☁ Chapitre 34 ☁

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Pour moi, c'est une des pires langues de vipères de ce lycée. Toujours à colporter des ragots.

Les paroles de Théo repassaient en boucle dans la tête de Lauren, comme une chanson sur un disque rayé. Cela faisait une quinzaine de minutes qu'elle avait quitté la médiathèque. Elle avait fait un gros effort pour canaliser le flot de pensées qui tourbillonaient dans son esprit, afin de se concentrer sur l'exposé.

Théo et elle avaient d'abord opté pour un support Powerpoint, avant de se rendre compte qu'ils étaient, l'un comme l'autre, incapables d'utiliser correctement un tel logiciel. La bibliothécaire, qui rangeait des livres à côtés d'eux, entendit leur conversation et leur proposa de faire leur exposé sur un support papier, ce qui était plutôt une bonne idée. Lauren et Théo, inquiets du temps qui passait à grande vitesse acceptèrent l'aide de la femme qui leur dénicha alors quelques grands panneaux de cartons dans la réserve. Les deux amis réalisèrent trois panneaux d'images et déclarèrent, presque en même temps, qu'ils trouvaient cette idée plus originale qu'une simple réalisation sur l'ordinateur.

- « Et plus sûre aussi. Même si c'est pas comme ça qu'on va valider notre B2i... » avait dit Théo en riant.

Lauren et lui avaient travaillé d'arrache-pied pendant trois heures et sans s'accorder une seule petite minute de pause, ce qui avait permis à la rêveuse de ne pas laisser son esprit divaguer et se poser de multiples questions sur ce qu'elle venait d'apprendre. C'était presque essoufflés qu'ils avaient terminé leur exposé. Heureux de venir à bout de leur travail, ils étaient d'humeur plus légère. Théo avait proposé à Lauren de se revoir le lendemain pour terminer la mise en page et s'entraîner à la lecture. L'adolescente avait accepté avec joie, même si elle savait dorénavant que le jeune homme et elle ne seraient que de simples amis. Puis, vint le moment de se répartir les panneaux à garder chez soi jusqu'à ce qu'ils se revoient. En effet, il y avait trois panneaux, et ils étaient deux. En sortant de la médiathèque, chacun négociait de toute les manières possibles, cherchant le moyen de refiler le dernier panneau à l'autre.

- «... et en plus j'ai une douleur terrible au poignet ! Je te jure que c'est vrai !» argumentait toujours Théo quand ils arrivèrent à l'arrêt de bus. Il tenait un panneau sous chaque bras et Lauren se félicitait de ne pas avoir cédé.
- «Oui, oui, c'est ça. De toute façon j'habite beaucoup plus loin que toi !» répondit-elle avec une incroyable mauvaise foi.
- «Non mais c'est pas vrai mais quelle menteuse !» s'exclama Théo tandis que son amie éclatait de rire. «Ok, puisque c'est comme ça, celui dont le bus arrive en premier prend deux panneaux parce qu'il sera rentré plus vite chez lui. C'est un bon deal, non?»
- «T'essayes de m'avoir, sale traître?» demanda Lauren faussement indignée «Je suis sûre que tu viens de regarder les horaires. Mais de toute manière t'es vraiment bête car tu sais très bien que je prends le même que toi.»

Tout en disant cela, Lauren se rendit compte qu'elle n'avait pas vraiment envie de renter en bus. Elle avait besoin d'être seule. Ses interrogations revenaient à la charge et elle savait qu'elle n'allait pas tarder à devenir lointaine et froide. Il fallait qu'elle réfléchisse.
À cet instant le bus arriva. Théo se dirigea vers les portes qui venaient de s'ouvrir, Lauren sur ses talons. L'engin était presque plein à cette heure. Théo commença à monter, marmonnant qu'ils allaient être tout serrés. Il réussit à se caler tant bien que mal, les deux panneaux ne lui rendant pas la chose facile. Il tourna la tête pour regarder Lauren et resta dubitatif. Les portes venaient de se refermer... et la jeune fille le regardait, debout sur le trottoir. Elle lui fit un petit signe de la main alors qu'elle tenait l'unique panneau restant.
Devant la mine offusquée de Théo, coincé dans une masse de gens, ses deux panneaux sous les bras, Lauren se retint d'éclater de rire. Elle le vit articuler silencieusement un « Je vais te tuer » avant que le bus ne passe devant elle. Il lui sembla qu'une partie d'elle voyait cela comme une petite vengeance personnelle. Le jeune homme sortait avec Allison depuis plusieurs mois et venait de chambouler ses certitudes sur une de ses meilleures amies. Oui c'était injuste car ce n'était pas vraiment de la faute de Théo, mais, tant pis.
Lauren marchait donc, sans vraiment regarder devant elle. Les mots de son ami, bien que, maintenant, vieux de plusieurs heures, semblaient gravés dans son cerveau pour une durée indéterminée.

LaurenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant