Chapitre 3

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Je rentrai en trombe dans l'appartement et claquai la porte d'entrée derrière moi, me fichant complètement de ce que pouvaient penser les voisins de ce raffu à trois heures de matin. J'enlevai rageusement mon blouson de moto, sous lequel j'étais seulement en soutien-gorge. A cause de cet imbécile d'Alpha qui avait gardé mon débardeur. Je grognai de frustration en pensant à lui. Il empiétait sur mon territoire avec sa foutue meute, et osait me virer de MA forêt. Je me précipitai dans ma chambre pour me mettre en pyjama. D'habitude, je revenais chez moi vers six heures du matin lors des nuits de pleines lunes, après une longue partie de chasse ensolitaire qui apaisait ma faim. Mais, à cause de lui, j'avais été obligée de m'échapper de mon propre territoire. Acause de lui, je n'avais plus de forêt dans laquelle me réfugier, dans laquelle me dégourdir les pattes, dans laquelle chasser et hurler à ma guise. A cause de lui, je n'avais plus de territoire, plus de proies, plus de liberté...

J'étouffai le hurlement de rage qui montait en moi et inspirai un bon coup. Je baissai les yeux et me rendis compte que j'avais réduit un de mes oreillers en charpie avec mes griffes sorties, sous le coup de la colère. Je soupirai, maudissant cet Alpha et sa meute ainsi que ces satanées émotions de pleine lune. Je ramassai toutes les plumes éparpillées sur mon lit en grognant, et soudain, je sentis quelque chose couler de ma bouche. C'était amer et visqueux. Je m'essuyai la bouche du dos de la main. Ce liquide était étrange, c'était noir comme de l'encre. J'avais jamais vu ça de ma vie. Je soupirai et me rappelai soudain que, le lendemain,c'était la rentrée pour les élèves de première. Ma rentrée. Je gémis de désespoir. Je n'avais aucune envie de retourner dans ce lycée de malheur.

Mon ventre gargouilla terriblement. J'avais besoin de viande maintenant, ou la louve en moi ne supportera plus le manque de chair et je pèterais les plombs. Je me précipitai donc dans la cuisine spacieuse et ouvrir le grand frigo. Je saisis une entrecôte de boeuf, arrachai l'emballage et la dévorai. Crue. Ce n'était pas aussi bon qu'un cerf fraîchement tué, mais je grondai de soulagement. Pourtant, la louve en moi réclamait plus de viande. Alors je retournai au frigo pour prendre un gros poulet entier, non vidé. Je fis sortir mes crocs et arrachai la tête pour la faire craquer entre mes machoires. Ensuite, je dévorai toute la chair, séparai la carcasse en deux parties pour engloutir les organes et rongeai les os jusqu'à pouvoir manger la moelle.

Je pris une patte du poulet pour la macher, mais soudain j'entendis des hurlements de loups. Je m'interrompis, et sortis de la cuisine pour aller sur le large balcon de l'appartement. J'entendai clairement que ces hurlements provenaient de MA forêt. Ces loups semblaient unis et soudés, leur voix n'en formaient qu'une, de sorte que je n'arrivai pas à deviner combien ils étaient. Peut-être vingt, trente,cinquante ou seulement dix? Leurs hurlements étaient joyeux, si profonds. 

Je me brossai les dents et me jetai dans mon lit, m'enveloppant dans mes draps. Ce n'était pas à mon habitude de me coucher à quatre heures du matin dans une nuit depleine lune, mais je n'avais rien d'autre à faire. Hors de question de sortir pour écouter ces stupides hurlements de meute. Je fermai les yeux et somnolai.

Au bout d'un moment, un soudain haut-le-coeur me réveillai. Je me levai rapidement et me précipitai dans ma salle de bain pour vomir dans le lavabo. Je me figeai. J'avais vomi cette substance noire et amère, et le lavabo en était à présent tout dégoulinant. Je n'avais aucune idée d'où elle provenait. J'allumai le robinet pour le rincer, mais je me rendis compte que mes mains en étaient couvertes. Elles étaient noires, alors qu'elles n'avaient eues aucun contact avec cette substance. Prise d'une terreur soudaine, je les frottai nerveusement avec du savon et de l'eau, mais je n'arrivais pas à m'en débarrasser, comme si le noir était incrusté dans ma peau. Je fermai des yeux un instant, et le noir disparu, comme par magie. Même le lavabo était comme neuf. Curieusement, l'eau avait cessé de couler, alors que je n'avais pas éteint le robinet. Mais autre chose était bien plus inquiétant : mes mains étaient blanches. Ma peau entière était blanche, plus blanche que mon teint habituel, presque diaphane, d'une pâleur mortelle.

Je fus prise de panique. Je n'arrivais plus à respirer, mon souffle était comme bloqué. Cela me rapela l'époque où j'étais asthmatique, avant ma métamorphose en loup-garou. Saisie d'un mauvais pressentiment, je levai lentement les yeux vers le miroir. Mon reflet était une vision d'horreur.

J'étais diaphane, le liquide noir coulait de mon nez, de mes oreilles et débordait de ma bouche,mais le pire, c'était mes yeux. Ils n'avaient plus rien d'humain, ni même d'animal, d'ailleurs. Ils étaient entièrement noirs. D'un noir obscur et sans vie. D'un noir démoniaque. D'un coup, je ne ressentis plus rien. La terreur qui s'était emparée de moi avait disparue. Toute trace d'émotions, de sentiments, de sensations...tout avait disparu. Je ne ressentais rien, rien qu'une obscurité sans fin, aussi noire que mon coeur. Qui ne battait plus,d'ailleurs. Je n'étais plus vivante, mais pas tout à fait morte.

Soudain, j'entendis une voix inhumaine qui résonna dans ma tête.

"Venges-toi."

Je me réveillai en hurlant de terreur. Je me redressai brusquement et regardai autour de moi, tentant de retrouver mon souffle. Je posai la main sur mon coeur, et inspirai. Une fois que je fus un peu calmée, je comptai mes doigts pour être sûre d'être dans la réalité. Dix. Je soupirai de soulagement. Je n'avais jamais fait de cauchemars aussi réels de toute ma vie. C'était la première fois que je ressentais une telle terreur depuis longtemps. Je sentis quelque chose couler de mon nez. Je saisis un mouchoir pour me l'essuyer et me figeai. Il était humide d'un liquide noir.



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