interrogatoire, je passe aussi la police et leur enquête, je passe l'embarras que j'ai eu à trouver une explication potable au démolissement de la porte de l'écurie, je passe également la tête qu'à fait Adrien quand je lui ai raconté ce qu'il avait raté, et je m'arrête aux géants yeux noisette de Lou, quand j'ai fini d'expliquer la récente scène. Elle me saute brutalement au cou et me remercie grandement. Bon, je ne comprends pas exactement comment elle fait pour changer de sujet en quelques secondes mais elle l'a fait.

- Il y a une compétition de CSO dans ton ancien club dimanche prochain, ça te tente ? Je sais que c'est risqué pour toi mais si jamais tu veux bien...

- Hors de question, mais t'es complètement tarée ! Jamais de la vie.

A la place, j'ai engagé une compétition dans un autre club, pour le même dimanche. J'espère que d'ici là, mon bras sera complètement rétabli. En fait, la balle m'a éraflée, mais elle ne s'est pas arrêtée dans la chair. C'est déjà ça ! Cependant, je n'ai pas oublié de raconter à la police l'événement précédent, agressées toutes deux par un homme munit d'une tronçonneuse, au même endroit dans le chemin. Ils n'ont pas pris cette précision à la légère. Ils ont conseillé à Olivier et Anne de fermer à verrou le grand portail noir et d'installer un autre portail au niveau du chemin. Ce qui les a surtout retenus, c'était pourquoi Savane, et pas un autre cheval. Il y en a dans cette écuries qui valent une petite fortune de plus. En tout cas, Adrien et moi avons été chargés de nous rendre en ville acheter tout le matériel nécessaire, y compris une nouvelle porte de box pour Azzaro, et celle de l'écurie. Pour le moment, on se chargeait de pailler les box. Mon téléphone vibre dans ma veste. J'arrête ma tâche et sors le cellulaire du tissu.

Inconnu:

" Coucou, c'est Sylvie. J'ai match de tennis dans deux jours au César a 14:30, tu es conviée avec grande joie! "

Mes doigts pianotent une maigre réponse.

Moi:

" Compte sur moi. "

- Qu'est-ce que c'est long de pailler un box en entier ! Pourquoi on doit le faire si souvent ? On pourrait leur apprendre à faire dans des toilettes et on aurait juste à passer tirer la chasse ! Tu ne trouves pas ?

Je ne réponds rien, les idées que commente Lou sont toujours trop farfelues. Je ne sais que trop combien elle déteste particulièrement faire les box, et quand je pense qu'elle a dû le faire sans moi hier, je ris de la manière avec laquelle Adrien lui a sûrement mis une claque ou cloué le bec. Elle doit aimer ça : se plaindre. C'est pourtant malheureusement l'unique défaut que je vois chez Lou, elle est parfaite. Anne m'interpelle, de l'extérieur du box. J'essuie alors mon front et pose la fourche que j'ai dans les mains pour la rejoindre.

- Pas trop fatiguant ?

- Non, j'ai l'habitude !

- Enfin bon, je ne venais pas pour ça, c'était pour te dire que j'ai contacté la mairie, nous avons rendez-vous demain a vingt heures. Nous allons dîner avec le maire dans l'hôtel le plus chic de la ville, je n'ai pas choisi ! Tache dont de bien t'habiller, c'est un bel atout. Tu es toujours avec moi ?

- Super ! Compte sur moi, donc on se donne rendez-vous prêtes sur le parking à dix-neuf heures trente ?

Elle hoche la tête et s'en va comme si elle n'était ni vue ni connue. De mon côté, je rigole de notre plan et retourne prendre la fourche que j'ai laissée dans le box.

- Alors?? C'est quoi ce rendez-vous ?

- Je n'ai pas le droit de le dire, alors je ne te dirai rien ! N'essaye même pas.

Je l'entends souffler exagérément exprès, puis continuer en se plaignant toujours et encore.

- Mais tu vas la fermer à la fin ! On a compris !

Je rigole, Adrien est en train de perdre patience. Je vérifie ma montre, oui, depuis qu'Anne est partie, elle n'a cessé de l'ouvrir pour dire tout et n'importe quoi. Cela fait donc exactement vingt-cinq minutes qu'elle continue son monologue, je peux comprendre la réaction du garçon qui n'a pas l'humeur de supporter des plaintes deux jours d'affiler durant plus d'une heure.

Enfin, lorsque le dernier box de la dernière allée est fini, Lou ose se plaindre une dernière fois en posant la brouette dans le fumier.

- Ouf ! Qu'est-ce que c'est long ce boulot de merde !

- Ça ma cocotte, c'était celle de trop.

Adrien crie de rage et empoche le ridicule corps de Lou. Il plane un petit temps avant de s'aplatir lourdement dans le fumier. Adrien se jette sur elle et l'asperge de paille et de crottin usés. Il ne manque pas de lui faire un beau shampoing au passage, ce qui déclenche son énervement suprême.

- Salaud ! Je les ai lavés ce matin ! Oh toi, tu vas voir ce que tu vas voir...

Elle prend quelques boules de crottin frais pleine main et lui envoie de toutes ses forces. Touché, coulé, le visage d'Adrien est noircit. Elle s'étonne elle-même de cet exploit.

- Iris ? Tu veux m'embrasser ?

- Non merci !

- Si si !

- Nooonnnn !!!!

AzzaroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant