Chapitre 26 - Un appel

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Et c'est sûr de moi que je m'avançais vers ce téléphone. Dans ma main moite se trouvait un euro et cinquante centimes.

Mais lorsque je tendis mon bras pour attraper le téléphone accroché, prête à insérer mes deux malheureuses pièces, ce fut une voix masculine qui m'interpella.

Presque seule plongée dans l'obscurité la plus absolue dans cette gare je sursaute instinctivement faisant tomber les pièces que j'avais eu tant de mal à trouver au fond de mon sac.

Bon, peut-être que je me suis trop avancée, voilà ce qui s'est passé:

Cela faisait maintenant plus d'une semaine que je restais devant les escaliers de l'appartement dans lequel je vivais. Le sommeil était dur à trouver. La plus part du temps j'observais les vas et viens des passants. J'avais souvent froid, soif mais surtout j'avais faim.

Pour je ne sais quelle raison, j'allais souvent devant mon ancien lycée pendant les heures de cours. Là où tout avait commencé, je me disais que si ce jour là je n'étais pas partie, je pense que je n'aurai jamais rencontré Keith.

Me cachant, dans l'inquiètude de croiser quelqu'un que je connaissais peut-être; Je vis une femme s'approcher de moi. Inquiète elle couru vers moi et plus elle se rapprochait, plus les traits de son visages devenaient familiers.

C'était mlle Swan. Bien évidemment je lui expliquai la situation, la suppliant de ne pas appeler les services sociaux, ce qu'elle accepta de ne pas faire.

Et avec le grand coeur qu'elle avait elle ne pu s'empêcher de me proposer de vivre avec elle. Mais il en était hors de question. Qui plus est, je savais qu'elle avait déjà beaucoup à gérer avec ses deux enfants issues de son précédent mariage.

Néanmoins elle s'assura que je ne manquais de rien d'essentiel.

Si seulement elle savait que la seule chose essentielle qui me manquait réellement c'était cette magnifique divinité qu'était ma mère. Mais ne pas avoir de maison, ça avait changé quelque chose en moi. Quelque chose qui ne pouvait pas disparaître.

Moi qui m'étais habituée aux repas de Keith ce ne fut pas réellement facile de me réhabituer aux sandwiches de Mlle Swan. Cette femme, une vrai perle.

Alors oui j'aurais pu attendre le lendemain matin pour demander à Mlle Swan de passer ce coup de fil de son téléphone, mais je ne pouvais plus attendre.

- Excusez-moi?

Je me retourne, et prends une grande respiration. Devant moi ce tenait un vieille homme, sous la lumière clignotante à peine fonctionnelle de la gare je voyais qu'il portait des lunettes, un bonnet et une chemise recouverte d'un manteau.

Une buée visible de ma respiration se forma alors que mon coeur battait fort.

Je baisse les yeux et j'entends mes pièces atterrir sur l'énorme flaque au fond de l'égout qui se trouvait à quelques centimètres de mes pieds.

Il était claire que ce qu'il voulait c'était de l'argent. Il me souris gentiment et ça me fondait le coeur de n'avoir rien à lui donner.

- S'il vous plaît... Me supplia-t-il

- Désolée, je n'ai pas un sous. Répondis-je confuse.

Lorsqu'il passe son chemin je me penche pour essayer de passer mes doigts à travers la grille sous mes pieds dans la quelle mes pièces sont passées.

Impossible.

- Qu'est-ce qui t'arrive ma jolie?

Me demanda la gentille vieille femme aux yeux claires à ma gauche.

Je me relève alors de ma posture inconfortable et je lui souris mine de rien.

- Non rien, j'ai juste fait tomber mes pièces, j'avais besoin de passer un coup de fil...

Je regarde le téléphone publique et je sors le bout de papier qui était dans ma main droite. Il était tout froisser mais les numéros qu'avaient écrit Keith était toujours visibles.

La femme réfléchis un instant puis sort son porte feuille, elle s'approcha du téléphone et y inséra deux pièces à ma grande surprise. Elle décroche le téléphone et le tend vers moi.

- J'ai cru comprendre que tu avais un coup de fil à passer.

Elle me souris, je suis étonnée, je ne bouge plus. Je pense que ça faisait longtemps que je ne croyais plus à la bonté gratuite des étrangers.

Je m'empare alors de celui-ci, mais quand je m'apprêtais à la remercier elle était déjà entrain de s'en aller.

Je commence à lire doucement les numéros sur le papier et à les composer angoissée.

Lorsque j'entendis les 2 "bipes" qui me mirent en relation avec mon correspondant, je me rendais compte du réel de la situation. Je n'eus même pas le temps de réfléchir que j'entendis des respirations de l'autre bout du fil.

- Alo?

Je ne dis pas un mot...

- Alo?

Il me fallu une semaine pour trouver le courage d'appeler Keith, et à ce moment là je n'arrivais pas à répondre. Sa voix m'était si familière, tellement apaisante. Je ne savais pas quoi dire, ou quoi faire. Embarrassée je tremble des mains, je ferme les yeux un instant puis lorsque je les réouvre je remarque qu'il avait raccroché.

Mon coeur battait à la même intensité que les "bipes" qui s'enchaînaient, marquant la fin de l'appel téléphonique.

Je repose le téléphone, et je décide de retourner sur les escaliers de l'appartement.

Sur mon chemin je croise alors une mère et sa fille qui se promenait avec leur chien. Elles avaient l'air si heureuses. Je les envie.

Il était claire qu'elles avaient un lien de parenté puisque ce qui les trahissait, en plus de leurs magnifiques cheveux blonds et de leurs yeux claires, c'était les traits du visage qui étaient identiques.

La jeune fille avait un magnifique sourire, le genre de sourire qui réchauffe les coeurs. Soudain une vision plus claire de ma mère se dessine dans mon esprit. Une vision de bonheur involontaire.

Puis bien évidemment les habitués de la rue qui me fixait intensément, ils doivent certainement se demander ce que je fais là. La vérité c'est que moi même je ne le savais pas.

Mais c'était quoi mon problème? Pourquoi est-ce que je suis comme ça?

Je m'assois alors par terre, mon dos posé sur les briques qui tapissaient le long mur de la façade du bâtiment. Mes jambes posées sur ce trottoir glacé, je me demande ce qu'elle penserait de moi si elle me voyait comme ça.

Les larmes commencent à couler, et je n'arrive pas à les arrêter, en tout cas jusqu'à ce que le sommeil m'emporte.

A long way to goOù les histoires vivent. Découvrez maintenant