Chapitre 19 : Le regard d'Egeon

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Il se réveilla lentement et prit conscience qu'il se trouvait sur le sol. Il se redressa en se massant vigoureusement la tête, tant celle-ci lui faisait mal. Il avait l'impression qu'elle allait exploser, de plus quelque chose lui grattait dans la nuque. Il passa sa main dessus et sentit une petite surface métallique à l'endroit où devrait normalement se trouver sa peau. Il essaya d'identifié ce que c'était mais il n'y parvint pas. D'ailleurs, la tête encore embrouillé par le sommeil, il ne savait pas comment il était arrivé jusqu'ici, dans ce couloir désert.

Egeon se mit debout, et entreprit de faire quelque pas, mais il semblait que ces jambes refusaient de bouger, elles étaient comme ancrer dans le sol.

- Il y a quelqu'un ? Hurla-t-il. Eh oh, j'ai besoin d'aide !

Mais personne de répondit, il était seul. Enfin jusqu'à ce qu'elle arrive en courant. Elle ne passa devant lui, que l'espace d'un instant, mais il eut le temps de la reconnaitre : Abigaël.

Il ne comprit pas ce qu'elle fuyait jusqu'à ce qu'il le voit lui, cette homme immense au regard de bête sauvage. Il tenta immédiatement de se dégager pour la suivre, mais il ne put pas. Pourquoi Abi ne lui avait pas demander de l'aide ? Aucun des deux ne semblaient l'avoir vu. Ils étaient passée près de lui sans même s'arrêter, comme s'il était invisible.

Bien qu'elle ait disparue à une intersection à quelques mètres de lui, il l'appela. Mais il n'eut aucune réponse. Furieux, il secoua ses jambes, tenta de les soulever, mais rien n'y faisait, elles restaient toujours bloquer. Il jura dans ses dents et hurla de désespoir et de rage. Jamais auparavant, il ne s'était sentit aussi impuissant et miséreux. Il bouillait intérieurement, et sentit l'air autour de lui devenir électrique. Il eut un bruit de tonnerre et ses jambes furent libérées de l'emprise invisible. Mettant de côté l'immense soulagement qu'il ressentait, il partit à la recherche d'Abi. C'était comme si il était lui-même en danger. Il aimait cette fille au plus profond de lui, même si il ne la connaissait pas vraiment. Cela était très étrange d'ailleurs, comment pouvait-il éprouver une émotion aussi puissante pour quelqu'un autre ? Car oui, jamais il n'avait aimé comme il l'aimait elle, et bizarrement cela l'énervait. Il avait l'impression d'être faible, et être faible n'était pas dans sa nature.

Après avoir empreinté plusieurs intersections, il entendit des voix. Il était sûr qu'il s'agissait d'Abigaël en pleurs. Mais la scène qui se présenta devant ses yeux était tout autre que ce qu'il avait pensé. Egeon était face à une fille qu'il ne reconnut pas. Devant elle se tenait un homme imposant, à genoux. Egeon ne voyait pas son visage, mais il savait qu'il s'agissait de l'homme qui pourchassait Abi quelques minutes plus tôt. Il regarda alors la jeune femme, et il reconnut, derrière un masque de rage et de démence, celle qu'il aimait. Il cria son nom, mais la jeune femme ne sembla pas l'entendre. Il regarda alors ses mains, elles étaient devenues translucides, comme s'il était invisible. Il reporta son attention sur la scène, il voyait bien ce qu'elle essayait de faire. Il fallait qu'il l'en empêche à tout prix. Sans toi, cette fille va tuer. Sauve-la, parle ! Tu n'es pas invisible, seul toi peu l'empêcher de faire ça.

- Non, ne fait pas ça ! Tu n'es pas une meurtrière.

Cette fois si elle sembla l'entendre car elle leva les yeux vers lui, mais pour les baisser aussitôt.

- Abi, non, hurla-t-il.

Mais il était déjà trop tard, l'homme s'écroula sur le sol, mort. Egeon ne savait pas comment la jeune femme si était prise mais elle l'avait tué. Choqué, mais aucunement effrayé par elle, il s'en approcha à grand pas. Il la regarda attentivement et remarqua que ses yeux avaient pris une teinte nouvelle. Ils étaient toujours violets, mais plus foncés, plus obscures. La chaleur, et la gentillesse qu'elle avait en elle semblait avoir disparu.

- Pourquoi tu as fait ça ? S'enquit-t-il.

- Il a tué Elise, répondit-elle simplement, sans la moindre tristesse, les yeux dans le vague.

Sans autre mot, il la prit dans les bras. Il se sentait coupable, car s'il avait intervenu plus tôt rien ne serai arrivé. Si seulement il était apparu plus tôt. Il la serra encore plus fort, mais il avait l'impression de tenir une marionnette. Son corps était moue et seuls les battements réguliers de son cœur prouvaient qu'elle était encore en vie. Il l'écarta alors de lui.

- Abi, ça va ? Demanda-t-il, inquiet.

La jeune femme hocha faiblement la tête, les yeux toujours dans le vague, qui avaient néanmoins perdu un peu de leur colère.

- Je l'ai tué, continua-t-elle, sans émotion, sans une once de regret.

Elle marmonna quelque chose qu'il ne put entendre. Il la secoua alors légèrement.

- Je sais que tu es choqué par ce qu'il vient de se passer, mais s'il te plait, dis-moi que tu es désolée.

Elle planta pour la première fois ses yeux dans les siens et dit :

- Non.

Ces mots étaient glaçants. Alors qu'il allait lui répondre, quelque chose l'en empêcha : il était hypnotisé par le regard d'Abi. Car à cet instant c'était comme si plus rien n'avait d'importance, comme si la seul chose qui lui suffisait pour vivre était de la regarder éternellement. Plus rien ne comptait en dehors de ces deux pupilles ardentes que rien ne pouvaient éteindre. Il voulait lui faire la morale, lui dire que tuer était quelque chose d'impardonnable, d'horrible, mais il en fut incapable. Ses pensées semblaient s'être littéralement envolées dès l'instant où il l'avait regardé. A cet instant précis ce n'était plus Egeon qui la regardait mais son ancien lui, celui enfouie. Il avait retrouvé sa bien-aimée et s'était comme si il ne l'avait jamais quitté. A présent, il reconnaissait la moindre parcelle de son visage à la peau blanche parfaite, ses lèvres légèrement rosées, semblables à des boutons de roses. Il les caressa un instant du bout des doigts, et ne pouvant résister à leur appel, il fondit sur elles avec tendresse. C'était comme faire un doux rêve, comme une flamme s'allumant au creux de l'âme, comme un nouveau souffle dans sa vie qui lui semblait si maussade. Il avait retrouvé l'amour de sa vie, de ses vies, et il en était profondément comblé.

Mais si pour Egeon, l'expérience avait été comme un renouveau, Abi, elle ne ressentit rien. Mais elle savait que ce genre de chose procurait des émotions puissantes. Pourtant, son cœur avait gardé le même rythme régulier, et son ventre n'avait pas fourmillé de choses inconnues. Elle eut juste une vague impression de déjà-vu, dans son souvenir cela était plus agréable. Mais, il était clair qu'à cet instant elle ne ressentait aucun sentiment d'amour. Son esprit tenta d'en définir la cause : elle ne le connaissait pas. Son ancienne elle oui, mais pas celle aujourd'hui. Une partie d'elle, plus forte que l'autre, n'avait aucune envie de le blesser. Elle laissa donc Egeon l'embrasser, sans rien faire.

Après quelque instant, il se détacha d'elle et la regarda de nouveau. Une flamme brillait dans le regard gris du jeune homme, et Abi se contenta d'afficher un petit sourire. Un silence gênant commença à s'installer quand une voix se fit entendre. Mais impossible de savoir pour eux d'où elle provenait. La voix se fit plus nette et puis il y eut un cri paniqué et des coups. Mais d'où peuvent-ils provenir ? Se demanda Egeon.

Un nouveau coup puis plus rien.

Nouveau chapitre ! Dites moi ce que vous pensez du couple Abi/Egeon, vos ressentis ? Merci de lire encore mon histoire, ça me touche beaucoup ;)

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