Après avoir vérifié tous les alentours furtivement, je passe entre les deux barrières pour laisser mes empreintes dans le sable de la carrière. Scoub court devant moi, la queue en panache, la langue sortie. Tellement belle... Non sans savoir pourquoi, mais bizarrement, je n'ai pas peur, je ne pense à rien. Ma tête en a eu assez pour aujourd'hui, des choses tristes à remédier. Je m'étonne même à porter cette confiance que je n'ai pas eu depuis longtemps. Je me sens libre, seule, dans MON moment, comme les moments avec Scoub, sur la carrière. Il n'y avait que nous. Sans difficultés, je saisis la lourde barre en bois et la pose au sol, si déjà j'arrive à faire face a l'obstacle à une vitesse plus grande que celle du pas, ce sera un grand progrès. Tout pour moi était désormais une épreuve: Entrer dans la carrière, voir les obstacles, toucher l'obstacle, arriver en face de l'obstacle, sauter l'obstacle.
Là était mon problème, chaque étape franchie, je me rapproche de cette peur là. Cette peur qui me frigorifie, cette peur qui me tient au ventre du matin au soir de culpabilité et de manque intense, ce manque de malade à m'en faire vomir. Je saigne de l'intérieur à grandes coulées, mais bordel. Iris, ressaisis-toi deux secondes! Cet obstacle... il n'y en avait qu'un que je n'avais pas franchi. Pas celui là, je ne risque absolument rien de le franchir à n'importe quelle hauteur, si ce n'est peut-être manger le sable. Je prends donc la barre pour la déposer par terre, à côté de celle d'appel. Je souffle, il ne fais réellement pas chaud! Scoub, actuellement en train de creuser un petit trou avec sa patte au pied du chandelier, comme si elle allait trouver le trésor de la croix sur la carte des pirates, s'amuse comme elle le peut. A cette pensée, c'est un petit rire qui sort de ma bouche. Etant petite, j'avais pris une feuille et y avait tracé un tas d'indices menant à une sucette que j'avais planqué sous une assiette dans la cuisine de l'orphelinat, va savoir pourquoi. J'avais fait croire à mes amies que je venais de la trouver, et on avait parcouru toute cette carte à la lettre. Comment vous dire que j'ai tellement rit quand elles ont découvert avec regret qu'elle avaient cherché une seule malheureuse sucette pendant trois heures, en remuant tous les lieux. Je comptais les pas en mètres et m'arrêtais quand j'eu considéré que je pourrais prendre bien assez d'élan. Se prêtant au jeu, Scoub avait abandonné son trou et se présentait à mes côtés sur la ligne de départ que je venais de tracer.
- Scoub? Tu es prête?
Heureusement qu'elle n'a pas aboyé, sous peine de réveiller le sommeil fragile d'Adrien Non, elle a simplement fait tournoyer sa queue dans tous les sens. Je suis partie à fond, contrairement à ce que je m'apprêtais à faire. J'ai sauté les deux barres au sol comme si il avait un mètre en même tant que Scoub, autant vous dire qu'elle a adoré. J'ai baissé les taquets au maximum, puis j'ai mis une croix, moyennant dix centimètres. Cela me fait bizarre de dire ce que je vais dire mais, j'ai mis la barre plein sourire, sans peur, sans crainte, juste en riant, heureuse de passer ce petit moment avec Scoub. J'aurais tellement aimé que les deux Scoub soient là, mais une c'est déjà bien. Dis donc, heureusement qu'elle est là elle, elle me remonte sacrément le moral!
J'ai sauté ces barres quoi qu'il en soit, et pas seule. Merci Scoub, merci ma petite Scoub. Pfiou, ça grandit vite ce petit monde, et pourtant depuis que ma belle alezane n'est plus là, j'ai l'impression que le temps s'est arrêté. Nous avons fini par sauter soixante centimètre, avant de mettre quarante centimètres de plus pour Scoub, elle s'en prenait de passion et jouait avec, c'était tellement beau à regarder. Pour rire, j'ai laissé nos traces et l'obstacle en plan, et je suis retournée dormir dans le plus grand des calmes. Et la dernière sensation de cette horrible et affreuse journée à été... Un pur bonheur, mélangé d'adrénaline et de sensations fortes, et ô combien de gens savent quand était la dernière fois que j'ai ressenti cette sensation d'être vivante...
Désormais, je suis résolue a reconquérir le cœur mon bel étalon noir.
Quand j'arrive à huit heures dans l'écurie, automatiquement je me dirige vers la carrière, je ne sais trop dans quelle intuition. Il y a deux cavaliers en train de sauter, et Olivier, en marchant tête bêche, l'air de mesurer des foulées. Je ne remarque pas tellement ce geste, je remarque aussi que cet obstacle dont il compte les foulées, c'est celui d'hier. J'ai bien deviné qu'il est en train de comprendre qu'un homme et chien sont venus dans la nuit, et ont laissé l'obstacle plutôt haut.
Un bref sourire borde mon visage avant qu'une voix dans mon dos me retourne. Je serre cette personne dans mes bras. Mais seulement, ais-je envie de la voir? Que vais-je lui dire? Je ne sais pas.
Ses grands yeux noisettes s'offrent à moi.
- T'as une sale tête, mais t'as l'air heureuse, et ça me fait trop plaisir!
Lou prend mes deux joues entre ses doigts avant de me secouer le visage, comme font les mamies. Je n'ai aucun grands-parents, le hasard ayant fait qu'ils soient morts avant-même que je n'en connaisse un seul! Tout autour de moi était mort, sauf, moi. Je m'obstine à me dire que si l'accident de voiture m'a laissé la vie, ce n'était pas pour rien, pour représenter cette famille. Je la fixe, de mes yeux marrons naturels. Iris Joy était là pour vivre, non pour fermer les yeux sur une mort. Je veux sauter, je veux que cette adrénaline de fou revienne, je veux m'éclater, avoir confiance en moi, pouvoir être qui je veux être!
- Lou, tu ne vas pas me croire! Tu vas kiffer!
Brutalement, elle me tire vers un endroit peu fréquenté et me supplie avec ses grands yeux de me raconter mon histoire.
-Je... Enfin Scoub et moi on a sauté à pied soixante centimètres!
Je crois que cette fille est surhumaine d'arriver à encore pouvoir ouvrir plus grand ses yeux qu'elle ne le faisait déjà. Elle lâche un petit cri de joie avant de prendre mes deux mains et sauter sur place devant moi.
- Mais là ma cocotte, j'ai encore mieux...
Je la regarde d'un air qui se la raconte avant de voir son visage bouillir d'impatience.
- Dis-moi, dis-moi tout! Tout, tout!
- C'est pas long. J'ai réfléchis, et je veux sauter, avec Azzaro.
Il s'avère que je n'ai jamais bien posé le problème en face, mais ce ne serait sûrement pas le même avis qui se situerait dans la tête du cheval.
- Ahhhhhhh!!!! Mais c'est hyper méga bien!!!
L'adolescente saute sur place en s'agitant devant mon visage déridé du stress de ces derniers jours.
- Mais! Mais, Azzaro m'a dit clairement que si j'entrais dans la carrière sur son dos, on irai très loin ensemble, sauf que comme une con je suis descendue de son dos devant la carrière en pleurant, et c'est la cause de ma merveilleuse journée d'hier...
J'ai vu son visage se transformer en une fraction de seconde.
- Iris, t'es vraiment conne quand tu veux, à croire que ça t'amuse de te faire subir ça!
Je baisse les yeux en me mordant la lèvre inférieure, et un petit sourire s'offre à moi sur le visage de Lou, elle me fixe simplement.
- Qu'est-ce qu'il y a?
Je n'ai pas posé cette question dans le but d'être méchante, juste de connaître la cause qui la rend comme ça dans un moment pareil.
- Tu fais toujours ça quand tu es gênée.
- Ah.
- Tu te souviens du premier jour où tu as rencontré Tyler? Tu as passé tout le repas à le faire.
Un brin de sourire illumine mon visage avant qu'elle ne me réveille de notre petite interruption.
- Mais pour le moment ma cocotte, tu as un truc bien plus important à régler!
VOUS LISEZ
Azzaro
General FictionLes riches, non merci. Alors se faire adopter par un couple typé ultra-riche, c'est le comble. S'ajoutent à cette mascarade un garçon insupportable et un cheval... étrange. #1 dans la catégorie Chevaux, dans la catégorie Animaux et Cavalière ~ Co...