Azzaro

c.45: Soirée

Dix-sept heures cinquante: Je regarde mes ongles: c'est la première fois que je porte ce genre ce genre de chose. J'ai dû passer mes doigts sous une machine avec une lumière bleuâtre, et j'ai l'impression qu'ils pèsent chacun cent grammes est trop bizarre. Je rigole même quand je sors mon téléphone pour répondre au message d'Adrien. Parce que oui, il me harcèle depuis que je suis partie, pour savoir si je vais bien... Un coup d'œil rapide à mon reflet par le biais de l'appareil photo, mon visage s'est transformé. Mes cheveux sont plus courts, composés de belles boucles aboutissant légèrement en dessous de mes épaules, vingt infinis centimètres sont tombés, j'ai cru pleurer... Mais ce carré me va à ravir! Mon maquillage est parfait, il ne reste plus qu'à retourner chez Lou poser toutes nos affaires et nous habiller.

Pour ma part, j'ai opté pour une superbe robe violette en velours, moulante avec de longues manches sur le haut du corps et descend en ondulés réguliers, au niveau de mes genoux. J'ai intérêt à la porter, vu le prix qu'elle a coûté. Quoi qu'il en soit, cet achat reste un réel coup de cœur!

Je regarde Lou de haut en bas, elle est superbe. Comment un abruti comme Tyler a pu en choisir une autre? Il doit avoir des problèmes de vue, c'est peut-être ça. Elle porte une robe blanche composées de jolies petites fleurs imprimées, roses ou bleues ciel, ou encore vertes et fauves.  Ses petits talons de bois entourés de paille tressée la surmontent un peu, elle arrive à ma hauteur. Elle a laissé ses cheveux blonds naturels descendre jusqu'à son fessier et ses yeux sont tellement délicatement maquillés qu'on dirai une sainte. Elle est réellement superbe... Quand je me regarde dans le miroir, la seule réjouissance que je peux avoir, ce sont les formes de mon corps. Je ne peux pas dire que je suis moche, beaucoup de gens disent le contraire, mais je ne m'apprécie pas forcément, je ne me trouve pas, et j'en suis lassée. Je me contente de souffler et de rejoindre donc la penderie grande ouverte de mon amie pour choisir le fameux gilet.

- Prête?

Je prends mon courage à deux mains, en regardant la géante et moderne maison de son amie, dont je ne connais même pas l'adresse, d'ailleurs. Je lâche celle de Lou et lui souris comme elle l'aurait aimé, avant de faire un premier pas. Elle revient rapidement à mon niveau alors que je me sens toute petite, de plus en plus petite. La porte est grande ouverte et la musique se fait entendre de très loin déjà, mais son jardin est assez grand pour couvrir les voisins des bruits parasites de la fête. J'entre, avec pour belle vue les cheveux de Lou ne me laissant pas admirer son dos. Elle se retourne au bout de quelques secondes, quand une fille l'accoste. La musique est tellement forte que je ne les entends même pas discuter. Sourde, je tape la bise a une fille bien plus petite que moi, et Lou me hurle à l'oreille:

- C'est Flore, celle chez qui tu es!!

Je hoche la tête et me contente de faire bonne mine devant elle. Je cris que l'endroit et superbe, et je lis entre deux coupures de lumière rouge un "merci" sur ses lèvres. Cet endroit est géant! Je vois que la foule est déjà nombreuse et que quelques ados dansent sur la piste avant même qu'il ne soit vingt et une heure.

Je sens une main se glisser dans la mienne, sous l'effet je me retourne vivement, avant de m'apercevoir que ce n'est que Lou qui me montre du doigt le géant buffet, non loin de là. Je rigole à cette idée et me dirige à ses côtés vers la nourriture appétissante, composée de toutes variétés. Je m'empiffre de chouquettes avant d'accepter un verre de champagne de la part d'un garçon au service, plus âgé de moi. Il semble heureux d'être là, à distribuer des verres. Comme quoi, il faut de tout pour faire un monde.

Rapidement, une troupe de trois garçons nous approche. Je dois avouer que je les ai remarqué me fixer depuis que je suis là, mais je n'ai rien dit. Lou rit en les voyant et fais la bise aux trois garçons avant de me les présenter. Elle crie que ce sont des garçons avec qui elle traîne au lycée, qu'ils sont très sympathiques. Je devine aisément à la moue qu'ils font en me regardant que Lou leur a dit que j'étais en couple. Dommage pour eux!

- Ben dis donc! Il doit vraiment te faire confiance pour te laisser aller à une teuf toute seule!!

C'est le plus grand des trois qui s'est adressé à moi, dans mon oreille. Je ris, parce que oui c'est vrai, je ne le réalise que maintenant. Adrien me fait réellement confiance, alors que moi, je l'interdit d'aller en soirée sans moi, et je n'ai jamais acceptée une seule invitation qu'il m'a faite, mais il respecte mon choix. 

- Oui! Et toi, t'es en couple?

Je l'entends ridiculement me rire au nez avant de déclarer d'un virement de tête que non.

- Tu es au courant pour Tyler et Lou? J'ose demander.

- Non!! Quoi?

- Il l'a trompée!!!

Je suis obligée de crier fort pour m'assurer de ne pas avoir à répéter. Je vois son visage passer du rire au sérieux en deux secondes et il m'abandonne pour foncer sur son amie. Je les vois partir à quelconque endroit et je me retrouve seule avec les deux autres garçons, dont je ne connais plus le nom.

- Elle nous a dit que t'avais été adoptée il y a quelques mois, c'est dingue ton histoire!!

Quelques mois? J'ai l'impression que ça fait au moins un an, j'ai vraiment tourné la page. En même temps, c'était la seule chose que j'ai toujours souhaité pouvoir faire. Je trouve cette réflexion bizarre, depuis quand ils me connaissent sans même m'avoir vue avant l'heure? Je suppose que Lou leur parle de moi depuis la rentrée, elle qui ne garde jamais rien pour elle, c'est trop dur pour son petit cerveau. Je me moque intérieurement et retourne au garçon.

- T'en penses quoi, toi?

Je le sens hésiter, je lui laisse alors croire que je suis détendue en portant mes lèvres au verre et en buvant une gorgée. En réalité, j'attends sa réponse avec impatience, j'en bouillonne à feu doux.

- C'est incroyable! C'est pas tout le monde qui vit ta souffrance! Puis, Lou nous parle tout le temps de toi!! Tu dois être vraiment extraordirnaire!!

Je souris en reconnaissance, vraiment gênée. J'espère que Lou reviendra bientôt. Je le remercie timidement avant de boire une nouvelle gorgée, le liquide est chaud dans ma gorge, l'endroit est étouffant, on ne peux pas parler. Je les abandonne donc après une maigre excuse et m'aventure seule dans la maison, dans l'espoir de trouver en débouchant d'un groupe d'adolescents une vitre ouverte, ou encore une terrasse.

Il m'aura fallu dix bonnes minutes et monter un étage pour trouver une grande et belle terrasse. D'ici, on voit tout. Je m'assois donc contre la rambarde et laisse vagabonder mes souvenirs. L'homme de tout à l'heure m'a fait remonter quelques mauvaises choses cachées sous les bons souvenirs. Je pense plus particulièrement au jour où j'ai fais ma première fugue, je ne vous raconte pas pourquoi j'ai fais cela, trop douloureux, j'avais seulement dix ans. Je ressens encore la panique à l'énonciation du nom de Scoub, dont je serais punie si j'avais recommencé. A l'orphelinat, j'étais celle qui leur coûtait le plus cher, même sans rien payer au club, les trajets leur demandait de l'essence, et ce n'était pas donné.

- Salut, tu es seule?

Je me retourne, séparée de mes pensées, pour découvrir le visage d'un inconnu.