Bonus 2

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On fait souffrir les autres pour se procurer du bien

04.09.18

     Il rentre tard le soir

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     Il rentre tard le soir. Il claque la porte sans se préoccuper si ses sœurs et sa mère dorment. Il sait très bien qu'elles ne dorment pas, elles ont bien trop peur qu'il ne rentre jamais à la maison. Il voit un peu flou mais semble parvenir à tenir debout, à retirer ses chaussures. Sa cheville craque quand il fait un pas vers les escaliers et une lumière éclaire soudainement le couloir. Sa mère apparaît en haut des escaliers, les bras croisés sur sa poitrine, le regard injectant le plus de colère possible envers son fils.
Ce dernier ferme les yeux le temps de trois secondes avant de regarder sa mère avec un sourire mielleux.
- Il est quatre heures du matin.
Rien qu'au ton de sa voix, on peut devenir qu'elle est très en colère.
- Ah bon ? Je croyais qu'il n'était que deux heures ! fait-il semblant de ne pas savoir.
- Arrête de te moquer de moi ! crie-t-elle soudainement.
Il hausse les épaules et monte les escaliers. Ulrich se tient debout face à sa mère maintenant et il est bien plus grand qu'elle.
- Où est-ce que tu étais ? demande-t-elle.
Son fils ricane et la contourne pour rejoindre sa chambre, gagner son lit. Elle le tire en arrière en empoignant son avant-bras et il pousse un gémissement de douleur sous la pression des doigts de sa mère contre ses scarifications. Sauf qu'elle ne sait rien à propos de cela.
- Où étais-tu ? hurle-t-elle.
- Maman ?
C'est Maya, la deuxième de la famille, le visage engloutie par le sommeil qui apparaît dans le couloir. Elle n'a pas besoin de demander pourquoi sa mère crie puisqu'elle connaît déjà la réponse. Maya lance un regard à son frère qui essaie de lui faire un sourire rassurant.
- Je suis fatigué, dit Ulrich. Laisse-moi tranquille maintenant.
Il se dégage de son emprise et claque la porte de sa chambre sans que la mère ne puisse faire quoi que ce soit. Maya, silencieuse, retourne se coucher en soupirant.
Une énième dispute mais sûrement pas la dernière.

***

La mère d'Ulrich ouvre la porte de sa chambre et entre dans cette dernière à deux heures et demi précisément. Elle ouvre les volets et laisse entrer l'air chaud pour quelques secondes, histoire que cela ne sente pas mauvais dans la chambre de son fils. Ce dernier râle en lançant un regard atroce à sa mère alors qu'il était réveillé depuis bien longtemps mais avait tout simplement pas envie de se lever.
- Ne crois pas que je ne suis plus en colère, dit sa mère en quittant la chambre.
- Qu'est-ce que tu en as à faire ? hurle-t-il. Nous sommes en vacances, maman !
     Elle revient dans sa chambre et tire la couette au sol. Son fils se redresse sur ses coudes, paumes vers le plafond, torse nu.
- Quoi ?
- Lève-toi.
- Pourquoi ?
- Lève-toi, tout de suite !
     Il penche la tête en arrière avant de poser les pieds par terre et grogner. Il lui lance un regard noir tandis qu'elle s'approche de lui et pointe son doigt contre son torse, l'air menaçant.
- Je ne sais pas ce qu'il t'arrive : tu rentres tard le soir, tu reviens complètement à la masse, et tu te blesses ! Mais qu'est-ce qu'il t'arrive à la fin ? crie-t-elle, sur le point de pleurer.
     D'un coup, la culpabilité d'Ulrich l'envahie jusqu'au plus profond de lui. Il voit les yeux de sa mère, humides et remplis de tristesse. Il ravale sa salive qu'il gardait coincé au fond de sa gorge et prend sa mère dans ses bras, un peu brutalement. Il la serre contre elle comme il ne l'a jamais fait auparavant. Il regarde l'état de ses mains dans le dos de sa mère, elles sont abîmées et il ne sait pas pourquoi elles sont dans cet état. Il ne se rappelle pas non plus de ce qu'il a fait la nuit dernière, il sait seulement être allé à une soirée et s'être retrouvé dans son lit. Il ne se souvient plus vraiment de ce qu'il a fait. La seule chose qu'il sait est que ses bandages sont toujours présents, Ils n'ont pas bougé.
     Il pousse un soupir de soulagement puis se détache de sa mère en évitant son regard et s'enferme dans sa chambre. Il prend une douche rapidement, enfile des vêtements légers qui ne tiennent pas chauds. Bien sûr, il envoie de messages à la personne qu'il aime tant, à ça oui, il aime Ambre plus que tout au monde. Ulrich se souvient de ses nombreux moments de faiblesse et se souvient de toute cette douleur qui le traverse. Il se souvient d'Ambre sur le lit d'hôpital, le visage blême, trop pâle. Il se souvient de son chagrin et il aurait pleuré sa mort si elle était partie.
- Tu viens dans la piscine ?
     Il tourne le regard vers sa sœur, Maya, qui a les lèvres pincées en regardant ses bandages.
- Non désolé.
- Bien sûr.
     Elle ricane, il lève un sourcil.
- Comme si tu pouvais te comporter normalement le temps d'une seconde, crache-t-elle. T'es qu'un pauvre égoïste qui fait plus de mal que de bien. Tu nous fais subir du mal au gré de ton propre mal, ton comportement est plus qu'inacceptable ! Même quand papa était encore vivant tu étais un pauvre con ! T'es même pas capable de faire signe de présence dans cette maison depuis le jour où tu as commencé à te droguer, lors de ta deuxième année au lycée. Tu me dégoûtes Ulrich.
C'est comme recevoir un coup dans le cœur mais en plus douloureux. C'est douloureux mais elle passe. Parce que sa sœur n'a pas tord, parce qu'elle a raison. Il pourrait tout casser par l'évocation de leur père mais il en est incapable. Incapable parce qu'il se sent plus faible que jamais maintenant.
     « Que suis-je à présent ? » se demande-t-il. « Où est passé le gars qui faisait peur à tout le monde ? Où est celui dont tout le monde craignait rien que par son nom ? Où est celui qui était fort et qui ne laissait rien paraître ? »
Il envoie un message à Ambre et monte dans sa chambre pour enfiler son short de bain. Il ne voulait pas en venir jusque là mais il n'a pas vraiment le choix. Ulrich a le cœur qui bat trop rapidement et qui résonne dans son crâne. Il a du mal à respirer mais fait de son mieux, ses mains tremblent. Il doit le faire, ils finiront par le voir un jour ou l'autre de toute manière. Que ce soit maintenant, dans quelques jours ou dans quelques mois, ils sauront.
Il s'assoit sur un transat et le soleil frappe immédiatement sa peau frêle. Maya et Anna ne manquent pas de regarder leur grand-frère tandis que leur mère s'approche de lui.
Ulrich desserre les bandages, les déroule, laissant apparaître les blessures, enfin. La chaleur de l'air lui pique les marques mais il ne bouge pas. Il se contente de grincer des dents quand il retire le deuxième bandage à son autre avant-bras.
Et les marques de souffrance visibles aux yeux de tous paraissent plus grandes que jamais. Les marques de mutilation ne partiront jamais, bien trop profondes, bien trop encrées. Des traits, des traits, des traits et encore des traits. Du sang. Et l'horreur dans les yeux de la mère, l'horreur qu'Ulrich voit dans ses yeux. L'horreur que voit Ulrich dans les yeux de ses deux petites sœurs et de sa mère qui elle, se met soudainement à pleurer. Ils se fixent droit dans les yeux, Ulrich ne parvenant pas à s'excuser, même du regard.
- Mais qu'est-ce que tu as fait ? souffle-t-elle.
Il serre la mâchoire et à ce moment, sa mère se met soudainement à donner des coups sur son torse avec le plus de puissance possible dans ses gestes mais ils paraissent faibles aux yeux d'Urich. Des coups, encore et encore. Tout en criant, tout en exprimant la rage qui émane d'elle. Maya et Anna restent témoins de cette violence peu douloureuse pour Ulrich.
Il a connu pire.
Et elle continue et cela brise le coeur d'Ulrich de la voir dans cet état. Maya a raison quand elle l'insulte d'égoïste. Il voulait se faire du mal pour se sentir bien, peu importe si cela fait du mal aux autres, il voulait simplement aller mieux. C'est ce que les humains font, ils passent leur bonheur avant tout, avant les autres. Mais ils font semblent d'être heureux pour se sentir mieux, pour se sentir exister, ils portent des masques qui expriment différentes facettes.
- Mais comment est-ce que tu as pu nous faire ça ? Qu'est-ce qui ne va pas ? hurle-t-elle. Pourquoi est-ce que tu as essayé de te suicider ? Pourquoi est-ce que tu te fais du mal ?
     Elle a arrêté de le frapper mais continue à pleurer, les joues rouges. C'est la première fois de sa vie qu'Ulrich fait pleurer sa mère et pourtant, il en a fait des bêtises. Un bon nombre d'ailleurs mais il ne l'avait jamais fait pleurer jusqu'à aujourd'hui.
- Mais qu'est-ce que tu as fait ? hurle-t-elle encore une fois de plus. Tu cherches à mourir c'est ça ? Que faut-il que je fasse pour tu arrêtes ? Tu veux aller voir un psy ?
     Il avale difficilement sa salive quand les larmes de sa mère coulent un peu plus le long de ses joues. Voilà pourquoi il ne voulait pas retirer des bandages. Parce qu'il ne voulait pas faire de mal à sa mère plus qu'elle n'a déjà mal. Maya a raison et en même temps non. Ulrich est égoïste mais il ne l'est pas totalement, la preuve, il n'a jamais souhaité faire pleurer sa mère, n'a jamais souhaité à ce qu'elle le regarde avec haine.
- Tu veux être mort, comme ton père ? Qu'est-ce qu'il ne va pas chez toi pour te comporter égoïstement ? As-tu pensé à tes sœurs et moi ? Que serions-nous devenues sans toi ? As-tu pensé à la souffrance que tu allais laisser derrière toi ? hurle sa mère.
     Elle injecte le plus de haine possible dans son regard et dans ses paroles avant de s'en aller à l'intérieur, en pleurant comme elle ne l'avait jamais fait. Ulrich aurait bien aimé la retenir, la prendre dans ses bras mais il n'en a pas la force. Elle est partie depuis longtemps maintenant.
     Maya et Anna regardent Ulrich les yeux grands ouverts, choquées. Leur frère serre les dents aussi fort que possible.
- Tu me traites d'égoïste mais si j'ai caché toutes ces blessures, c'est parce que je ne voulais pas lui faire du mal. Et ça tu vois Maya, ce n'est pas égoïste.
     Il passe les mains dans ses cheveux et tente de ne pas perdre le contrôle mais il sait bien qu'il l'a fait plus d'une fois. Il claque la porte de sa chambre et essaie de se contrôler, de se maîtriser pour la énième fois du mois.
Il pourrait crier, hurler mais tout ce qu'il fait est glisser au sol.

SMS MortelsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant