Lauren

☁ Chapitre 1 ☁

Les soeurs jumelles parcouraient les couloirs du lycée en direction de la permanence. Les deux jeunes filles marchaient côte à côte mais ne s'adressaient pas une parole ou un regard, comme si elles ne se connaissaient pas. Ce silence pesant dura quelques minutes jusqu'à ce qu'elles pénétrèrent dans un nouveau corridor où toutes les salles étaient occupées.
Les portes des salles de classe étant à moitié vitrées, Maureen en profita pour faire des gestes censés être amusants aux autres élèves de seconde ou de première et même de terminale. Les professeurs qui, au départ, continuaient leur cours de manière impassible ne comprenaient pas les rires de leurs élèves, Maureen se cachant derrière le mur quand les profs se retournaient vers la porte. Ce petit manège continua sur toutes la rangée de portes qui bordaient le couloir, sous le regard désabusé de Lauren. Elle suivait sa soeur sans dire un mot et n'osa même pas s'arrêter et faire un signe devant la porte des 1èreL 1 où il y avait pourtant 2 de ses amies les plus proches. Elle avait peur de se faire remarquer par les autres élèves qui ne la connaissaient que de nom ou pour la gémellité qu'elle partageait avec Maureen.

-«À la place de faire ton intéressante en classe tu pourrais au moins travailler.» Remarqua soudain Maureen, en prenant la parole pour la première fois depuis qu'elles étaient sorties de cours et tout en continuant d'avancer.
-«Je te demande pardon?» Se vexa la seconde jumelle en s'arrêtant.

Cette simple phrase qui pourrait pourtant paraître anodine eut l'effet d'un coup de couteau pour Lauren. Encore une fois, Maureen se sentait si supérieure à sa soeur qu'elle ne se gênait pas pour lui faire des remarques blessantes de son plein gré. La rêveuse le savait, cette remarque était un reproche caché. Malgré leurs différents, les deux soeurs se connaissaient par coeur, elles savaient exactement ce qui pouvait blesser, énerver, amuser ou rendre heureuse l'autre. Elles n'étaient pas jumelles pour rien. Elles savaient ce qu'il fallait faire ou dire à l'autre pour arriver à leurs fins. Dans ce cas-là, le but de Maureen étant de blesser sa soeur.
Lauren fixa froidement sa soeur, qui se retourna vers elle en faisant voleter ses magnifiques cheveux bruns qu'elle bouclait tout les matins.

-«Je te dis juste que tes résultats ne sont pas fameux et que ça va en empirant. Je ne sais pas ce qui t'arrive en ce moment mais dès que je te regarde en classe, tu es fixée vers la fenêtre. Je ne te vois jamais noter ton cours.»
-«Ah parce que tu me regardes en cours?!» S'exclama Lauren avant de partir dans un rire cynique.
-«Je m'intéresse à toi, figure-toi.» Répondit Maureen en croisant ses bras et en fronçant les sourcils.
-«Je trouve que tu le caches bien. J'existe seulement quand ça t'arrange.»
-«C'est faux. C'est absolument faux !» S'indigna Maureen qui avait étonnamment l'air réellement blessée par l'idée que sa soeur se faisait d'elle

Lauren aperçut la salle de permanence, au loin. Comme elle était (comme bien souvent) dans un désaccord absolu avec sa soeur, elle décida de s'arrêter de marcher deux minutes, afin de couper court à cette dispute naissante. Lauren était fragile et sensible, elle ne supportait pas d'être en conflit avec sa soeur jumelle, même si l'attitude de cette dernière pouvait lui donner envie de s'arracher les cheveux.

-«Peut-être que tu as raison. Mais pour l'instant je ne peux pas me dire autre chose. Je ne suis plus ta première priorité comme j'ai pu l'être avant.» Soupira l'adolescente, donnant, une nouvelle fois, la victoire à Maureen.

-«Keller 1, Keller 2 ! Dépêchez-vous d'aller où vous devez aller. Arrêtez de traîner dans les couloirs. C'est pas vrai ça !» Réprimanda le CPE en passant près des jumelles, qui s'excusèrent avec plus ou moins de sincérité avant de rejoindre la salle de perm'.

La salle de permanence, une longue salle qui à vue d'œil équivalait à 3 salles de classes habituelles, était toujours occupée par un surveillant. Il était chargé de garder un oeil sur les élèves n'ayant pas cours ou étant exclus voir collés dans le cas du mercredi après-midi et du samedi matin. Les deux soeurs y avaient leurs habitudes, qu'elles soient exclues pour manque de concentration dans le cas de Lauren ou d'insolence pour Maureen.
La déléguée de la classe des 1èreES 2, le papier vert toujours coincé entre son index et son majeur, toqua à la porte vitrée. Elle l'ouvrit après avoir aperçu un signe de tête de Jérémy, un surveillant plutôt amical avec les élèves et qui discutait souvent avec Lauren qu'il commençait à prendre sous son aile.

