Ombre & Lumière Tome 2 - La Cascade d'Entre les Mondes

Chapitre 7

  - Alors ? Tu t'amuses bien, ça va ? demanda la démone d'un ton dédaigneux.

- Arrête, lui répondit Yanis.

Elle l'observa s'approcher de la cheminée tout en entortillant une mèche de cheveux autour de son index. Durant ces derniers jours elle avait été très, mais alors très en colère. Jalouse aussi, oui, sûrement, pensa-t-elle. L'idée que Yanis soit avec une autre fille qu'elle lui avait été insupportable. De plus, il ne l'avait mise au courant de rien. Il lui avait juste dit, la nuit de son départ, que Théo lui avait demandé de protéger Ambroisie Borély le temps que ça se calme au Paradis.

Comment Yanis avait pu accepter de l'aider ? Et à quel point Théo était-il mal pour n'avoir comme roue de secours qu'un jeune démon qui se fichait bien de ce qui pouvait arriver si une guerre éclatait ?

Elle s'était posée et reposée ces questions, manquant de mettre le feu un peu partout où elle allait, pendant que Yanis jouait les touristes avec la fille qui lui avait tout volé.

Pour commencer, celle-ci lui avait pris sa sœur, ensuite, le garçon qui avait été la cause de tous ses problèmes, et maintenant, elle lui piquait son meilleur ami.

Carmen songea que le pire dans cette histoire, c'était qu'Ambroisie n'avait même pas idée de son existence.

Théo pénétra dans la suite plongée dans la pénombre. Il tâta les murs et les meubles afin de se guider puis finit par atteindre la fenêtre principale. Il écarta les rideaux et la lumière éclaira les lieux qui avaient servis de maison à Am durant une vingtaine de jours.

Sur le lit il l'imaginait dormir paisiblement, insouciante du danger, mais se ravisa en se disant qu'au contraire, ses nuits au Paradis n'avaient pas dû être calmes. Il se sentit coupable de ne pas avoir été plus présent lorsqu'elle en avait besoin. La vie d'Am était devenue un enfer, et il ne s'était pas montré très compatissant à son égard. Pourtant il l'aimait de tout son cœur, et c'était maintenant qu'elle était partie qu'il se rendait compte qu'il s'était attaché à elle, beaucoup plus qu'il ne l'aurait pensé.

Au début la priorité pour lui avait été de remplir correctement sa mission, et tel un robot il avait convaincu Am de le suivre au Paradis. Il n'avait pas mis d'âme dans ses paroles, et s'était d'ailleurs montré très agacé – en partie car il se demandait ce qu'il devrait faire si elle refusait d'obéir.

Avec du recul, Théo avait peur de lui-même. Quelles étaient ses limites ? Où aurait-il été prêt à aller pour satisfaire un système corrompu ?

Il avait si honte de ses agissements qu'il avait peine à croire qu'il soit encore vivant.

A l'école on lui avait enseigné les valeurs, et on lui avait précisé, comme à tous les anges, que s'il ne les respectait pas, il ne mériterait pas de vivre et serait puni. Les anges devaient se comporter en guide, en exemple... Il avait la forte impression d'avoir dévié du droit chemin. Mais combien avant lui l'avaient fait ? Où étaient donc passées ces valeurs ?

Théo était conscient d'avoir changé depuis qu'il avait rencontré Am. L'ancien lui ne se serait jamais senti coupable de quoi que ce soit. Il n'aurait pas regretté d'avoir obéi, et encore moins d'avoir honoré le Conseil.

En fait, et surtout, il n'aurait jamais songé à tout ça. Parce qu'avant il ne réfléchissait pas vraiment, il ne se creusait pas la tête. Il faisait ce qu'on lui demandait sans réclamer d'explication.

Il repensa à ce que Lahela lui répétait à longueur de journée : « on a tous été berné par le Conseil. On a grandi avec ça, on ne pouvait pas voir les choses telles qu'elles le sont véritablement ». Elle avait raison. Même les anges les plus honnêtes du monde auraient agis comme lui, car on fait avec ce qu'on sait, et le Conseil était doué pour dissimuler ses secrets. De toute façon, le plus important était que désormais il était au courant de tout et se rangeait du côté des gentils pour réparer ses erreurs.