Chapitre 32

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Je tombe.

- Am ? Am c'est moi je peux entrer ?

Je suis allongée sur mon lit, les draps trainent à moitié par terre et la lumière du jour filtre autant dans ma cabine que s'il était midi ; pourtant je me réveille à peine, ou plutôt, c'est une voix qui a chassé mon sommeil. Plus précisément un cauchemar dont j'ai déjà oublié le contenu.

Je vais ouvrir à Yanis, lorsqu'il me voit il a l'air surpris. Je passe une main dans mes cheveux pour tenter de dissimuler leur état, je suppose qu'ils sont en pétard comme chaque matin.

- Je commençais à m'inquiéter, tu... tu dormais encore ?

- Oui. Bonjour.

- Salut ! s'empresse-t-il de dire. Est-ce que ça va ? ajoute-il en fronçant les sourcils. On dirait que...

- Que quoi ? répliqué-je agacée malgré moi.

- Que tu as fait un cauchemar, par exemple, suggère-t-il.

Je le regarde, interloquée. Est-ce qu'il devine souvent ce qui se trame dans ma tête ? Est-ce que pour lui je ne suis plus un secret ?

Il passe le dos de sa main sur ma joue, comme si j'étais une princesse et que c'était maintenant qu'il me réveillait pour de vrai. Ne reste plus qu'à savoir si je rêve ou non.

C'est insoutenable. Cette délicatesse, cette douceur, cette attention. Il faut que je m'habitue, ça risque de prendre du temps. J'ai la sensation d'étouffer. Tout est trop beau et trop chaud. Mon cœur craque, mon cœur explose ; il déborde d'un amour trop fort pour lui. Je dois me défouler, courir, crier, je ne sais pas, faire quelque chose qui me permette d'extérioriser tout ce que je ressens.

Yanis a l'air de comprendre ça. J'ignore s'il s'en veut un peu, s'il pense que c'est de sa faute ou s'il hésite à poursuivre sur cette voie.

Je me souviens de ce qu'Evelyne m'avait racontée au sujet de ce que je garde en moi. Elle avait prédit qu'un jour il faudrait que ça sorte, que je déballerai soit le bien, soit le mal... je ne sais plus trop où j'en suis ni vers quelle voie je me dirige.

- Am...

Je frémis comme à chaque fois qu'il prononce mon nom, en outre j'appréhende ce qu'il s'apprête à me dévoiler.

- On avait dit que je t'apprendrai à te défendre. Ces derniers temps on a délaissé ces trucs-là mais... ça serait cool si on s'y remettait, tu crois pas ?

- Oui, oui ça serait super, dis-je en le serrant fort dans mes bras.

Au départ cela était censé être un saut de joie ou quelque chose de la sorte, finalement ce geste se transforme en un câlin modérément désespéré. A un moment nos deux joues se frôlent et je me rappelle que nous ne nous sommes embrassés qu'une seule et unique fois. De toute manière, si nous le faisions trop l'on pourrait croire que nous sommes en couples et alors notre petit manège perdrait de son charme. Il est préférable d'alimenter à petits coups ce manque car d'un autre point de vue nous débordons d'amour. Et puis notre histoire est différente de celles des autres, il n'y a pas de comportement spécifique à adopter ni de choses précises attendues.


Je saute mon petit-déjeuner et passe directement au plat dont se remplissent les membres de l'équipage sur le pont. Nous sommes au cœur d'une journée ensoleillée et il est presque impossible d'observer la mer sans être ébloui par le reflet du soleil.

Après avoir mangé nous nous rendons dans la cale, l'endroit est un peu étroit mais Yanis trouve que c'est bien. Il me tend un long et fin bâton de bois et en saisit un lui-aussi.

Ombre & Lumière Tome 2 - La Cascade d'Entre les MondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant