Lettres - Epilogue

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Mai,

Tu vas me détester.

Je t'écris cette lettre dans la précipitation. Lin ne sait pas pourquoi je suis venu jusque dans ta chambre universitaire, je l'ai laissé dans le van. Si tu lis cette lettre c'est que je suis déjà mort, par conséquent, je ne suis plus à tes côtés. C'est une déduction logique mais assez difficile à assimiler, je dois l'avouer. Un peu comme le fait d'assimiler que je serais déjà mort quand tu me liras. Ce n'est pas ce que j'avais prévu.

Je me répète.

C'est un peu plus facile que ce que je pensais de t'écrire. Te dire en face que je choisis de mourir sans chercher de solutions alternatives aurait été un peu plus complexe que de lâchement te le dire sur un morceau de papier. Tu ne comprendras peut-être pas ma décision mais ce n'est pas ce que je te demande. Je veux juste que tu l'acceptes et que tu gardes mes secrets.

Le premier est embarrassant et égoïste. Je ne veux pas mourir mais vivre ne me procure plus grand chose de nouveau. J'ai déjà presque tout expérimenté du monde physique et je suis curieux de voir ce qu'est le monde psychique. Je n'y avais jamais pensé avant d'avoir cette prémonition, je ne suis pas suicidaire si c'est ce qui t'inquiète. Je ferais mon possible pour revenir et brûler cette lettre de malheur avant que tu ne puisses la voir. Mais je dois avouer que mon côté scientifique veut pouvoir tout savoir.

Le deuxième est tout aussi embarrassant : Mon frère me manque. Nous sommes jumeaux et inséparable depuis la naissance. Nous ne nous étions jamais séparés avant sa mort, je n'y étais pas préparé.

Si je vis, je te rejoins. Si je meurs, je le rejoint.

Le troisième est indéniablement difficilement avouable. J'ai toujours espéré que nous pourrions travailler ensemble après tes études. J'ai bien conscience que ce n'est en rien romantique mais tu le sais, je ne suis pas romantique. Je ne suis même pas particulièrement aimable ou gentil avec toi. Vouloir travailler avec toi et t'avoir près de moi tous les jours, te l'avouer, c'est le maximum que je puisse te dire pour l'instant. Parfois je préfèrerai fonctionner plus facilement et dire « Je t'aime » négligemment, mais je me souviens que tu ne m'aimerais peut-être pas si j'étais comme tout le monde, et ça me paraît tout de suite moins indispensable d'être ainsi.

C'est une bien piètre consolation pour toi, je le sais.

C'est présomptueux de ma part de te demander ça, mais continue tes études en parapsychologie s'il te plait. Je n'utilise cette formule de politesse que rarement donc mesure l'importance de ses mots et fais en quelque chose dont tu pourras être fière.

Fais le pour toi et oublies-moi dans la mesure du possible.

Naru

Post-scriptum : Ne parles de cette lettre à personne. Je déteste les manifestations d'émotions et les tiennes quand tu la liras me suffisent amplement.

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Oliver,

( Remarque-le, j'utilise ton prénom. )

Je sais bien que c'est ridicule d'écrire à un mort, mais cela fait plusieurs année que cette idée me démange. Pour te donner une idée, ta tombe est maintenant recouverte de mousse verte. La faute au climat catastrophique de Londres !

J'aurai soixante-quinze ans cette année. Je suis devenue vieille et ridée tandis que toi tu es resté jeune dans ma tête. Je n'arrive pas à croire qu'autant d'années se soient écoulées. Les premières années ont été très longues et difficiles car il a fallu réapprendre à vivre sans toi, après avoir autant utilisé tes épaules pour avancer, j'ai du revoir entièrement ma façon de voir le monde.

L'arbre a disparu peu de temps après ta mort. Personne n'a compris pourquoi ou comment et personne n'a cherché à comprendre. Cet arbre était tellement dérangeant et paradoxal, les gens étaient presque content que ça se finissent de cette façon. Pas moi.

Parce que tu vois, l'espace de quelques instants j'ai pleinement compris ce que Chase voulait accomplir : revoir des personnes qu'il aimait. Je crois que j'aurai fait n'importe quoi pour te revoir durant un temps.

Tu seras content de savoir que j'ai fini première de ma promotion. Il suffisait de travailler, ce n'était pas trop dur dans le sens où tout ce qui m'empêchait de penser à toi était le bienvenu. J'ai tenu ma parole et j'ai construit quelque chose dont je pouvais être fière, quelque chose que je pourrais léguer à mes enfants sans honte ; Une société en rapport avec la parapsychologie tenant directement concurrence à la BSPR. Cette dernière a d'ailleur fini par imploser comme je l'avais prévu.

Je viens de le mentionner et je suis persuadée que ça ne t'as pas échappé, mais j'ai eu des enfants. Une petite fille et un petit garçon. Ils sont adorables, je les aime très fort. Mon mari est maintenant décédé depuis deux ans, et malgré le fait que je l'ai épousé par amour, je n'ai jamais réussi à t'oublier. J'en ai honte, je suis certaine qu'il le savait. Qu'une petite partie de mon coeur lui appartenait et qu'une grosse partie lui resterait à jamais inaccessible.

Je pense que je t'aimerai toujours, même si je ne connais toujours pas l'entière vérité sur ta mort. Tu n'as pas été honnête dans ta lettre. Du moins, tu as menti par omission en ne me révélant pas pourquoi tu ne voulais pas changer le future. Comment un homme si intelligent pouvait-il mourir alors qu'il avait toutes les cartes entre ses mains ? C'est une question qui m'a longtemps torturé l'esprit. A cause de ça, j'ai envisagé que tu puisses m'avoir menti en affirmant que tu n'avais pas de pensées suicidaires. Je t'en veux pour ça, il aurait suffi de deux lignes pour me l'expliquer.

J'ai l'impression d'avoir perdu contre Gène. Comme ça n'avait rien d'un jeu, l'idée me dérange.

Maintenant que mes enfants sont grands et qu'ils n'ont plus besoin de moi, j'attends la mort, lentement. J'ai appris que j'étais atteinte d'un cancer du côlon, il y a trois semaines. Phase terminale.

Tu sais ce que cela veut dire. Je vais mourir.

Je ne suis pas triste. Chacun son temps. Et puis, pouvoir rejoindre ma famille adoptive me procure une joie indéfinissable.

Mai,

P.S. : Il n'y a vraiment que toi pour écrire « Post-scriptum » à la place de « P.S. ». 


Mot de l'auteur :

Bon. C'est finit. 

J'espère que l'histoire vous aura plu, que mon style d'écriture n'aura pas été trop pénible, et que malgré la fin que j'ai réservé à mes personnages, je ne vous aurai pas déçu.  D'ailleurs, l'histoire dans son ensemble vous a t elle plu ou est-ce que la qualité de l'intrigue à baissé au fil des chapitres ? J'attends vos avis avec une très grande impatience. 

Merci  

Ghost Hunt - Les fruits éternelsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant