Chapitre 11

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J'attendais le week-end pour passer à l'attaque. Je commençais par commander de quoi meubler la cuisine et surtout les chambres. J'en aurai besoin dans les mois qui viennent. J'investissais également dans une machine à laver, un aspirateur, une vrai poubelle et divers produits de nettoyage.

Lorsque je rentrais chez moi, j'attaquais le nettoyage en attendant la livraison dans l'après-midi.

Une fois tout installé, je m'attaquais au linge sale, ouvrais grand les fenêtres pour aérer.

J'étais en train d'étendre le linge dans le jardin, en attendant que le sol sèche dans la maison, quand une odeur familière me parvint, livrée par un courant d'air froid.

Dissimulée par le drap que je venais d'étendre, j'observais le beau blond faire des allers retour indécis sur le petit chemin qui menait chez moi.

Je me rapprochais discrètement, d'arbre en arbre. Finie enfin par observer son petit manège depuis la haie qui bordait le chemin.

Je profitais qu'il me tourne le dos pour aller sur le chemin et prendre une pose nonchalante.

-Tu veux une autre bière ?

Il sursauta et se retourna d'un seul coup, surpris de me trouver là.

-Je... Qu'est-ce que tu fais là...

-J'habite ici et tu le sais fort bien. La question serait plutôt qu'est-ce que toi tu fais là...

-Je... Je ne sais pas trop... j'ai eu envie de te voir....

Il rougissait de la tête au pied, visiblement gêné par son aveu. Moi je n'en étais pas vraiment surprise. Quand on goute à la magie, c'est comme une drogue. Et même si lui a oublié, son corps sait.

-Tu n'a pas froid comme ça ?

Il rougissait de plus belle. Je prenais le temps de jeter un œil à ma tenue, il faut dire qu'un débardeur et un minishort ne sont pas vraiment de saison. Nous approchions du cœur de l'hiver et je me trimballais pieds nus sur l'herbe glacée en tenue d'été. Il faut avouer que ça a de quoi choquer... Je haussais les épaules.

-Pas vraiment, disons que j'ai le sang chaud et que de toute façon, mes affaires sont en train de sécher...

J'indiquais le linge étendu sur les fils dans le jardin. Il faisait très froid mais avec le vent ça sécherait s'il ne se mettait pas à pleuvoir et il y avait là trop de choses pour que je puisse les mettre sur un séchoir à l'intérieur de toute façon. Je dirigeais d'ailleurs mes pas vers le bac à linge qui contenait encore du linge à étendre. Après tout, je n'avais pas finie et le sol de la maison n'était pas encore sec.

Il me suivi docilement jusqu'au jardin.

-Tu me donne un coup de main ?

-D'accord...

Je l'observais pendant qu'il attrapait les vêtements et les accrochais maladroitement, il n'avait pas l'air d'être habitué à ce genre de chose. Probablement un accro du sèche-linge...

-Donc, tu avais envie de me voir comme ça, sans raison ?

J'agrafais un pantalon tout en posant ma question.

-Je ne sais pas trop...

Je haussais un sourcil en le regardant...

-Ton père serait une raison suffisante pour ne pas avoir envie de rester chez toi.

Et oui, j'adore mettre les pieds dans le plat.

-Comment tu le sais ?

Il évitait soigneusement mon regard, concentré sur la pince à linge comme si sa vie en dépendait.

-Je t'ai déjà dit que j'étais douée pour les devinettes.

Nous étions quasiment côte à côté, uniquement séparés par un bac de vêtements. J'avais bien remarquée que sa démarche hésitante ne tenait pas uniquement à ses états d'âmes. Il se retenait de grimacer en soulevant les bras pour accrocher les vêtements. Il se tenait raide, sans doute pour éviter des frottements gênants sur la peau ou pour empêcher des muscles endoloris de bouger.

-Il n'a pas apprécié que je perde la course au profit de Ambre...

Je me taisais et continuais d'accrocher mon linge en silence.

-Je ne sais même pas pourquoi je te parle de ça...

Il garda les mains appuyées sur la corde. Les bras tendus. Des larmes glissaient sur ses joues silencieusement. Il détourna la tête pour que je ne le voie pas pleurer.

-Tu en parle parce que ça te fais du bien. Parce que tu sais au fond de toi que je peux t'aider.

Il recommença à étendre le linge pour se donner contenance. Attrapa par mégarde un de mes sous-vêtements et le relâcha aussitôt encore plus rouge que tout à l'heure, comme s'il s'était brulé, puis pris un t-shirt à la place. Je levais les yeux au ciel.

-Si les femmes avaient autant peur de vos sous-vêtements lorsqu'elles font la lessive, vous n'auriez rien à vous mettre sur les fesses.

Il rougit de plus belle.

-Je ne te vois pas vraiment comme une douce femme au foyer prenant soin des vêtements de son époux...

-C'est parce que tu ne me connais pas et c'est avant tout une question d'éducation ce genre de chose.

C'était maintenant son tour de me dévisager pendant que je finissais d'étendre mon linge. Plongée dans mes souvenirs.

-Mère ! Je veux aller jouer avec Aigle-rapide... Pourquoi je dois faire ça !

-Abigaël, tu épouseras bientôt un propriétaire terrien, tu dois savoir tenir une maison.

-Mais Mère !

-Ne discute pas ! Tu sais que ton Père désapprouve ton amitié avec ce sale peau-rouge. Qu'est-ce que les gens vont dire de lui, de nous ? Tu y a pensé au moins !

-Pourquoi Marie ne le fait pas elle ?

Ma mère posa un instant le panier rempli de chemises. S'agenouilla pour pouvoir plonger ses yeux dans les miens, ses mains rugueuses posées sur mes frêles épaules d'enfant.

-Marie n'a pas autant de chance que toi... Elle n'est pas aussi jolie que toi et elle finira probablement comme ton père et moi, à travailler dur toute sa vie durant. Toi, belle comme tu l'es, tu auras la chance de faire un bon mariage, et pour ça, tu dois avoir un peu d'éducation. Tu comprends ?

Je ne comprenais pas vraiment mais je hochais néanmoins la tête pour faire plaisir à ma maman.

-Quand nous aurons finis la lessive, je te montrerais quelques points de jolies broderies. Ça te plairait ?

Je hochais encore une fois la tête pour lui faire plaisir. Mais pendant que je lui passais les épingles de bois, mon regard dérivait vers les vastes plaines où Marie devait jouer avec ses amis, courant et roulant dans les champs d'herbes hautes ou faisant des pâtés de boue près de la rivière.... Comme j'aurais aimé, moi, courir là-bas...

-Abigaël ? À quoi tu penses ?

J'accrochais le dernier drap en le tendant bien pour éviter les plis puis attrapais le bac vide.

-Au passé.

Je me dirigeais ensuite vers la maison.

-Tu viens ? Tu as mérité une bonne boisson chaude, ça te fera du bien.

LouveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant