Chapitre 28

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J'ai pensé que le plus difficile était déjà passé. J'ai cru que le premier réveil, la prise de conscience, et la douleur serait le plus compliqué pour moi mais ce n'est pas le cas. C'est l'acception qui, après coup, me semble impossible. Je suis sortie de la salle de bain, débarrassée des traces de ma nuit dehors, pourtant, mon visage était toujours aussi marqué, mon corps tout autant meurtris. Je me suis forcée à manger pour faire plaisir à James et surtout pour éviter qu'il me prenne la tête. J'ai réalisé alors qu'il me fallait affronter ma mère et lui parler de mon agression. Je ne sais pas encore ce que je vais lui dire mais je ne vais probablement pas lui dire que la personne responsable n'est autre que le frère de James, qu'il l'avait fait entrer chez nous, qu'il avait malgré tout permis que cela arrive. Je sais que ce n'est pas de sa faute, il n'a pas choisit d'avoir un frère tel que Calvin mais indirectement, je suis celle qui paye l'animosité, la jalousie, et je ne sais encore qu'elle autre raison qui a poussé cet homme à faire une chose aussi inhumaine. Je n'ai pas mérité cela, je n'ai absolument rien fait pour attiser tant de haine. Je ne comprendrais probablement jamais pourquoi il a détruit ma vie ainsi sans aucune pitié.

J'ai donc quitté l'appartement de James en traversant au plus vite l'allée pour atteindre la porte de ma maison. Je n'étais pas pressée de détruire ma mère, de la voir souffrir presque autant que moi, mais lorsque l'air a atteint mon visage, lorsque j'ai affronté l'extérieur, je me suis sentie exposée aussitôt. Comme si j'étais en danger à nouveau. A ce moment précis, je me fais une promesse intérieure probablement impossible à tenir. Parler à ma mère, aux médecins et à la police sera la dernière chose que je ferais concernant ce sujet. Après ça, il faudra que je mette cette nuit dans un recoin de ma tête. Comment, ça je ne le sais pas encore, mais il le faut.

Ma mère est assise sur le canapé, calme, détendue, comme n'importe quel dimanche matin. Je n'ai pas regardé mon portable, mais depuis vendredi soir, je me doute bien qu'elle a du m'harceler. Concrètement, j'ai passé une seule nuit chez James, mais pour elle, cela fait deux nuits que je découche et en l'occurrence, à deux pas d'elle, sans aller la voir ni la prévenir de vive-voix. La contrariété qu'elle doit ressentir serait un bonheur à voir comparé à ce qui m'attend. Je referme la porte derrière moi et elle prononce mon nom en attendant que je lui réponde. Je ne dis rien, je me contente d'avancer en avalant sans cesse ma salive, en respirant sans vraiment avoir de souffle. Elle ne dit plus rien lorsqu'elle me voit. Elle plaque une main sur sa bouche, ses yeux deviennent brillants en quelques secondes seulement et je me met à pleurer comme sur commande. Elle court jusqu'à moi en éclatant en sanglot. Je ne sais pas comment je fais, mais je fais tout pour la convaincre que je vais bien. Elle pense d'abord que c'est James et je la rassure immédiatement. Je mens à plusieurs reprises, ma version ne s'accorde pas à la réalité. Je lui dis que quelqu'un s'est arrêté pour m'agresser, tout simplement. J'utilise le motif le plus simple, l'argent. "Il m'a pris mes bijoux, les quelques billets dans mon porte monnaie, je n'ai pas voulu lui laisser le collier de papa alors il s'est énervé". Je me surprend moi-même d'être si convaincante. Calvin ne fais plus parti du tableau. Le reste non plus. Le reste en question, ce dont je suis incapable de prononcer les mots, je réussis probablement à le dissimuler car ma propre mémoire n'est pas clair. Je ne me souviens pas de ce passage là, pas encore; et à chaque instants, j'ai peur que la réalité ne me frappe violemment.

Comme James, elle m'ordonne d'aller voir un médecin au plus vite. Elle pleure dans mes bras un long moment, je lui promet que je vais bien, que je suis seulement encore sous le choc. Je passe ma soirée avec elle et elle s'occupe de moi jusqu'à ce que j'aille me coucher. Lorsque j'atteins ma chambre, je réalise que James m'a envoyé plusieurs textos. J'ouvre mon portable pour la première fois depuis ce soir-là. Il y a les textos de Charlotte et de ma mère auxquels James a répondu mais aussi des appels et des textos de James. Il me demande d'abord si je suis partie, si je vais avoir beaucoup de retard, ce que je fais, si je vais bien... Une dizaine de messages qui me font revivre cette soirée d'un autre œil. Je les supprime tous avant de lire les plus récents.

Stay with me ( français )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant