Dark Wolf

Chapitre 10

Je retirai mes vêtements à l'abri d'un grand buisson et me transformai en louve. Puis je me concentrai sur les multiples odeurs environnantes, en quête de gibier à se mettre sous la dent. Je finis par tomber sur la piste d'un chevreuil, et parcouru un bon kilomètre pour le retrouver, broutant et grattant le sol au pied d'un gros chêne. Je me plaquai au sol et avançai doucement sur la pointe des pattes. Il me repéra et partit en galopant. Tant mieux. Lorsqu'un loup s'attaque à une grosse proie, il doit d'abord la poursuivre jusqu'à ce qu'elle soit épuisée, et profiter de sa faiblesse pour l'achever. Je me mis donc à la poursuite du chevreuil, en claquant des mâchoires et en grognant pour qu'il soit encore plus effrayé et donc qu'il s'épuise encore plus. Je le suivis de près dans ses virages soudains et dans ses accélérations.

Au bout d'une bonne heure de course-poursuite, la proie finit enfin par ralentir. J'arrivai à voir ses frêles jambes trembler, et soudain elle se tordit un sabot dans un trou. Je profitai de cette faiblesse pour accélérer d'un coup, et bondis en refermant mes mâchoires sur son flanc. Le chevreuil se débattit d'abord, puis il s'écroula au sol, haletant.Je l'achevai en plantant mes crocs dans son cou et léchai le sang chaud qui s'écoulait.

Soudain, une masse lourde me percuta en plein fouet. Je me retrouvai plaquée au sol par deux puissantes pattes. Une louve brune foncée et robuste me dominait de toute sa hauteur, ses crocs acérés à un poil de ma truffe.

- Oui...? lâchai-je avec ironie en language loup.

- Cette proie m'appartient, grogna la louve.

- Ah ouais? C'est qui qui l'a traquée pendant plus d'une heure et qui vient de la tuer? C'est toi peut-être? Répliquai-je.

- Et c'est qui qui vient de la tuer sur notre territoire? On dirait bien que c'est toi, chérie, ajouta l'autre du même ton.

- Tiens, tu me rappelles quelqu'un...

- Sienna ! Qu'est-ce que tu fais ? Intervint justement la voix d'Ethen. Lâches-la.

La prénommée Sienna finit par me lâcher en me jetant un regard assassin.

- Elle nous a volé une proie et l'a tuée sur notre territoire.

- D'où je suis sur votre territoire ?! M'indignai-je.

- Regardes autour de toi, pauvre idiote ! Aboya la louve.

Je me rendis compte que j'avais franchi la limite de ma partie en poursuivant le chevreuil.

- Ce chevreuil venait de ma partie, je l'ai traqué depuis là-bas. Donc, cette proie m'appartient, me justifiai-je.

- Tu l'as tué sur notre territoire, gronda Sienna, prête à me sauter à la gorge.

- Déjà, à l'origine, tout ceci est mon territoire !

- Elle a raison, s'ajouta la voix d'Adyson qui apparut à son tour. Je l'ai vue traverser la frontière en le poursuivant. Il est plus juste de la laisser repartir avec un avertissement.

Ethen se tourna vers elle etdit:

- Si tu l'as vue traverser la frontière, pourquoi tu n'est pas allée tout de suite me prévenir?

- Je l'ai laissée pour qu'elle puisse achever sa proie. Ensuite, je comptai la renvoyer avec son butin. Je ne voulais pas interrompre sa chasse, avoua-t-elle.

- Elle a violé les frontières de notre de territoire ! S'insurgea Sienna. Et tu l'as laissée faire.

- A l'origine, c'est nous qui avons violé son territoire, lui rappela Adyson avec calme.

Les deux autres se turent, les yeux écarquillés, surpris par ce qu'elle venait de dire. J'eus envie de sourire.

- Eh ben voilà, elle au moins, elle a compris ! M'exclamai-je pour les énerver.

- Tais-toi, grogna Ethen.

- C'est tout ce que t'as à dire pour ta défense ? Crachai-je.

- Arrêtez, trancha Adyson. Jade, on te laisse partir avec un avertissement.

Ethen se planta vivement devant elle, agacé qu'elle prenne cette décision toute seule, et gronda :

- C'est moi qui donne les ordres, retourne au camp, Ady.

- Non, je reste ici, répondit-elle avec détermination.

Il s'avança jusqu'à quelques centimètres d'elle et répéta d'une voix plus dure:

- Adyson Fox, retourne au camp.

Elle soutint son regard, les poings serrés. Je sentais une grosse tension entre les deux amis qui, quelques jours auparavant, étaient très intimement liés d'amitié. Ethen déploya soudain son aura de dominant, car la rouquine la provoquait du regard. Celle-ci finit par se détourner, vaincue par l'aura imposante de son supérieur, et lâcha d'une voix glaciale:

- Bien évidemment, Alpha.

Je vis la mâchoire d'Ethen se contracter tandis qu'il la voyait disparaître entre les arbres. Il semblait profondément contrarié par le comportement d'Adyson. Il jeta un regard désolé à Sienna, puis se tourna vers moi en soupirant :

- On te laisse partir avec ta proie pour cette fois-ci, mais on t'avertit : la prochaine fois, ce ne sera pas aussi facile.

Je levai les yeux au ciel en soupirant, puis entreprit de tirer mon chevreuil jusqu'au coté de ma frontière sous les yeux attentifs d'Ethen et de Sienna.

*

Je me léchai les babines, la carcasse du chevreuil dénudée de toute chair. Je m'ébrouai et me changeai sous forme humaine, puis me rhabillai.

Soudain, mon ouïe surdéveloppée perçut un craquement au loin. Puis des pas dans les feuilles mortes. Je me figeai, puis m'approchai le plus silencieusement possible de la source des pas. J'aperçus une silhouette humaine et étrangère au loin. J'avançai encore, énervée que quelqu'un empiète le peu de territoire que j'avais. L'étranger se retourna vers moi, m'aperçut et s'enfuit à toute vitesse.

- Hé ! criai-je avant de me mettre à sa poursuite. Attendez !

Je courus aussi vite que je le pouvais, car j'arrivais encore à voir la silhouette en fuite.

Mais je ne voyais pas ce qui m'attendait. Et des mâchoires de fer se refermèrent sur ma jambe.