Chapitre 26

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Nathaniel tendit la main vers Cœur-de-la-Meute. Celui-ci se mit à montrer les crocs en grognant.

- Ne m'insultes pas gamin ! Je ne suis pas un gentil chien qu'on caresse. Je ne suis pas là pour faire des politesses...

Je prenais la parole.

-Je ne comprends pas Cœur-de-la-Meute... Pourquoi sommes nous ici et pourquoi Gueule-de-nuit est si petite et toi si maigre ?

-Vous êtes ici sur les Terres des Chasses Éternelles. Le paradis des Dieux-loups. Pour faire court, autrefois, les Dieux animaux parcouraient le monde. Puis les hommes sont arrivés, ils ont commencés peu à peu à devenir plus fort, ils ont monopolisés la terre, la modelant à leur image en ignorant la souffrance des autres espèces vivantes. Notre magie s'est amenuisée alors que les animaux disparaissaient peu à peu des terres, remplacés par des bêtes domestiquées. La magie sauvage s'est alors peu à peu éteinte avec les Dieux-Animaux. Nous sommes aujourd'hui trop peu nombreux. Pour que la magie sauvage ne se perde pas, certains Dieux-animaux ont décidés de lier leur sort à ceux des Hommes qui étaient différents des leurs, plus réceptifs à leurs instincts. C'est ce que les Dieux-Loups ont fait. Ma pitoyable apparence vient de la perte de magie en ce monde. Celle de Gueule-de-nuit vient du pouvoir utilisé lors de sa dernière chasse. Vous avez été imprudentes toute les deux.

- Comment pouvons-nous vous aider Dieux-Loups ? intervint Nathaniel.

-C'est pour ça que je t'ai choisi Petit-d'Homme, tu es intelligent et tu rêves comme moi de la liberté. Nous allons seller ensemble le pacte de la Lune, toi avec moi, Abigaël avec Gueule-de-Nuit, comme cela a été fait avec les premiers hommes. Lorsque tu feras partit des nôtres, à ta première chasse, nous serons en mesure de donner naissance à de nouveaux Dieux-Loups. Les esprits de la forêt murmurent qu'approche le Wapun Nashoba. Mais pour ça, il vous faut revenir à vos enveloppes charnelles. Les terres des chasses éternelles ne sont pas un lieu pour les hommes. Abigaël, tu dois redonner consistance à Gueule-de-Nuit. Rends-moi mon Alpha.

-Comment Cœur-de-la-Meute ? Je ne sais pas quoi faire pour ça...

-Comment as-tu changé la plaine en forêt ? Comment as-tu pût faire apparaitre cette rivière alors qu'il y a peu, cet endroit était aussi désolé et sec que le cœur d'un homme ? Tu as en toi le pouvoir de nous rendre ce que nous étions. De faire que les Terres des Chasses éternelles redeviennent ce qu'elles étaient. La magie est puissante en toi Enfant des loups, Gueule-de-Nuit t'avais choisie pour ça.

Je me levais et rejoignait Gueule-de-Nuit. Je me remémorais nos plus belles chasses, l'image que j'avais eue d'elle dans les flammes. Je passais les doigts dans sa fourrure si douce, sentant la chaleur de son corps. Je me l'imaginais telle que je l'avais toujours fait : Une bête magnifique, puissante, aux yeux de braise.

Je sentais sous-mes doigts la boule de poils grandir et sa pensée s'éclaircir peu à peu.

-Merci Abigaël, je me sens mieux maintenant.

J'ouvrais les yeux pour découvrir une Gueule-de-nuit gigantesque, de la taille d'un cheval de trait. J'étais ébahie d'avoir réussie à faire ça par la seule force de mes pensées même si le monde des esprits est un univers à part. Je tournais la tête vers Cœur-de-la-Meute. Il y avait dans ses yeux de l'envie, mais aussi de la haine. Je comprenais la première, mais pour la seconde, je ne pouvais que deviner.

Si c'était moi qui parcourait autrefois le monde sous une forme aussi magnifique et que je me retrouve condamnée à dépendre de ceux qui sont à l'origine de mon déclin, je pense que je l'aurais mauvaise.

J'ai assisté à l'envahissement progressif de la terre par l'homme. A la destruction des forêts au profit de ville en béton. Être en ville ne me dérange pas, mais je suis une enfant des plaines de l'ouest, courir pieds nues dans l'herbe était déjà ce que je préférais, même en grandissant. Assister à quatre siècles d'évolution humaine ne m'a pas fait aimer pour autant les cités. Et il est désormais de plus en plus difficile de trouver des endroits où la nature n'est pas domestiquée, rangée en ligne de champs, en bois réduits et en lignes de haies taillées.

Il faut cependant croire que certains s'adaptent plus vite que d'autres. Malgré sa transformation, Louis reste un citadin pur et dur. Son loup le rend à l'aise dans la nature, mais lui reste attaché au confort apporté par la civilisation. Mon salon en atteste puisqu'il y règne désormais une flopée de câbles qui relit tout ses ordinateurs et autres périphériques étranges....

Je me demande si le retour des Dieux Loups sur terre pourra changer les choses. La nature pourra-t-elle reprendre ses droits. Vivrais-je assez longtemps pour voir ça ?

-Ne pense pas à ce qui pourrais être au loin Abigael, pense à ce qu'il y a d'abord sous ton nez.

-Oui Gueule-de-Nuit, qu'est-ce qu'on fait maintenant ?

-Nous allons rejoindre La Meute. Les derniers Dieux Loups qui chassent ici. Vous devez les rencontrer, les toucher pour les lier à vous. Nous partagerons le sang et les souvenirs, liant nos destinées aux vôtres. Pour aller plus vite toi et ton mâle grimperez sur mon dos, je vous conduirais à l'arbre de vie, notre tanière.

-Tu les laisserais monter sur ton dos ! Serait-tu devenue toi aussi un chien au service des humains ?!

-Ta haine et ta rage t'aveuglent Cœur-de-la-Meute, je partage mon cœur avec Abigaël et elle partage son corps avec moi depuis longtemps. Je l'ai reconnue pour mon égal cette nuit, douterais- tu de moi ? Ils sont notre espoir pour l'avenir ! Ouvre donc les yeux loup ! Ou ta haine te consumera et je devrais me trouver un autre Alpha digne de moi !

J'avais toujours la main plaquée sur le pelage de Gueule-de-nuit, je sentais son indignation monter alors que son poil s'hérissait et que le grondement dans sa gorge s'amplifiait. Cœur-de-la-Meute en face hésitait, malgré sa petite taille, il était près à m'attaquer.

Je me détachais de Gueule-de-nuit, avançant un pas après l'autre vers Cœur-de-la-Meute en le fixant dans les yeux, sans détourner un instant le regard. Je sentais l'esprit de Nathaniel près de moi, pourtant, je savais qu'il n'avait pas bougé.

-Cœur-de-la-Meute, je m'avance vers toi, Dieux loups, et pourtant je suis sans peur. Sais-tu pourquoi ?

-Parce que Gueule-de-Nuit partage son pouvoir avec toi, sinon tu me craindrais.

-Même sans elle je ne te craindrais pas, parce que je suis humaine et que nous dominons nos peur et le monde. Si tu me refuse, tu disparaîtras avec les tiens, pas parce que ce n'est plus le temps des Dieux-Loups, mais parce que je l'aurais décidé. Je veux revoir la nature reprendre ses droits pas pour toi ou pour elle, mais pour moi et seulement moi... Est-ce-que c'est clair ?

-Comment oses-tu t'adresser ainsi à moi ! HUMAINE ! Tu es sur notre domaine !

-J'ose et j'en ai le droit, car ce domaine n'est plus le tien mais le mien Cœur-de-la-meute. Sinon, tu aurais fait repousser l'herbe, tu aurais permis aux rivières de couler, les arbres jailliraient du sol à ton commandement mais ce n'est pas le cas ! Ce lieu m'obéit désormais, et bientôt, celui que j'ai choisis pour être mon Alpha aura aussi ce pouvoir ! Veut-tu le partager ou le subir LOUP !

Je voyais son hésitation, sa colère retombait à présent, dans mon dos je pouvais presque sentir le « sourire » de Gueule-de-Nuit. Elle était fière de moi.

-Le partager, je veux le partager, pardonne moi Alpha.

LouveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant