3. Istanbul

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Au déjeuner, Medhi est parvenu à regrouper quelques infos. Quatre vieux pétroliers bien fatigués, classe Aframax*, les plus courants, dans les cent mille tonnes environ, ont quitté il y a un mois les chantiers navals de Tuzla**, mer de Marmara, à côté d'Istanbul. Un autre est toujours à quai.

Ils ont apparemment fait l'objet de travaux bizarres, avec modification du dessin de la ligne de flottaison et réaménagements intérieurs intensifs. Ils sont maintenant à l'ancre, l'un dans le port d'Assab, en Erythrée, deux autres vers l'Afrique de l'Ouest, Lagos et Douala, et le dernier dans notre bonne vieille centrale de Sugosü, golfe d'Antioche***.


Le chantier naval en question, Tuzla Shipyard Corp., est à capitaux turco-chinois. Les travaux ont duré près de six mois et ils ont été payés cash par un armateur de Reggio Calabre, propriétaire d'une flottille qui se limitait jusqu'à présent à quelques petits bateaux pour la pêche à l'espadon dans le détroit de Messine.

Les équipages sont calabrais, capitaines et officiers turcs. Les uns sont à bord, les autres à Istanbul, où ils attendent l'ordre d'embarquement.

J'ai appelé mon ami Ozgur, sur le mode « On a un enregistrement sur toi, où tu te glisses, ni vu ni connu, la bagatelle de cinquante millions de dollars dans les fouilles ; mon chef, le redoutable Edouard de Beauchêne, est favorable à la transparence entre les services ; pour ma part, comme tu sais, j'ai un naturel plus conciliant ».

Ça tombe bien : lui aussi...


On s'est retrouvé le lendemain, terrasse du café Markiz, le long d'Istiklal Caddesi, autour d'excellents baklavas pistaches et noisettes, avec la pointe de girofle qui change tout.

Brave Ozgur, contre notre aimable silence, il ne voit aucun inconvénient à nous trouver un bon restaurant pour un dîner offert par l'armateur calabrais à ses officiers turcs, restaurant dans lequel il a des accointances avec le chef, lequel ne serait pas trop regardant côté intoxications alimentaires.

Aucun problème non plus en ce qui concerne l'hôpital où il pourrait faire évacuer les marins, ainsi que les médecins qui leur rempliraient un arrêt de travail ferme et définitif pour les mois à venir.

Il voit également comment faire, documents à l'appui, de Gerhart, Harold, Giovanni et moi des capitaines au long cours et au chômage, de nationalité turque, avec leurs équipes d'officiers du même acabit, dont il pourrait se charger des faux papiers.

Enfin, il connait suffisamment la capitainerie du port pour qu'on soit spontanément proposés à l'armateur calabrais afin de suppléer dans l'urgence nos collègues défaillants.


J'ai quand même quelques inquiétudes en reste, que je lui soumets :

– Pas de problème si on parle pas turc ?

– Les mers sont pleines de capitaines turcs qui parlent tout, sauf le turc...

– On n'y connait rien en navigation !

– Faudra simplement vous munir d'un second qui s'y connaisse un peu...

– Un peu ?

– Si vous transportez du pétrole, un peu beaucoup, sinon, un peu tout court, mais...

– ... mais ?

– ... mais n'oubliez pas d'avoir un bon second avec vous...



*Pétrolier Aframax

**Tuzla, en carte et en photo

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**Tuzla, en carte et en photo

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3. Opération CriquetsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant