Soustraction

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J'observe le plat sur le comptoir. J'ai l'impression qu'il n'attend que moi, il m'appelle. Je vérifie pour voir si ma mère n'est pas dans le coin et file le rejoindre.

De mon doigt, je ramasse un peu de pâte sur le rebord. Je glisse mon butin dans ma bouche et savoure le doux goût vanillé.

-Cordélia! Ce n'est pas parce que c'est ton gâteau d'anniversaire que tu peux te permettre de mettre ta salive partout, grogne ma mère en entrant dans la pièce.

-Désolée, cela doit être les hormones qui me pousse à faire ce genre de chose, tentais-je.

J'ai tellement sorti cette excuse stupide à ma mère qu'elle ne me croit plus. En quatre mois, je me suis faite traiter aux petits oignons. Ne fais pas ci, pas ça, arrête c'est dangereux pour le bébé...  J'ai été restreinte dans mes activités, ma mère ne veut même plus que je fasse le ménage.

Je ne me plains pas de ne plus avoir à faire la vaisselle ou passer le ballet, mais les journées commencent à être plutôt longues. Mason part très tôt le matin, il a pris plus de responsabilités vis à vis de son travaille pour ramasser de l'argent pour le nouveau venu.

Je retourne m'assoir à ma place initiale heureuse d'avoir au moins eu le temps de goûter la pâte. 

L'accouchement est encore dans cinq mois, mais déjà je sais que Mason sera un père formidable. Tous les soirs lorsqu'il arrive pour souper, il insiste pour parler à son petit bonhomme comme il dit. Il est persuadé que c'est un garçon. Moi, j'aime mieux ne pas me faire d'idées et le découvrir au moment venu.

-Maman, tu devrais retourner chez toi. Je suis encore capable de surveiller un gâteau.

Tous les jours, ma mère passe faire un tour pour faire un peu de ménage et me faire à manger. J'ai l'impression d'être de retour dans l'enfance. Sauf que cette fois-ci, elle doit me forcer à rester assise pour ne pas l'aider.

-Je sais ma chérie, mais c'est ton anniversaire, tu ne peux pas faire ton propre gâteau.

-Si tu insistes, soupirais-je.

Je tripote mon alliance, Mason me manque vraiment. J'ai l'impression de ne plus le voir. Plus le temps passe plus nos soirées me semblent courtes. Il passe presque 17 heures au travail, cela ne m'en laisse que quelques unes. Nous avons que le dimanche pour rester ensemble.

Je sais que quand le bébé sera là, Mason travaillera moins. Il veut être présent pour notre enfant, mais aussi pour moi. Comme pour me rassurer, je sens un coup dans mon ventre. Je sursaute et arrête de bouger pour voir si je n'ai rien imaginé.

Un autre petit coup arrive alors. Un énorme sourire éclate sur mon visage.

-Maman! Il bouge! Il me donne des coups, explosais-je en sanglot .

Ma mère lâche la vaisselle dans un bruit fracassant et arrive à pas de course près de moi.

Des larmes s'échappent aussi de ses yeux, nous sommes toutes les deux subjuguées. C'est la toute première fois que mon enfant se manifeste.

Je prends soudain conscience que c'est vrai. Il y a vraiment un être qui grandit dans mon ventre. Tout l'amour que Mason et moi nous nous portons a fait naître cette merveille.

Ma mère pose sa main sur mon ventre.

-Je le sens, sourie-t-elle.

J'ai le visage trempé de larmes de joie, je vais vraiment être maman!

Je prends gentiment la main de ma mère pour la tasser et me lève.

-Je dois aller le dire à Mason.

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