A-C-Y-Z 303 ~ La Sixième Extinction

Chapitre 1 ~ C 303

Octobre 2084 - Paris Centre

Esteban franchit la palissade de son lycée avec une vive agilité. Il était encore en retard. Il se rattrapa avec habilité sur le sol dur de la cour de gravier, amortissant le choc d'une main experte. Il étouffa un juron en levant les yeux vers la pendule murale qui surplombait le patio. Il se passa la main dans les cheveux ; les ébouriffant au passage ; il allait encore devoir s'expliquer à la Vie Scolaire... Et ses parents allaient encore le sermonner sur l'importance des cours et de sa scolarité. Pour être franc, Esteban n'en avait strictement rien à faire du lycée.

Adolescent surdoué, Esteban avait comprit dès son plus jeune âge qu'il n'avait besoin de personne pour s'instruire, et encore moins d'adultes vaseux et de jeunes aussi stupides qu'ignorants. Se plongeant dans des lectures passionnées et agréablement difficiles, il s'était très vite prit d'amour pour la connaissance et le savoir. Il se passionnait pour l'apprentissage, ne s'avouant jamais repu intellectuellement. L'apprentissage seul cepandant, car il avait la détestable impression que ses professeurs prenaient un malin plaisir à écorcher leur matière à petit feu.

Esteban décocha un regard écoeuré à son bracelet d'identification, entièrement fait d'argent, et relu pour la millième fois le code qui lui appartenait.

C 303 - Esteban Riff'Riverann - Paris Centre

Il soupira et franchis le hall du lycée. La pione de l'entrée lui lança un coup d'oeil glacial en se redressant. Il leva son poignet droit, présentant son anneau d'argent. La vieille femme avisa la gravure qui y figurait avant de grommeler quelque chose d'incompréhensible et de lui désigner la porte menant à l'intérieur de la bâtisse.

L'adolescent lui tourna le dos et s'enfonça dans les couloirs faussement anciens de l'établissement. Il trouvait l'idée du bracelet révoltant, c'était comme rendre l'Homme encore moins humain que ce qu'il ne l'était déjà. Il passa à côté du CDI, immense étalages de livres imposants et d'étagères infinies. C'était un des atouts principaux, et inexploité des élèves, de ce lycée, le lycée des castes A à D. Entouré de camarades pompeux aux regards insistant et méprisant, Esteban ne se sentait pas à sa place. Pourtant il aurait dû, non? Après tout, lui aussi était d'une caste élevée! Lui aussi vivait dans une grande demeure! Lui aussi s'habillait avec goût et splendeur! Il aurait dû se fondre parfaitement avec les autres, ou, faute de ne pas être invisible, il aurait du susciter les coups d'oeil admirateurs de ses camarades. Car, il fallait l'avouer, il avait tout pour lui. Intelligent. Brillant. Amicale. Sincère. Posé. Niveau physique, il n'était pas en reste non plus. Le teint joliment hâlé, les chevaux châtains dorés d'une couleur éclatante et les yeux d'un incroyable vert brillant.

Mais c'était justement ça son problème.

Ses yeux.

                          ~ ~ ~ ~ ~ ~

Avachi sur sa table, il rêvassait. Son esprit partait loin, très loin, bien au delà de cette classe aux allures de prison pour bourges, au delà même de Paris Centre, souillée de pollutions. Au delà de Paris tout court d'ailleurs. Mais que cachait donc le monde extra-parisien? Peu de gens souhaitaient le savoir... On apprenait en cours que le reste de la France était inhabitable et dangereux. Que l'air était chargé de millier de substances nocives. Que la nature était en phase de destruction. Il existait encore vingt quatre villes françaises, mais seulement douze étaient habitées et agencées à la manière de Paris. Cepandant il était possible de se déplacer à travers le pays, il suffisait d'utiliser le train. Enfin, il "suffisait"... Le prix d'un billet était horriblement cher, plus de mille euros pour un allé simple à la ville aménagée la plus proche. Privilège réservé aux riches, voyager restait tout de même d'une extrême rareté. De plus, il...