Chapitre Dix-neuf

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Les draps n'étaient pas blanc, tout comme la vertu de la femme qui s'y enroulait. Elle dégagea une de ses mèches rousses qui lui barrait la vue.

« C'est très sexy Ayako. »

Elle ne répondit pas, se contentant de passer un doigt léger le long du dos de son amant. Le frissonnement qui accueillit son geste la rassura un peu. Pas assez cependant pour qu'elle le regarde dans les yeux. Bou-san était un bel homme quoiqu'elle puisse en dire la plupart du temps et elle avait toujours eu du mal à réfréner son envie de le toucher. Malgré que ses désirs soient maintenant réalité, elle ne parvenait pas à être satisfaite.

« Houshou ? » dit-elle.

« C'est rare que tu utilises mon prénom. »

« Tu pars ? »

Elle aurait voulu dire : « Tu peux rester un peu ? » mais elle savait quelle image elle aurait renvoyé, et elle lui aurait été insupportable. À la place d'une mine ternie par les insomnies et le chagrin, elle lui offrit son sourire le plus charmeur quand il lui dit ce qu'elle savait déjà.

« Evidemment. Et même si tu proposes de remettre le couvert. »

C'était humiliant pour Ayako. Elle se faisait l'impression d'être une fille de joie. À la différence qu'elles au moins, elles étaient payées. Mais c'était la seule solution qu'elle avait trouvé pour le garder près d'elle, même si c'était temporaire et à double tranchant. Ce n'était pas que Bou-san n'était pas respectueux envers elle, ils étaient amis après tout. Seulement ce soir-là, il y a quelques mois, quand elle avait beaucoup trop bu et qu'ils avaient fini dans un hôtel, elle s'était attendu à un futur plus gaie que ça.

Il se rhabilla sans se presser et ne l'embrassa pas avant de partir. Il ne la regarda pas non plus et surtout il ne chercha même pas à lui jeter un dernier regard avant de fermer la porte de sa chambre. Mais il lui avait dit « à bientôt » et c'était tout ce qui comptait à ses yeux.

Ils se verraient à l'agence de toute façon. Ils l'avaient reprise avec Madoka et arrivaient à la faire tenir remarquablement bien. L'arrivée d'un fax dans son bureau la sortit de ses pensées un peu sombres. Elle se leva, attrapa ses sous-vêtements au hasard et se dirigea vers son bureau. Elle esquiva une montagne de papier et une boite de punaises renversés avant d'enfin atteindre sa fameuse machine à recracher les faxes.

Matsuzaki-san,

Je me devais de vous informer d'une découverte inquiétante. Je ferai court pour ne pas vous embêter au cas où mon imagination soit la grande responsable, même si je doute d'être aussi peu terre à terre.

Vous n'êtes pas sans savoir que je me suis installé depuis quelques semaines avec Masako en Australie. Je pratique ma religion et propose mes exorcismes aux pratiquants de ma paroisse. Depuis quelques temps, de plus en plus de personnes viennent se confesser suite à la disparition d'un proche. Nous ne nous sommes pas inquiétés immédiatement, ce genre de chose arrive. Cependant, le nombre de personnes disparues commencent même à interpeller les médias. Selon eux, près de 20% de la population australienne serait portée disparue. C'est inimaginable et très inquiétant. Êtes-vous sujette aux mêmes préoccupations que moi et Masako au Japon ? Où est-ce seulement un phénomène touchant l'Australie ? J'ai cependant entendu dire par certains confrères bénévoles en Afrique du Sud un phénomène similaire.

En espérant des nouvelles rapides,

John Brown

Ayako posa le message sur son bureau, préoccupée. Elle avait effectivement remarqué que les demandes pour retrouver des personnes disparues avait augmenté à la JSPR mais pas au point d'atteindre les 20% de la population... Ce chiffre était quand même étrangement élevé.

Ghost Hunt - Les fruits éternelsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant