En cliquant ci-dessus, vous entendrez l'Andante du trio opus 100 de Schubert, parfois évoqué sous le nom de « Trio Barry Lyndon », célèbre film de Stanley Kubrick (d'après un roman de Thackeray).
Il s'agit d'une musique et non d'un visuel, pour que vous puissiez l'écouter en lisant. Au fil de la lecture, vous allez découvrir pourquoi...
Un roi, ça fait quelqu'un à qui se plaindre, par exemple de la rudesse du voyage. Parce que la haute mer, ça roule et ça tangue. Quand ça remue, le pont devient inhospitalier. Il n'y a plus que les soutes, certes bien ventilées, mais aveugles, lumières clignotantes et mal de mer, qui passe et qui revient.
Heureusement qu'on est en janvier, été austral, nuages épars et chaud soleil, malgré le vent marin.
Pour nous aussi c'est dur. Routes maritimes à gros trafic. Lorsqu'on a le pont grouillant, pas question de croiser un cargo de trop près. Faut respecter les quarts et les procédures, vigilance de chaque instant. Excédent d'âmes et déficit d'expérience.
Faut aussi être en contact avec les autres, qu'on arrive à destination pile poil au même moment. Sans parler de Nora et Caroline, qui bossent comme des malades à soigner les leurs.
Madou a obtenu le droit de circuler partout. On le voit d'en bas courir derrière la vitre de la timonerie, me parler, c'est-à-dire accéder au Pacha, tenir la barre, rire, sauter. Il est en contact avec le ciel. Il en trimballe l'auréole dès qu'il redescend sur le pont.
Sa famille : mystère. Il répond aux questions par un sourire qui se voile si on lui dit « Neene » ou « Yumma »*. Faut pas le toucher, même s'il glisse sa main dans la nôtre, de longs moments, pour la lâcher sans crier gare, et s'en aller sans tourner la tête.
Il a un faible taiseux pour Vivi, qu'il rejoint dans la salle machine. Au son des turbines et dans l'odeur de cambouis, Vivi a entrepris de lui lire les Misérables, par extraits, dans son édition rouge, maculée de partout, qui ne le quitte jamais, avec les dessins du père Hugo.
Il passe aussi du temps avec Dominique, question après question. Au bout d'une semaine, il fait plein de trucs, futés parait-il, à l'aide d'un clavier. Il ne lâche aucune réponse. Il ne pose jamais deux fois la même question.
Madou vénère Aristide, le seul dont il tolère la main sur sa tête. Le soir, il s'endort la tête posée sur ses genoux, à l'écouter lui fredonner des berceuses.
Il aime dialoguer avec « Aïcha Yumma ». Vers neuf heures, tous les matins, elle lui récite Al-Fatiha, vite fait. Puis elle écoute sa journée passée, demande s'il s'est douché, s'il a donné son boubou sale à la laverie, s'il s'est lavé les mains avant de manger. Elle lui recommande d'éviter de se gratter sous le plâtre, de bien s'essuyer les fesses quand il faut, de ne pas se mettre les doigts dans le nez...
Un matin, une fois passé le cap de Bonne Espérance, Tomy s'exclame « C'est pas vrai : regarde ! ».
Madou, avec ses copains, se sont fabriqué une tenue Ben Asteck**, moustache et favoris à la craie rouge, poncho noir et chapeau de paille. Et ils rejouent la poursuite : hydravion, hélico, Helbronner entre les mas de charge, sur les cordes à linge, schuss sur pont et, pour finir, escalade des Drus sur la face nord de la passerelle.
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3. Opération Criquets
Художественная прозаPaul et Nora, nos époux désormais épris, pensaient pouvoir enfin... Mais c'était sans compter... sans compter avec les « criquets », les « criquets » des Chinois alliés aux Calabrais. Autrement dit de pleins cargos tout bourrés d'immigrés, des cargo...