Chapitre 29

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Une semaine vient de défiler depuis que c'est arrivé. Sept jours. Sept longs jours où j'ai pu voir défiler chaque minute, chaque seconde. Je n'ai toujours pas parlé à Charlotte, je lui ai simplement dit que j'avais beaucoup de travail. La plupart du temps, je me suis enfuie lorsque j'étais avec ma mère, feintant être fatiguée. J'ai tous de même dû appeler Jess pour lui dire que je ne viendrai travailler, je lui ai épargné les mêmes détails que j'ai caché à ma mère mais elle a tous de suite compris que mon état et mon aspect physique ne me permettaient pas de travailler du bureau. J'ai écris de chez moi, très difficilement. Elle ne m'a mis aucune pression, elle m'a même conseillé de prendre au moins une semaine de congé, mais cela aurait été une mauvaise idée, me laissant seule avec mes pensées. J'ai besoin de penser à autre chose, ou du moins d'essayer.

Je n'ai pas vu James de toute la semaine. Intentionnellement. Je n'ai pas non plus répondu à ses appels, et très brièvement à ses textos. Je lui ai dit l'essentiel : j'essai d'aller bien. Je ne vais pas bien, inutile de nous mentir. La journée, je tente de prendre sur moi et de m'occuper au maximum. Lorsque la nuit tombe, l'angoisse me prend, je prie chaque soir pour ne pas faire de cauchemar et surtout, pour ne pas me souvenir de ce qu'il s'est passé. Il y a quelques jours, la police a trouvé Calvin et l'a inculpé. Ils ont eu mon témoignage, quoi que bancal, mais aussi des traces ADN sur mon corps et les choses ce sont plutôt bien déroulées. Je veux dire... Il pourrait toujours être en liberté. Je ne sais pas combien de temps il va être enfermé, je ne me pose pas la question. Tout ce que je sais, c'est que je pensais me sentir différente une fois Calvin derrière les barreaux. J'espérais me sentir mieux, ou au moins un peu soulagée. Ça n'a pas été le cas. Je me sens vide, sans émotion. Seuls mes pleures, la nuit, me font ressentir une émotion sur laquelle je ne pourrais jamais mettre un nom. Ce n'est pas de la peine, ni de la colère. C'est une douleur que ne veux pas s'arrêter. J'aimerais simplement disparaître.

La semaine s'achève alors. James devient un peu plus insistant pour venir me voir et je suis obligée de songer à capituler lorsque ma mère commence à s'en mêler. Je sais qu'il tient à moi et qu'il s'en veux, mais moi, je veux simplement partir. Le voyage approche à grands pas et je me rends compte que c'est la seule chose qui m'aide à tenir. Je veux tout laisser derrière moi et m'enfuir même si je sais que ce n'est pas une solution valable sur du long terme. Chaque jour, j'ai une excuse différente pour repousser ce moment. L'idée même d'être avec lui m'effraie, j'ai peur de ce qu'il pourrait dire ou demander, je crains tout ce que je vais ressentir en sa présence. Mes journées sont toutes identiques. Je me lève, plus ou moins tard selon mes heures de sommeil la nuit, je me préparer sans vraiment savoir pourquoi puisque je ne sors pas. Je déteste le reflet que le miroir me rend. Les marques ne disparaissent pas, elles changent seulement de couleurs, et même lorsqu'elles auront disparu, j'aurais toujours l'impression d'en avoir gardé une trace.

Le lundi matin suivant, je lisse parfaitement mes cheveux. C'est très banal, mais c'est une chose que je ne fais pas souvent et intérieurement, j'espère me sentir différente comme ça. Je ne déjeune pas, comme presque tout les matins lorsque je suis seule. Encore une semaine et je m'envolerais pour Mykonos. James m'envoi un message pour me dire qu'il passera me voir en fin de matinée. Il ne demande plus, il s'impose. Je devrais lui en parler, mais Jess à avancer le voyage d'une semaine, à ma demande. Elle m'a aussi appris que je pourrais rester plus longtemps, mais ça, je ne sais pas si je lui en parlerais. Je ne sais plus ce que je veux. Mes sentiments pour James sont toujours là, quelque part, enfouies sous quelque chose de sombre, une chose qui me bouffe de l'intérieur et qui me détruit à petit feu. Je ne sais pas ce qu'il se passera lorsque je serais parti. Est-ce-que je tournerais simplement la page ? Est-ce-que j'oublierais mon passé, le bon comme le mauvais ?

James est assis sur le perron, une cigarette au bord des lèvres. Je m'approche doucement en enfilant une fine veste en maille blanche. Il n'est pas encore tard dans la matinée et le soleil se fait discret. Un frisson me parcourt lorsque j'aperçois les traits de son visage. Il semble fatigué, pâle. J'ai l'impression de ne pas l'avoir vu depuis si longtemps, pourtant ça ne fait qu'une semaine. Il se retourne lorsqu'il m'entend et nous nous toisons quelques secondes avant que je ne m'approche pour m'asseoir sur la marche, juste à côté de lui. Je me sens bien trop proche mais je n'ose pas bouger pour ne pas le vexer et rendre l'ambiance encore plus froide qu'elle ne l'est déjà.

- Hanna...

J'ai envie de pleurer. De m'effondrer même. Il n'a rien dit, seulement mon nom, et je suis déjà tiraillée entre l'envie de m'enfuir et le besoin de me coller à lui en espérant qu'une étreinte me fera tout oublier. J'aime James, je l'aime sincèrement, mais je ne sais plus comment l'aimer. Je ne me sens plus capable de vivre sans penser constamment à ce qu'il m'est arrivé.

- Salut, dis-je simplement.

Il me sourit discrètement et j'en fais de même en ravalant la boule dans ma gorge, je dois être capable de lui parler comme l'adulte que je suis.

- Je ne sais pas vraiment quoi dire, ce serait idiot de te demander comment tu vas... Murmure-t'il en regardant à nouveau droit devant lui.

- Je... J'ai besoin que tu me parles comme si rien ne s'était passé, dis-je en sachant que cela est impossible.

- Comment est-ce-que je pourrais faire ça alors que j'ignore ce qu'il s'est passé ?

Je mords ma lèvre en fermant mes yeux quelques secondes. Lorsque je les ré-ouvre, un masque se plaque sur mon visage. Je tente de rester de marbre malgré les mots qui sortent de ma bouche.

- Il m'a droguée. Je suppose qu'il a mis quelque chose dans mon verre durant la soirée. Je me suis arrêtée sur le bas côté, il s'est approché de ma voiture et il m'a sortie de force. Inutile d'ajouter qu'il m'a frappé un long moment.

Il soupire comme s'il était soulagé et je ne quitte pas son regard.

- Il m'a violé James. Je ne m'en rappelle pas, le médecin dit que les souvenirs ne me reviendront peut-être jamais. À cause de la drogue ou à cause du choc, comme si mon cerveau voulait simplement oublier... Mais le fait est qu'il l'a fait.

Je réalise après coup que je lâche ses paroles peut-être un peu trop brutalement, comme si je ne voulais pas être la seule à souffrir. Mes lorsque des larmes emplissent ses yeux, je regrette aussitôt d'avoir été si méchante. Pour autant, je suis incapable de m'approcher pour le consoler.

- Hanna... Je suis tellement désolé.

Il s'approche mais je lève une main à plat vers lui pour le stopper dans son élan.

- Non. Non, je ne veux pas pleurer. Je refuse de la faire. Je pleure chaque soir depuis que c'est arrivé. Je suis incapable de dormir sans m'effondrer d'abord alors non, je ne vais pas pleurer dans tes bras.

Il me regarde sans vraiment savoir quoi dire ou faire. Je baisse le regard, je glisse une mèche derrière mon oreille et je déglutis avant de réfléchir à ce que je pourrais dire.

- Je vais bientôt partir James.

Je m'en veux à nouveau. Décidément, je ne suis pas délicate. Il m'observe en fronçant les sourcils cette fois-ci, alors je reprend la parole.

- On va avancer le voyage.

- On ?

- J'ai demandé à le faire, avoué-je.

- Ne fuis pas Hanna. S'il-te-plait.

- Je ne fuis pas. Mensonge. J'ai besoin de changer d'air, c'est tout.

Il inspire brusquement en passant ses mains sur son visage.

- Je n'ai pas vraiment le choix de toute façon. Je dois te laisser partir, seule, sans te demander de rester, sans te dire que ça ne servira à rien, n'est-ce-pas ?

- Tu pourrais le faire mais ça ne servirai à rien. J'ai décidé de partir, bien avant que tout cela ne se passe.

- Mais ce qui s'est passé change tout Hanna. Tu as besoin d'être entourée de ta mère, de moi...

- Non ! Ça ne devrait pas changer quoi que ce soit, rétorqué-je d'un ton brusque. Je ne supporte plus ces regards plein de pitié et de compassion. J'ai besoin de voir autre chose, de...

- De ne plus me voir, c'est ça ? Je vois bien la manière dont tu réagis lorsque je tente de t'approcher. Je peux le comprendre mais... Je ne veux pas te laisser partir. Je veux que tu restes avec moi, je veux être là pour toi.

- Personne ne peux rien pour moi. Je dois avancer seule avant de faire entrer quelqu'un dans ma vie...

- Je pensais déjà en faire parti, déclare-t-il d'un ton morne.

J'aurais du dire quelque chose avant de me lever, je n'étais pas censé laisser James penser qu'il ne représentait rien pour moi. Ce n'était pas de sa faute mais bien de la mienne.

Stay with me ( français )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant