chapitre 42 Hadrien

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Qu'est ce qu'il peut bien foutre chez moi celui là ? Je n'arriverai jamais à me débarrasser de mes abrutis de parents, il va vraiment falloir que je mettes définitivement les choses au clair. Laura n'a pas besoin de ça, vraiment pas et encore moins en ce moment.

-Bon tu veux quoi ? Je l'interroge.

Il avale les derniers centilitres de son whisky et fixe son regard au mien. Il parait différent, je dirai même moins froid et distant que d'habitude mais je me méfie de sa démarche, j'ai déjà été suffisamment déçu par le passé.

-Je suis venu pour m'excuser.

-T'excuser de quoi au juste ?

-Du comportement de ta mère et du fait que je ne suis jamais intervenu pour stopper ses agissements. Il faut que je te raconte quelque chose Hadrien et ça risque de ne pas beaucoup te plaire, alors s'il te plaît laisse moi parler ?

J'acquiesce d'un mouvement de tête et attend qu'il reprenne la parole en posant mon regard sur ma petite chatte qui s'est callée dans le petit fauteuil.

-Quand j'ai connu ta mère, elle n'était pas du tout comme elle est aujourd'hui. Nous étions jeunes et j'ai eu le coup de foudre au premier regard. Elle était souriante, courageuse et pleine de vie. Nous avons très vite décidé d'emménager ensemble et après l'obtention de son diplôme, elle a trouvé le poste dont elle rêvait. Nous n'avions pas l'intention d'avoir d'enfant tout de suite car on débutait à peine nos carrières mais tu es arrivé. Ta mère était épanouie pendant sa grossesse, je dirai même rayonnante et j'étais tellement heureux que j'étais en permanence aux petits soins pour elle. Je pense qu'elle a vite pris l'habitude d'être ma priorité. Ta naissance a été le plus beau jour de ma vie, avant mon mariage et toute l'attention que je portais à ta mère, je l'ai reportée sur toi.

Je ne vois pas du tout où il veut en venir mais c'est vrai que ça me fait un bien fou de savoir qu'il m'a aimé à un moment de ma vie, comme un père et pas seulement comme un membre de ma famille parmi tant d'autres.

-Ta mère a fait un gros baby blues, elle a cessé de prendre soin de toi et j'ai dû embaucher une nounou à plein temps car j'avais peur qu'elle oublie de te nourrir ou de te changer. Elle a commencé à me faire des crises de jalousie et était persuadée que je ne l'aimais plus elle car je t'avais toi désormais. J'ai passé mon temps à essayer de la rassurer en pensant qu'avec le temps ça lui passerait et que son comportement cesserait une fois le baby blues fini. Mais ça n'a fait qu'empirer et j'ai dû prendre des mesures : Je l'ai menacée de divorcer. Elle n'a pas supporté et a eu tellement peur de se retrouver seule qu'elle m'a fait la promesse de faire des efforts vis-à-vis de moi et de toi. Je l'aimais alors je lui ai fait confiance. Elle a repris le travail, ce qui a aidé et s'est occupée de toi mais elle était froide et distante. Je ne pouvais rien y faire car je ne voulais pas te priver de ta mère mais j'étais parfaitement conscient que ses mouvements étaient automatiques, sans tendresse, sans amour même. J'ai voulu lui laisser du temps pour qu'elle s'attache à toi et j'ai fini par reporter ma frustration sur le boulot. J'aurai dû agir mais je ne l'ai pas fait, je me suis enfermé dans le travail. Les mois et les années ont passé et les nounous se sont enchainées mais ta mère, elle, n'a pas changé. Toute la tendresse dont tu as été privé, je la compensais par les cadeaux mais je suis parfaitement conscient que ça ne remplace pas l'amour d'une mère. Je ne voulais pas briser notre famille alors je me suis contenté de ce que ta mère voulait bien me donner. Elle a fini par prendre également ses distances avec moi mais j'ai fait comme si je ne m'en rendais pas compte. Quand tu as eu dix ans, ma mère m'a reproché de ne pas prendre soin de toi et nous a proposé à ta mère et moi, que tu emménages chez elle. Je n'ai pas réfléchi et j'ai tout de suite accepté sachant que tout l'amour maternel dont tu avais manqué, elle, elle saurait te le donner. Ne crois pas que je t'ai abandonné en te confiant à ma mère, je l'ai fait pour toi.

-S'il y a bien quelque chose que je ne te reproche pas, c'est d'avoir permis que j'emménage chez mamie.

-Le problème c'est que ta grand-mère cédait à tous tes caprices et que je voulais que tu parviennes à avoir un vrai travail. Mon rôle de père était de te construire un avenir donc je n'ai pas approuvé qu'elle te pousse à suivre ta formation de tatoueur et qu'elle te fournisse les locaux pour t'installer. Si je te raconte tout ça aujourd'hui, c'est pour que tu comprennes que j'ai fait des erreurs certes mais que tout ce que j'ai fait, a toujours été pour toi. J'étais incapable de la quitter et je me sentais coupable d'avoir plus d'amour pour toi que pour elle, alors j'ai laissé les choses empirer avec le temps. Sache que malgré le fait que je ne sois pas fan de ton métier, je suis fier de ce que tu es devenu et du fait que tu sois ton propre patron.

Putain !

-J'ai quitté ta mère, j'aurais dû le faire il y a longtemps mais c'est seulement après avoir appris que j'allais être grand père que j'ai compris qu'il fallait que je fasse quelque chose. Je refuse que ton enfant subisse ce que je t'ai fait subir. Je suis parfaitement conscient que ta mère ne m'était plus fidèle depuis des années et je m'en contentais car je pensais le mériter mais c'est terminé.

Alors là, je suis sur le cul.

-Tu l'as mises à la porte ?

-Pas tout à fait, je suis parti. Je lui laisse la maison et tout ce qu'elle contient, j'ai juste récupéré quelques affaires. J'ai emménagé dans l'appartement situé au dernier étage de la tour où est installé le parti politique. L'immeuble m'appartient donc ça ne pose pas de problème.

-Elle a réagi comment ?

-Egale à elle-même : elle a d'abord éclaté de colère puis elle s'est résignée pour finir par m'avouer que tu avais gâché sa vie. Je ne dis pas ça pour te blesser même si je suis conscient que c'est le cas, je veux juste que tu comprennes que ta mère est malade. Pas une maladie qui se soigne, mais elle n'a jamais été faite pour être mère et n'a jamais créé de lien avec toi. Elle agit vis-à-vis de toi comme si tu étais un parfait inconnu en concurrence avec moi. La seule véritable mère que tu as eu, c'était la mienne. Si je décide de te raconter tout ça aujourd'hui, c'est parce que j'ai l'espoir de pouvoir avoir une place dans ta vie et dans celle de mon petit-fils ou ma petite fille. J'ai fait énormément d'erreur et j'espère qu'un jour tu parviendras à me pardonner mais si ce n'est pas le cas, peux-tu faire en sorte que je fasse malgré tout partie de ta vie et de celle de ta famille ?

-Putain papa, tu réalises ce que tu me demandes ? Ce n'est pas comme si j'étais certain de parvenir à te faire confiance, vous avez brisé cette confiance avec toutes ces années d'ignorance.

-Je sais mais je vais essayer de la regagner si tu me laisses une chance de le faire.

-Il faut que je parle de tout ça avec Laura, il ne s'agit plus que de moi. J'apprécie que tu te sois déplacé pour parler de tout ça mais j'ai besoin de temps, tu comprends ?

-Oui parfaitement, voilà mes coordonnées et ma nouvelle adresse. Dit-il en me tendant une petite carte. J'ai changé de numéro de téléphone et c'est une ligne privée. Tu peux me joindre à tout moment ou passer chez moi, ok ?

Il se lève et me fixe en attendant mon assentiment. Je me lève à mon tour pour tenter de lire la sincérité contenue dans son regard désormais si expressif.

-Ok, je t'appellerai quand je serais prêt.

-Je peux ... commence t-il en me tendant les bras dans le but de me serrer contre lui.

-Non désolé.

Il recule déçu de la distance que je mets un point d'honneur à laisser entre nous, mais Laura intervient. Je me tourne vers elle et constate sans surprise que ces yeux sont remplis de larmes qu'elle contient difficilement. Saleté d'hormones !

-Moi je veux bien ! Dit-elle en se jetant dans les bras de mon père.

Sa petite tête repose contre le torse de mon père et ses larmes coulent maintenant librement sur ses joues, mouillant au passage la belle chemise de mon paternel. Lui affiche un sourire tendre, carrément conscient qu'il a déjà gagné le cœur de sa belle-fille et au passage une bonne partie du mien.

-Merci. Chuchote-elle contre son torse.

Après une longue minute elle se détache de lui. Il rejoint alors la porte d'entrée avec un dernier regard vers nous puis sort sans un mot de plus. Putain si quelqu'un m'avait dit que j'aurai un jour cette discussion avec mon père, je ne l'aurai pas cru.


 

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