-«Oh ! Vous revoilà encore ? Laquelle c'est, cette fois? 1 ou 2?» Demanda-t-il en utilisant les surnoms que la plupart des employés du lycée avait attribués aux deux brunettes.
-«C'est moi.» Fit Lauren, levant le bras et baissant la tête vers ses pieds. Ses longs cheveux bruns et lisses lui cachaient la figure.
-«Lauren, je vais devoir coller ton nom sur une des tables si cela continue !» Se moqua le jeune surveillant. Il prit le coupon d'exclusion des mains de Maureen, qui discutait avec une amie, pourtant assise tout au fond de la salle. «Tu peux partir, Maureen.»

L'adolescente hocha la tête puis lâcha un "au revoir" très bruyant, destiné à attirer l'attention sur elle pour sa sortie de la salle. Pénétrant de nouveau dans le couloir, elle laissa la porte se claquer. Ce qui fit sursauter un pauvre garçon en train de travailler et malheureusement pour lui, placé près de la seule ouverture de la salle de permanence.

-«Je me mets où je veux?» Demanda Lauren en replaçant une de ses mèches de cheveux derrière son oreille.
-«Tu n'as qu'à te mettre là. Je pourrais t'avoir à l'œil comme ça.»

Jérémy pointait du doigt une des tables du premier rang, celles qui étaient collées au bureau derrière lequel il était assis. Lauren acquiesça d'un hochement de tête. Elle montrait ses jolies dents blanches (dont on lui avait ôté les bagues depuis peu de temps) avec un magnifique sourire destiné à son surveillant préféré. Elle posa son sac sur une chaise vide puis prit place face au jeune homme. Elle retira sa veste en faux cuir noir et, la tête appuyée sa main droite, fixa l'ex élève de ce lycée en attendant qu'il entame une discussion.

-«Alors qu'est ce que tu as encore fait? Laisse-moi deviner... Tu... n'écoutais pas?» Proposa-t-il en regardant le papier vert pour trouver la réponse à sa question. «Et oui, c'est cela ! Comme c'est étonnant...» S'exclama-t-il avec ironie, secouant la tête de gauche à droite pour signifier à la lycéenne qu'elle était irrécupérable.
-«Oui mais, attends ! Dis-moi, toi qui l'a eu il y a encore peu d'années. Les cours de madame Delarue ne peuvent-ils pas être assimilés à somnifères?» Demanda Lauren avec une aisance qu'elle n'arrivait à avoir qu'avec ce surveillant et quelques "privilégiés".
-«Faut pas le dire.» Fit-il en se levant pour se pencher vers Lauren et lui chuchoter un "mais tu as raison". Ce geste attisa encore plus la curiosité et la médisance des élèves qui se posaient des questions sur cette amitié surveillant/élève, qui d'ailleurs, pourrait mal terminer si elle parvenait aux oreilles des supérieurs de Jérémy.
-«Donc là, tu vois, après avoir pris ma dose de somnifère, j'aimerai bien que tu me laisses dormir sur ma table. Histoire que les cours de français ne servent pas à rien, et que je puisse rattraper mon sommeil en retard.»
-«Et tes devoirs?» Demanda Jérémy en ricanant. Il savait pertinemment que Lauren ne les faisait jamais (ou presque).
-«Je les ferai plus tard.» Soupira la brune, en regardant le surveillant avec un regard suppliant de lui accorder sa demande
-« Franchement, Laulau, je ne te conseille pas de dormir... Il reste moins de 20 minutes avant la prochaine heure. Tu viendras à peine de t'endormir que je prendrais un malin plaisir à te réveiller en te gueulant dans les oreilles.»
-«J'ai deux heures avec madame Delarue.» Répondit Lauren en posant déjà sa tête sur ses bras croisés .
-«Je te souhaite une bonne nuit, alors.» Plaisanta le surveillant en se replongeant dans le livre qu'il avait posé lors de l'entrée des jumelles dans la salle qu'il gardait.

Lauren avançait sur le tapis rouge qui menait jusqu'à la salle où la cérémonie allait avoir lieue. Son nom était hurlé de partout. Elle était attaquée par les flashs des photographes, présents pour cette occasion. Des photos d'elles, secouées par les membres d'une foule en furie, n'attendaient qu'un autographe de sa part. Touchant plusieurs mains qu'on lui tendait et saluant ses multiples fans, Lauren ne pouvait que se plaire dans son rôle de célébrité internationale.