A-C-Y-Z 303 ~ La Sixième Extinction

Chapitre 5 ~ Y 303

La nuit - terrifiante apogée des ténèbres, extase des horreurs commises, diligence des rêves et des cauchemars - venait tomber. La lune, resplendissante d'un éclat argenté, illuminait un macabre spectacle. Ses rayons parvenaient à peine à percer au travers des nuages de pollution de Paris Y, et pourtant...

Kyara se précipita vers le fugitif avant de s'arrêter brusquement. S'il était poursuivi, arriver de manière frontale n'était pas forcément la meilleure idée. Elle devait y aller en finesse, délicate et précise, afin d'avoir le meilleur effet de surprise possible.

Elle jaugea l'énergie du garçon d'un coup d'oeil attentif. Même s'il était loin d'elle, elle sentait qu'il faiblissait. En outre, elle ne pouvait nier qu'il courrait bien. Très bien même. Il allongeait ses foulées et régulait son souffle, et son rythme cardiaque par la même occasion, avec une technique de maître. Pour être aussi fatigué, il devait fuir depuis déjà pas mal de temps. Elle écarta une pensée fugace qui tentait de se frayer un chemin dans son esprit et se concentra sur ses futurs actions.

Son premier réflexe fut de fermer les yeux et de se calmer. Elle força son flux sanguin à refluer et souffla. Cela ne lui prit qu'un quart de seconde et, quand elle rouvrit ses yeux, ses iris bleues avaient cessé de briller follement, n'émettant qu'une douce volupte glaciale.

Misant tout sur la résistance physique du garçon, Kyara emprunta un détour peu connu - une ruelle sombre où les meurtres et les cadavres que l'on avait retrouvés là ne se comptaient plus sur les doigts de la main tant ils étaient nombreux - lui permettant de ne pas se faire repérer.

Elle sauta du cabanon où elle était perchée et se rattrapa sur le sol tapissé de vieilles pierres éparses ; depuis quand existaient elles bon sang? Elle se releva et, dans le même mouvement, passa avec douceur sa main sur le Trayr A.Z noir qu'elle portait, accroché à sa ceinture. Elle sourit en constatant qu'il risquait de lui être fort utile. Ce Trayr, c'était la dernière arme que son père avait possédée. Celle avec laquelle il avait put protéger ses enfants. Celle qui lui avait coûté la vie. Fin et rapide, le Trayr A.Z était une arme à feu plutôt rare et très recherchée. Surtout par les habitants des quartiers sur les bords de ville, les castes X, Y et Z.

Prônant dans la ruelle suivante, un vieux lampadaire oublié projetait des ombres sinistres sur les murs démolis. Kyara évita la lumière avec prudence, hors de question de dévoiler sa présence aussi rapidement.

Un coup de feu puissant manqua de lui faire perdre pied. Si le garçon avait été touché, elle ne donnait pas cher de son état actuel. Cepandant, quand elle dressait l'oreille, elle entendait toujours les pas rapides et agiles du fuillard et ceux, précipités et nombreux, des agresseurs.

"Impressionnant ce mec. J'espère qu'il tiendra encore quelque instants..."

Elle deboula dans une avenue bien trop grande à son goût. Lançant des coups d'oeil furtifs, elle grimpa vivement à une gouttière et se retrouva sur une toiture en taules abîmées. De là, elle voyait enfin parfaitement la scène.

Les hommes, au nombre de vingt-deux, avaient réussi à cerner le fugitif. Ils étaient tous vétus d'une tenue noire charbon que Kyara jugeait militaire. Éclairé par une lumière artificielle, le garçon se retrouva piégé contre un mur de barbelés. Elle le voyait mieux désormais. Il devait avoir à peu près son âge et, malgré la fatigue et le fait qu'il était bloqué, il restait le dos droit, faisant face aux adultes avec aplomb. On pouvait néanmoins voir son torse s'abaisser à grand coup sous l'effort conséquent qu'il faisait pour respirer. Un des soldats pointa son arme sur lui, une mitraillette à coup sûr, avant de vociférer.

-Esteban Riff'Riverann! Nous vous ordonnons de vous arrêter! Nous n'hésiterons pas à tirer au moindre geste suspect de votre part.

Malgré la distance, Kyara vit la mâchoire de l'adolescent se contracter. Une légère grimace déforma les traits de son visage. De la colère? De la tristesse? De la rancoeur? Difficile à dire. Peut être un mélange des trois.