Je tente de remercier Amédée, avec mes restes de latin :
– Gracias Amadeus ! (Merci Amédée !)
– Nihil suavius. (De rien, mon cher.)
– Ablare latinum difficile per me est. (Parler latin difficile pour moi est.)
– Ita video ! (C'est visible !)
– Etiam cum video pervenirebo nunquam... (Même avec la video, j'y arriverai jamais...)
– Je vois, mais le français encore je comprendre...
A la revoyure, mon pote. J'espère bien qu'on n'en a pas fini tous les deux, et que je trouverai un jour un ascenseur à te renvoyer, à même ton trottoir.
Nora m'a bipé, un SMS : « Colis arrivé, rapplique ».
Pour commencer, Montreuil, rue Babeuf. Martin est encore là. Au café du coin, une bière en main, je lui résume l'épisode Amadeus & Albanus. Il est plié de rire, avec le coup du latin surtout, et pis de penser au Tomy, en tôle, cervelle en bouillie, moral en chaussettes.
Salut mon pote. A la revoyure aussi. Pour Notre-Dame-des Landes, j'ai pas oublié ma promesse. On fera ce qu'on pourra. Promis.
Je renfile mon accoutrement prof de math, cartable cuir défoncé, lunettes cerclées, mèches folles, pantalon de velours, parca bleue à capuche... Et je reprends mon chemin de ruelles jusqu'à Bagnolet, 35 rue Sadi Carnot, immeuble Epidendrum, premier étage, porte 103.
Nora est là qui m'attend.
Putain, ce que ça fait plaisir de se revoir ! On ne trouve plus les mots, mais y en n'a pas besoin. L'absence assaisonnée d'angoisse a creusé un de ce ces vides... qu'il nous faudrait plusieurs vies pour tenter de le combler.
Je voudrais bien la garder un peu plus dans mes bras qui sanglote, mais on a du travail qui nous attend. Et puis elle veut des détails. Rebelote donc, bien lovés sur le canapés : Martin et les Zadistes, Sophie et son Philippe, Amédée et son latin, Alban, in whisky veritas, dégustant le Tomy, glaçon pilé, à petites gorgées, Villeneuve et le Président, qui nous ont jetés, fusibles usagés.
Général, Villeneuve, Président, ils ne valent pas mieux que les Nababs ou les tycoons. Une balle dans l'arrière du crâne, ou un troupeau de chameaux perdus dans le désert, ils ne méritent rien d'autre.
Heureusement qu'au passage il y a les Lemaître, Martin, Alban, Amédée, fêlés & Co, sans oublier Vivi, Aristide, et Madou.
Madou, qui s'en souvient encore de celui-là ? Son cadavre est à peine froid qu'il a sombré dans leurs marais d'indifférence. Un orphelin d'Afrique, tout nu, tout noir, tout rien, allongé, linceul blanc, sur une table de jeu, Venetian, Macao. Madou, pont Nobre de Carvalho, tête fracassée par une balle.
« Couilles molles », qu'il aurait dit, avec une petite moue de dédain, « couilles molles », en chaussons, robe de chambre, tisane et thermomètre au fion, courant alternatif, branché sondages.
Opération Cactus, on verra plus tard. Pour commencer, opération Désherbage, retrouver l'équipage.
Direction quatrième sous-sol, cave blindée, murs blancs et nus, lumière crue, fond sonore de canalisations qui gargouillent bien fort, pour étouffer les gémissements. Le général Jean-Charles de Liévy nous attend, exfiltré la veille de l'hôpital militaire du Val-de-Grâce par notre ami l'adjudant Lemaître.
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3. Opération Criquets
Ficción GeneralPaul et Nora, nos époux désormais épris, pensaient pouvoir enfin... Mais c'était sans compter... sans compter avec les « criquets », les « criquets » des Chinois alliés aux Calabrais. Autrement dit de pleins cargos tout bourrés d'immigrés, des cargo...