Prédestinés

Chapitre 16 : K

En ouvrant les yeux ce matin, K savait que sa vie allait changer. Il avait beau être au courant de sa destinée depuis toujours, cela n'enlevait rien au fait qu'il ne se sentait pas prêt. S'il n'avait pas connaissance de ses pouvoirs, il aurait pu croire que tout ce qu'on lui disait était pur mensonges. Mais les faits étaient là : il était puissant et cela lui faisait peur. Ce n'est pas pour rien, qu'il avait passé toute sa courte vie, enfermé dans ce château. On voulait garder un œil sur lui et c'était compréhensible. Comme il ne pouvait pas rester éternellement dans son lit, il se redressa et se dirigea vers la porte-fenêtre. Il l'ouvrit et s'engouffra à l'intérieur. Il se retrouva dans son armoire et choisi des vêtements à la hauteur de l'événement. Mais comme toujours, il flottait légèrement dans sa chemise grise et faillit tomber en mettant son jean. Il se regarda dans le miroir à sa droite et souffla. Il se trouvait pathétique, petit, avec une tête d'imbécile. Etait-ce à ça que devait ressembler l'un des plus puissant Wyrd ? A un enfant de quinze ans avec des cheveux noirs virant déjà au gris ? Que cela pouvait être misérable ! Il se dégoutait lui-même. Alors qu'il voulut détourner le regard de ce qu'il avait devant lui, il fut saisi d'une énorme migraine. Il savait ce que cela représentait, il planta donc, à contre cœur, ses yeux dans ceux de son reflet, pour voir ce qui allait se produire ensuite. Il vit un anneau gris envelopper, puis dévorer complétement ses prunelles noires, qui ne devinrent plus qu'un lointain souvenir. Celles-ci lui brulaient atrocement, lui donnant envie de crever ses instruments de torture. Il serra les poings, et vit flotter devant lui des mots écrits en lettres de feu : lunettes de soleil. Il savait que lui seul pouvait les voir mais que chaque vision avait un sens. Pour l'instant il ne savait pas à quoi cela allait servir mais ça n'avait pas d'importance. Il regarda autour de lui s'il trouvait l'objet en question. Il vit justement une paire posée sur une étagère à sa gauche et les enfourna dans la poche de son pantalon, avant de sortir de l'armoire.

Après avoir appelé ses Ases pour qu'on lui serve son petit déjeuner, il alla se promener dans les couloirs en se disant qu'il ne le verrait plus de la même façon. Au détour d'un couloir, il vit une ombre arriver. Il fit alors demi-tour pour tenter de lui échapper, mais il ne fut pas assez rapide car une voix l'interpella :

- Mon garçon, je te cherchais justement.

K jura silencieusement et se retourna avec un sourire plaqué sur les lèvres.

- Ah oui ? Dit-il en toute innocence.

- Je n'ai reçu aucune filante sur les arrivées d'aujourd'hui.

Il regarda l'homme qui se tenait devant lui, les mains dans le dos. Il avait le sourire aux lèvres, mais K n'était pas dupe, il savait que ce n'était qu'une façade.

- Il me semblait te l'avoir envoyée pourtant. Le service n'est plus aussi fiable qu'avant on dirait, dit-il calmement.

L'homme s'approcha de lui et posa la main sur son épaule.

- Ça n'a aucune importance, je voulais te parler avant que tu ne partes.

- C'est que Aaron m'attend, je ne voudrais pas être en retard, dit le jeune homme, sachant que cette déclaration pèserait dans la balance.

- Je suis sûr qu'il comprendra, lui répondit l'autre.

Sachant qu'il avait grillé sa dernière carte, il se laissa emporter par l'homme qui l'avait pris par les épaules. Ils restèrent un petit moment sans parler, à déambuler dans les couloirs.

- Je suis vraiment heureux de t'avoir rencontré et d'avoir eu l'immense honneur d'être ton Gardien.

- Merci pour les compliments, Pierre, ça me touche beaucoup, mentit le jeune homme.