Bonus 1

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Il est à une soirée
Elle est dans le coma
Il tente de l'oublier
Plus d'une fois

     T-shirt troué, cœur déchiré, pensées égarées parmi les cris des adolescents faisant semblant de s'éclater comme des dingues

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T-shirt troué, cœur déchiré, pensées égarées parmi les cris des adolescents faisant semblant de s'éclater comme des dingues. Certains sont tristes mais refusent de se l'avouer ou le cachent aux autres pour paraître normaux le temps de quelques heures. Certains ont le sourire jusqu'aux oreilles et ne peuvent s'empêcher de cacher leur joie, les fous rires et les larmes aux yeux remplies de bonheur. Et puis il y a les autres, le troisième type de personne. Il y a ceux qui se foutent de la vie au prix de leur propre vie.
Et il y a lui. Celui qui regrette. Celui qui est tombé bien bas mais qui est revenu de haut. Celui qui est tombé bien plus bas qu'il n'est tombé la première fois. Au point que cela en soit douloureux de tomber et de se redresser. Au point de se lever au milieu de la nuit et de se retenir de crier au monde entier que la vie c'est plus comme avant. Que la vie est morte.
Quand tu aimes une personne aussi fort que lui le fait pour elle, tu ne lui tournes pas le dos, tu vois qu'elle. Que cette personne parmi ces milliers. Quitte à souffrir et mourir pour elle.
Il tire une énième fois sur le joint avant d'expirer, la tête basculée en arrière. Il se laisse aller, coucher sur le dos à respirer en espérant que l'air frais de la nuit ne le tue. Mais l'air frais ne fait que le soulager de la chaleur. La musique est assez forte et les voisins ne peuvent pas se plaindre puisqu'il n'y en a pas aux alentours de cinq kilomètres. Qui n'aime pas les soirées d'été comme celles-ci ? Ces soirées où ne pensent qu'à s'amuser et où on ne pense pas au lendemain. Où nous pouvons profiter pleinement de la vie sans se préoccuper de notre avenir et au retour de toutes ces heures assis sur une chaise. Qui n'aime pas ces soirées où tout le monde est pratiquement bourré jusqu'à en délirer ?
     Ses yeux fixent le ciel étoilé, étant dans la même position que Jesus Christ sur sa croix. Ses amis se moquent de lui mais il ne les écoute pas, perdu dans ses pensées les plus profondes. Des bandages couvrent ses deux avant-bras, des tâches rouges commençant à apparaître sur les bandes blanches. Mais personne ne lui pose de questions, comme si tout le monde s'en moquait et au fond, tout le monde se moque de la vie des autres . Tout le monde s'en fout puisque l'homme est un être égoïste et incapable de penser pour les autres. L'être humain pose ces questions « comment ça va ? » sans même s'intéresser à la réponse. Qui veut savoir si nous allons bien ? Personne, cela n'intéresse personne. Ceux qui prétendent le contraire sont des menteurs.
     Il se redresse et accepte ce que l'un de ses amis lui donne. L'objet est une surface lisse, plate et sans forme où se trouve une poudre blanche en ligne. Il inspire quelques secondes avant de fumer deux autres drogues et de boire deux gorgées de bières.
Ses amis lui disent d'y aller doucement, tout en rigolant tandis que quelques filles, encore sobres, gloussent à l'autre bout du jardin en les regardant. Elles espèrent attirer l'attention mais les garçons ont les yeux rivés vers toute cette drogue. Des yeux rouges, des cernes violets. Il se laisse tomber sur le dos, toujours les bras écartés de son corps.
- T'as fait quoi à tes bras ?
Les conversations s'arrêtent et la musique espagnole semble plus forte que tout à l'heure. Cette question ne lui avait jamais autant fait mal auparavant. L'air frais rafraîchissant la nuit ne lui avait jamais semblé aussi froid, jusqu'à lui en donner des frissons.
Mais il ne dit rien parce qu'il ferme doucement les yeux. Peut-être pour apprécier l'effet de toutes ces drogues sur son corps. Peut-être pour respirer pleinement au point de s'en faire mal les poumons. Le ciel étoilé ne lui avait jamais paru aussi lumineux et ses avant-bras ne l'avaient jamais autant piqué depuis qu'il s'est mutilé. Il s'est fait mal jusqu'à en perdre le contrôle, jusqu'à ce que la douleur soit plus douloureuse que la douleur elle-même. Mais cette douleur est un réel soulagement de joie, de satisfaction. C'est se sentir libre sauf que nous ne le sommes jamais.
- Alors ? insiste l'un de ses amis.
- J'ai fait ce que je devais faire.
- Le philosophe est de retour ! crie l'un de ses amis avant d'embrasser une fille.
     Il ne cligne pas d'un œil et continue à regarder le ciel de pensées vagabondes. Il pourrait pleurer mais pas devant eux, ils ne comprendraient pas. Ceux qui sont dans la même situation sont les seuls à comprendre. Un des amis au mutilé reste sceptique à la signification de la phrase du mutilé. Il plisse les yeux en l'examinant. Trop pâle, trop maigre, trop cerné. L'adolescent couché dans l'herbe et aux bras tendus à l'horizontale a les joues creuses, les lèvres plissées, comme s'il attendait une réponse du ciel. Il n'est pas croyant mais son esprit prie pour le retour de sa bien aimée.
Ses yeux font des allers retours entre chaque étoile et la lune, tandis que la musique devient de plus en plus forte. Une fille semblable à la soi-disante meilleure amie de la comateuse s'approche de lui en minaudant. Il se redresse et détourne le regard des étoiles. Ses amis sifflent, rigolent, fument et boivent tandis que la fille vient s'assoir sur les cuisses du garçon. Celui-ci ne dit rien et se contente de dévisager la fille.
« Je pourrais la baiser, je pourrais. Mais je ne peux pas, je suis bien trop faible pour le faire, bien trop dévoué pour elle. Ma raison de vivre. » pense-t-il. « Ça me fait mal au crâne. »
Il la repousse et elle tombe sur l'herbe, le regarde en fronçant les sourcils tandis que ses amis éclatent de rire. Humiliée, voilà ce qu'elle est à présent. Il grince des dents, hors de question de tromper l'une des rares personnes qu'il aime plus que tout. Il le fait pour elle, pas pour les autres. Il le fait pour lui parce qu'il aime plus que tout. Il a trop peur de croire en l'avenir car son propre malheur frappe son bonheur de plein fouet depuis un petit moment déjà.
Il tire sur une latte puis enchaîne trois gorgée de bière.
- Calmos Winter, tu vas crever si tu continues, dit quelqu'un en lui retirant la bière des mains.
- Qu'est-ce que cela peut faire ? Je suis déjà mort, ricane-t-il à voix haute.
Il est sur le bord de vomir. Il remarque le silence assourdissant autour de lui et tous ses amis le regardent avec un air inquiet, pour la première fois de leur vie. Et il sait qu'ils ne poseront pas de question, qu'ils ne feront rien. En général, personne n'essaie de se préoccuper des problèmes des autres, personne ne le veut, personne n'aime les problèmes.
Ses mains se mettent soudainement à trembler et il ressent l'absolu besoin de soulager cette douleur si terrifiante qui émane de son cœur. Douleur qu'il aimerait ne pas ressentir et qu'il aimerait soulager. Il serre les dents en pensant à ce qu'il aimerait faire. Les autres détournent le regard et reprennent leur occupation initiale.
Perdre le contrôle, c'est ce qu'Ulrich sait mieux faire en ce moment.

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